TVA – marchands de biens et promoteurs – détermination de la TVA déductible
La détermination de la TVA déductible soulève de nombreuses questions s’agissant des opérations impliquant des immeubles en stock.
Si les méthodes à notre disposition fonctionnent correctement pour les opérations simples, c’est-à-dire lorsque la totalité du chiffre d’affaires est taxable ou exonérée de la TVA et que le chiffre d’affaires commence dès la première année d’activité, il faut bien reconnaître que dès que nous sortons de ces situations, les règles existantes conduisent parfois soit à des résultats surprenants, déconnectés de la réalité de l’opération, soit à une absence de réponse.
Une question écrite a donc été déposée pour obtenir un mode d’emploi adapté aux opérations portant sur les immeubles en stock et plus particulièrement s’agissant des opérations comprenant une partie rénovation et une partie construction nouvelle (e.g. extension, surélévation, construction d’un second bâtiment).
Consulter la question écrite Louwagie n° 17995
Nouvelle question n° 719 du 8 octobre 2024
DMTO – engagement de revendre – opérations de découpe – délai spécial de 2 ans
L’acquisition d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans est, en principe, soumise aux droits de mutation à titre onéreux au taux plein (i.e. en principe 5,80665% sauf dans certains départements, voir l’espace DMTO, auxquels s’ajoutent classiquement les émoluments du notaire et la CSI de 0,10% (ancien salaire du conservateur), et enfin, s’agissant des locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage situés en Ile-de-France une taxe additionnelle de 0,6% prévue à l’article 1599 sexies du CGI, le tout formant les « frais de notaire » ).
Lorsque l’acquisition est effectuée par un assujetti à la TVA, celui-ci peut notamment prendre un engagement de revendre afin de « réduire » les droits de mutation à titre onéreux à 0,71498% (auxquels s’ajoutent toujours les émoluments du notaire et la CSI).
En principe, l’acquéreur assujetti doit avoir revendu l’immeuble dans les cinq ans de son acquisition (attention au cas particulier dans lequel le vendeur précédent a également pris un engagement de revendre puisque, dans ce cas, le délai du vendeur précédent s’impose à l’acquéreur ainsi qu’il ressort du deuxième alinéa de l’article 1115 du CGI).
Contrairement à ce qui est indiqué, par erreur, dans de nombreuses matrices d’actes, l’engagement de revendre n’est pas prorogeable. La seule exception concerne l’aménageur de ZAC (article 1594-0 G, A-IV bis du CGI).
Une autre exception, temporelle, concerne les engagements de revendre qui ont couru pendant le premier confinement, puisqu’ils bénéficient, dans le meilleur des cas, d’une prorogation automatique de 104 jours (voir nos articles).
A noter enfin que, malgré la crise qui frappe actuellement le marché de l’immobilier, le législateur n’a pas (encore) prévu une prorogation automatique du délai de l’engagement de revendre, comme cela avait été fait pour les biens acquis avant le 1er janvier 1993 jusqu’au 31 décembre 1998 (article 66 de la loi de finances rectificative pour 1992 (92-1476 du 31 décembre 1992) puis article 17 de la loi de finances rectificative pour 1995 (95-1347 du 30 décembre 1995)) (pour mémoire, voir également la réponse LACHAUD JO AN 2 novembre 2004, N° 45133)
En ce qui concerne les opérations de découpe, les opérations portant sur des locaux de bureaux ou des locaux commerciaux ne dérogent pas à ce qui vient d’être rappelé.
En revanche, les opérations portant sur des locaux d’habitation sont pénalisées. Le délai de cinq ans est en effet ramené à deux ans.
Ainsi, l’article 1115 du CGI dispose que : « Pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu à l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation ou celui prévu à l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, le délai prévu pour l’application de l’engagement de revendre visé au premier alinéa est ramené à deux ans. »
Dans un arrêt remarqué du 7 juillet 2015, la Cour de cassation avait retenu une approche libérale de laquelle il résultait qu’il fallait que le lot soit revendu occupé pour que le délai de 2 ans s’applique. Ainsi, la situation de l’immeuble lors de l’acquisition n’était pas prise en considération (Com. 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-23.366 Bull. 2015, IV, n° 51) (voir notre article sur le sujet).
Pour mémoire un extrait de cet arrêt : « l’arrêt [attaqué] retient que ni le fait de se placer sous le régime de l’article 1115 du code général des impôts, ni la division de l’immeuble par lots n’ont déclenché en eux-mêmes le droit de préemption des locataires qui occupaient les appartements au moment de l’acquisition de l’immeuble par la société ; qu’ayant constaté que les reventes litigieuses avaient porté sur des lots alors libres de toute occupation, la cour d’appel en a exactement déduit que le délai applicable était celui de quatre ans [délai applicable à l’époque des faits] »
Dans un arrêt du 14 février 2024, la Cour de cassation est venue nuancer cette approche favorable. Ainsi, même si les lots sont finalement revendus inoccupés, le délai de deux ans demeure applicable lorsque le droit de préemption des locataires a été déclenché par la notification des offres de vente après division de l’ensemble en lots de copropriété. Dans cette hypothèse, le délai de 2 ans a comme point de départ, non pas la date de notification des offres, mais bien la date d’acquisition de l’immeuble destiné à une opération de découpe (Com. 14 février 2024, pourvoi n° 22-17.541 Publié au bulletin).
TVA – LASM de travaux – taux réduit de TVA – Question écrite
Une question écrite vient d’être déposée afin d’obtenir des clarifications s’agissant du régime de TVA applicable aux livraisons à soi-même (LASM) de travaux.
La LASM est une fiction TVA. Il s’agit d’une opération taxée en tant que telle, en dehors du champ naturel de la TVA (i.e. les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux). Elle correspond à une vente à soi-même. L’objectif de la LASM est d’apporter un correctif technique à une situation donnée. Dans certains cas, la LASM est l’opération technique qui permet de soumettre une opération à un taux réduit de TVA, au lieu du taux normal (e.g. logements sociaux, accession sociale, médico-social). Celle-ci est donc favorable. En revanche, ce n’est pas le cas dans toutes les situations. En pratique, la LASM entraîne bien souvent un coût supplémentaire (surtout la LASM d’immeuble neuf).
La LASM de travaux ne doit pas être confondue avec la LASM d’immeuble neuf. La LASM de travaux vise des travaux qui ne conduisent pas à un immeuble neuf au sens de la TVA (article 257, I-2-2° du CGI). En revanche, la LASM de travaux vise notamment des travaux qui ne conduisent à un immeuble neuf qu’au sens de la tolérance administrative prévue en matière de DMTO (BOI-ENR-DMTOI-10-40).
La LASM ne concerne que des assujettis à la TVA qui ne récupèrent pas intégralement la TVA, c’est-à-dire ceux qui ont une activité en tout ou partie exonérée de la TVA.
Un bailleur de locaux d’habitation, sous réserve qu’il ne bénéficie pas de la tolérance administrative lui permettant de se considérer comme non assujetti à la TVA (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10), est concerné par les LASM de travaux (pour ceux qui viennent de décrocher, nous renvoyons à la fin de cet article).
Il en va de même du bailleur d’un immeuble mixte (i.e. bureaux / commerce et habitation).
La question écrite vise à clarifier deux points.
Le premier est de bien rappeler que les immeubles inscrits en stock ne sont pas concernés par les LASM de travaux. La réponse est déjà donnée dans le BOFIP mais de manière très rapide (BOI-TVA-IMM-10-10-20 § 230). Une confirmation expresse sera la bienvenue.
Le second point vise à clarifier la modification opérée par l’article 56 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 (loi de finances pour 2023). Cette modification concerne les taux réduits de TVA applicables aux travaux effectués dans les locaux d’habitation (articles 278-0 bis A et 279-0 bis du CGI).
Avant cette modification, les bailleurs de locaux d’habitation assujettis à la TVA (mais néanmoins exonérés de la TVA) pouvaient bénéficier des taux réduits de la TVA au titre de la facturation par les entreprises de travaux mais n’en bénéficiaient plus au moment de la taxation de la LASM de travaux. La loi de finances pour 2023 est venue corriger cet oubli.
Pour faire rapide, les taux réduits de TVA s’appliquent sous réserve que les travaux et les locaux remplissent certaines conditions, mais également à condition qu’une attestation spécifique soit remise dans les temps aux entreprises de travaux.
La question écrite vise principalement à savoir si la LASM de travaux peut être taxée à 10% ou à 5,5% alors même que l’attestation n’aurait pas été remise aux entreprises de travaux.
Pour ceux qui seraient perdus par l’assujettissement et l’exonération. L’assujetti est celui qui réalise une activité économique de manière habituelle et indépendante, peu importe qu’il soit ou non taxé à la TVA. L’assujetti est en principe taxé à la TVA, sauf s’il bénéficie d’une exonération.
Le bailleur est, en principe, assujetti à la TVA (il exerce une activité économique de manière habituelle et indépendante) mais peut être exonéré de la TVA, ce qui est le cas dans l’habitation sous réserve des régimes de taxation prévus pour les hôtels et assimilés ou encore pour certaines locations meublées avec services (voir le nouveau régime qui vient d’être mis en place par la loi de finances pour 2024). Le bailleur de locaux nus non destinés à l’habitation peut également être exonéré de la TVA sauf s’il opte pour être volontairement soumis à la taxe. En revanche, dans tous les cas, ces bailleurs sont, en principe*, assujettis et sont concernés par les LASM de travaux si une partie des loyers retirés d’un immeuble est exonérée de la TVA. (*) Ceci étant dit, le BOFIP prévoit pour certains bailleurs exonérés la possibilité de se considérer comme non assujetti ! Dans ce cas, les LASM de travaux ne les concernent pas. Ils évoluent en dehors du champ de la TVA.
Consulter la question écrite Louwagie n° 14979
TVA – Opérations des marchands de biens – Immeubles achevés depuis plus de 5 ans donnés en location avec TVA – Timing de la récupération de TVA – régime de l’assimilation (réponse)
Dans une réponse ministérielle du 27 juin 2023 (Rep. Louwagie JO AN 27/06/2023, n° 5633), l’administration fiscale précise les conditions d’application du régime de l’« assimilation » des biens en stock à des immobilisations pour les besoins de certaines règles de TVA.
Il est rappelé que :
– Le régime est applicable aux marchands de biens qui donnent en location un immeuble avec TVA avant de le revendre ;
– Le régime n’est donc pas réservé aux promoteurs ainsi que le soutiennent certains services de vérification ;
– L’affectation à une activité de location est établie même en cas de locaux partiellement vacants dès lors que l’assujetti est en mesure de démontrer qu’il procède à la recherche active de locataires (ces précisions avaient déjà été fournies par la Réponse ministérielle Grau JO AN 31/12/2019 page 11557, n° 24298). Selon nos informations, ces précisions valent également pour les locaux totalement vacants.
– Les « vingtièmes » de TVA éventuellement transférés par le cédant (vente exonérée de la TVA) sont déductibles dès que l’assimilation se produit (e.g. après une année de location ou de recherche de locataires) et non pas lors de la revente de l’immeuble soumise à la TVA sur option ;
– Idem pour la TVA d’acquisition résultant d’une option pour le paiement de la TVA exercée par le cédant en application de l’article 260, 5° bis du CGI ;
Il s’agit d’une évolution importante. En effet, jusqu’à présent, un marchand de biens ne pouvait pas déduire la TVA d’acquisition d’un immeuble achevé depuis plus de 5 ans avant la revente de l’immeuble, soumise à la TVA sur option exercée par le marchand de biens. Cette solution résulte d’une jurisprudence du Conseil d’Etat initiée par la décision « Lips » (CE 27 novembre 2020, 9e et 10e ch. réunies, n° 426091, « Mentionné aux tables du recueil Lebon », SNC Lips) (voir notre précédent commentaire).
– S’agissant des autres dépenses engagées en vue de la revente de cet immeuble (des dépenses de travaux, par exemple), il convient d’attendre la revente soumise à la TVA sur option pour pouvoir exercer le droit à déduction sans que le délai de péremption de l’article 208, I de l’annexe II au CGI ne puisse s’appliquer (« 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’omission ») (cette précision reprend les commentaires publiés au BOFIP sous les références BOI-TVA-IMM-10-30 au paragraphe 100). Il s’agit donc d’un traitement moins favorable que celui de la TVA d’acquisition de l’immeuble (« vingtièmes » ou TVA d’option).
– En cas de revente exonérée de la TVA (à défaut d’option exercée par le vendeur en application de l’article 260, 5°bis du CGI), s’agissant d’un immeuble « assimilé », « la procédure de transfert du droit à déduction prévue au 3 du IV [lire le III] de l’article 207 de l’annexe II au CGI s’applique et [le vendeur] est alors fondé à délivrer à son acquéreur l’attestation de transfert précitée mentionnant la TVA afférente à ces dépenses » (précision intéressante qui vise le montant brut des dépenses sans prendre en considération le temps écoulé entre l’engagement des dépenses et la revente de l’immeuble. Attention, cette précision ne vaut pas pour la TVA d’acquisition de l’immeuble qui diminue avec le temps à compter de l’assimilation).
Les réponses apportées par l’administration fiscale sont importantes.
Elles permettent de sécuriser la récupération de la TVA d’acquisition (« vingtièmes » ou TVA d’option) dès que l’assimilation se produit (e.g. une année de location soumise à la TVA ou de recherche de locataires pour une telle location) pour des opérations marchandes concernant des immeubles donnés en location avec TVA. Ces précisions ne présentent pas comme une tolérance. En pratique, il est donc recommandé d’appliquer ces nouvelles règles du jeu sans tarder.
Elles apportent également une réponse nouvelle et simple s’agissant des « autres dépenses engagées en vue de la revente de l’immeuble » (des dépenses de travaux, par exemple). Pas de déduction de la TVA dès l’assimilation du bien mais au moment de la revente soumise à TVA sur option ou possible report sur une attestation de transfert de « vingtièmes » (même si ce mot n’a plus de sens au cas particulier puisqu’il s’agit du montant brut des dépenses) en cas de revente exonérée.
Dans la mesure où cette TVA n’aura pas été déduite par le vendeur, l’attestation devra reprendre une liste précise des dépenses concernées et inclure la copie des factures correspondantes.
A noter que ces précisions permettent d’éviter la complexité des régularisations annuelles pour les dépenses engagées en vue de la revente de l’immeuble ou pour la TVA d’acquisition de l’immeuble.