TVA – cession d’un immeuble mixte sous 257 bis – une question est posée
Le régime TVA des locations immobilière n’est pas une chose évidente. Certaines locations sont soumises de plein droit à la TVA, d’autres sont exonérées sans possibilité d’option, d’autres enfin peuvent être soumises à la TVA sur option.
Si on veut simplifier, la location de locaux professionnels est souvent soumise à la TVA, en raison de l’option exercée par le bailleur (article 260, 2° du CGI). Cette option s’exerce, en pratique, par immeuble même si la jurisprudence, confirmée par une réponse ministérielle, permet d’opter par local (voir notre article).
La location de locaux d’habitation est, en principe, exonérée de la TVA, sans possibilité d’option. La location de locaux meublés avec services peut, quant à elle, être soumise à la TVA. C’est le cas notamment de certaines résidences étudiantes, résidences seniors, ou encore ephad, sans évoquer le régime applicable à certains co-livings. Ce dernier régime vient cependant d’être réformé par la loi de finances pour 2024 et un nouveau BOFIP est attendu (voir notre dernier article).
En ce qui concerne le droit à déduction de la TVA, lorsqu’un bailleur donne un immeuble en location en exonération de TVA, aucune TVA grevant les dépenses affectées à cet immeuble n’est déductible. Au contraire, lorsque l’immeuble est donné en location avec TVA, la TVA grevant ces dépenses est intégralement déductible.
Lorsque l’immeuble est partiellement soumis à la TVA, se pose la question du quantum de la TVA déductible. Cette TVA peut être à 20%, 10% ou encore à 5,5% lorsqu’il s’agit d’un immeuble mixte.
La matière n’est pas simple car il existe un choix entre plusieurs systèmes, certains issus du CGI, d’autres de la doctrine administrative. Il serait trop long de tous les envisager, d’autant plus qu’il est difficile de trouver une cohérence entre les systèmes doctrinaux et les règles du CGI.
Ceux qui souhaiteraient simplifier au maximum peuvent appliquer un coefficient de taxation unique à toutes les dépenses (article 206, IV-1-2° de l’annexe II au CGI). Il s’agit grosso modo d’un pourcentage de loyers et charges encaissés au titre d’une année civile (loyers et charges taxés à la TVA rapportés à la totalité des loyers et charges).
Un tel système peut être intéressant financièrement, mais pas toujours.
Lorsque l’immeuble est en régime de croisière, il permet de bien anticiper le coût de la TVA non déductible.
En revanche, en cas changement de locataires ou de travaux, le pourcentage peut subir de fortes variations, déconnectées de la réalité économique de l’immeuble, d’où la nécessité de recourir à d’autres méthodes sous peine de voir le coût de la TVA non déductible devenir exorbitant.
Il ne s’agit pas d’un sujet évident et il sera encore nécessaire d’interroger l’administration fiscale pour y voir parfaitement clair.
La présente question traite, quant à elle, de la mutation entre deux bailleurs d’un immeuble mixte, intégralement affecté à une activité locative, mais dont une partie des loyers seulement est taxée à la TVA.
Dans une telle hypothèse, l’article 257 bis est applicable à la totalité de la cession. Ce n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle. C’est un état de fait, dont il faut tirer les conséquences.
En effet, dans la mesure où l’acquéreur est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, l’acquéreur hérite des conséquences pour le futur des méthodes de déduction de TVA retenues par le passé par le vendeur.
L’état des déductions de TVA doit donc nécessairement retracer les méthodes retenues par le vendeur.
Cette information est d’autant plus importante que l’acquéreur pourra devoir concrètement reverser de la TVA à l’administration fiscale ou en réclamer alors que cette aura été initialement déduite par le vendeur.
Au-delà de l’aspect documentaire, il y a donc un sujet d’anticipation en raison des conséquences financières attachées à ces régularisations futures lorsque celles-ci sont prévisibles, tel le départ envisagé d’un locataire post acquisition.
Avant toute chose, afin de pouvoir partir sur de bonnes bases, la première des choses pour le vendeur et l’acquéreur est de pouvoir déterminer le coefficient de taxation forfaitaire de l’année de cession.
Lorsque la cession intervient en cours d’année, et que celle-ci bénéficie de l’article 257 bis, rien n’est indiqué dans le CGI ou dans les instructions publiées au BOFIP. C’est donc tout l’objet de la question qui vient d’être déposée. Logiquement, la question couvre également les régularisations annuelles au titre de cette année de cession.
Pour ceux qui auraient « un peu » décrocher, il sera temps lorsque la réponse sera publiée de s’atteler véritablement au sujet 🙂
Consulter la question Louwagie n° 16932
Nouvelle question n° 718 du 8 octobre 2024
TVA – location de locaux nus – option rétroactive
Pour mémoire, la location de locaux nus est exonérée de la TVA (art. 261 D, 2° du CGI). L’article 260, 2° du CGI prévoit cependant une faculté d’option, sous certaines conditions. L’article 194 de l’annexe II au CGI précise enfin que : » L’option ou sa dénonciation prend effet à compter du premier jour du mois au cours duquel elle est formulée auprès du service des impôts. »
Dans une décision en date du 21 décembre 2023, n°474042, SAS François Perrino Holding, le Conseil d’Etat a tranché la question d’une option à la TVA exercée de manière rétroactive.
A cet égard, le Conseil d’Etat rappelle qu’il résulte des dispositions précitées que la validité d’une option formulée par le propriétaire de locaux qu’il destine à la location n’est assurée, et que, par suite, cette option ne peut emporter d’effets (i.e. le droit à déduction de la TVA) :
– qu’à compter du premier jour du mois au cours duquel l’option est formulée,
ou
– si la date est postérieure, de la date à laquelle sont souscrits, aux fins de location, immédiate ou future, de ces locaux, des engagements contractuels de nature à établir la conformité de l’opération aux articles ci-dessus rappelés.
Partant, le Conseil d’Etat a considéré qu’une option exercée le 15 décembre 2016 avec l’indication expresse d’un effet rétroactif au 1er janvier 2016, ne pouvait pas produire effet avant le 1er décembre 2016, au mieux.
« En statuant ainsi, sans rechercher à quelle date avaient été souscrits les engagements contractuels en vertu desquels elle a débuté son activité, le 1er janvier 2017, et alors que l’option exercée était en tout état de cause insusceptible, en vertu des règles rappelées au point 2, de produire des effets, au titre de l’exercice par la société de son droit à déduction, antérieurement au 1er décembre 2016, la cour a commis une erreur de droit »
Au final, pas de droit à déduction de la TVA grevant les dépenses exposées antérieurement à la date à laquelle l’option devient valide.
Remarque :
Traditionnellement, le Conseil d’Etat retient une position plus sévère que celle de l’administration fiscale pour déterminer la date de la validité de l’option. Celui-ci retient la date de souscription d’engagements contractuels (CE, 13 janvier 2006, S.C.I. Les Alizés, n° 253404) alors que le BOFIP (BOI-TVA-CHAMP-50-10 § 170) prévoit qu’il « est admis que dès lors qu’une option a été formulée en bonne et due forme par le bailleur, cette dernière produit ses effets sur les locaux nus à usage professionnel non effectivement donnés en location par le bailleur mais dont il peut être établi, par des éléments objectifs, qu’il les offre à la location » (exemple : un mandat de recherche de locataire en début d’activité).
Au cas particulier, la perte de la TVA déductible aurait pu être évitée avec une option exercée au bon moment alors même qu’aucun engagement contractuel n’aurait été souscrit.
Nota du 24/04/2024 : voir également sur le sujet CAA Lyon, 2e ch., 18 avr. 2024, n° 21LY03607
TVA – Location de locaux nus – option – ensemble immobilier
Sous certaines conditions, un bailleur peut soumettre la location de locaux nus à la TVA (article 260, 2° du CGI).
L’option résulte, en principe, d’une lettre spécifique envoyée à l’administration fiscale.
A défaut, la TVA qui est facturée au preneur, est facturée à tort et ne permet pas au bailleur d’exercer ses éventuels droits à déduction.
L’article 193 de l’annexe II au CGI prévoit que « Les personnes qui donnent en location plusieurs immeubles ou ensembles d’immeubles doivent exercer une option distincte pour chaque immeuble ou ensemble d’immeubles »
Dans une affaire complexe, la CAA de Nancy vient de juger qu’une option exercée pour un immeuble donné ne produisait pas d’effet pour un second immeuble construit ultérieurement sur la même parcelle dès que lors que ces deux immeubles ne formaient pas un ensemble immobilier au sens des dispositions de l’article 193 précitées, en l’absence de permis de construire unique ou de même programme de construction.
A noter que la notion d’ensemble immobilier n’est pas définie par le CGI.
L’administration fiscale a, quant à elle, défini cette notion de la manière suivante : « Par ensemble immobilier, il faut entendre non seulement un groupe de bâtiments ayant fait l’objet d’un même plan de masse, d’un permis de construire unique, ou d’un même programme de construction, réalisé sur un terrain appartenant à une même personne, mais également deux ou plusieurs immeubles construits sur un même terrain et destinés à l’exercice d’une seule et même activité par le preneur » (BOI-TVA-CHAMP-50-10 § 110).
Cette affaire montre l’importance pratique (i) d’une bonne rédaction des lettres d’option TVA et (ii) de leur suivi dans le temps (e.g. extension, surélévation, restructuration conduisant à un immeuble neuf pour les besoins de la TVA), et ceci d’autant plus que l’administration fiscale a, à la suite d’un arrêt EMO du Conseil d’Etat du 9 septembre 2020, autorisé une option par local et non plus seulement une option globale par immeuble ou ensemble immobilier (voir la réponse ministérielle Grau JO AN du 16 novembre 2021, n°38389).
Dernier point. En ce qui concerne l’exercice des droits à déduction, il est important de bien identifier les différents immeubles ou ensembles immobiliers détenus, afin de pouvoir suivre distinctement la TVA relative à chacun des immeubles. Chaque immeuble ou ensemble immobilier constitue en effet un secteur distinct d’activité (article 209, I-2° de l’annexe II au CGI).
Consulter CAA de NANCY, 2ème chambre, 30/11/2023, 21NC00653, SCI CV NAUDIN
TVA – locations soumises à TVA sur option – utilisation professionnelle d’un local à usage d’habitation
Pour mémoire, la location de locaux nus est exonérée de la TVA, y compris lorsqu’il s’agit de locaux de bureau. L’article 260 du CGI prévoit cependant la possibilité d’opter pour soumettre volontairement les loyers à la TVA.
Cette possibilité est cependant limitée.
Ainsi, l’option ne peut pas être exercée si les locaux nus donnés en location sont destinés à l’habitation (article 260, 2°-a).
Selon la CAA de Douai, « la validité d’une option formulée par le propriétaire de locaux qu’il destine à la location n’est assurée et que, par suite, cette option ne peut emporter d’effets, qu’à compter de la date à laquelle sont souscrits, aux fins de location, immédiate ou future, de ces locaux, des engagements contractuels de nature à établir la conformité de l’opération aux prévisions du 2° de l’article 260 du CGI, qui exclut notamment l’exercice de l’option si les locaux nus donnés en location sont destinés à l’habitation« .
Partant, il est nécessaire de démontrer l’intention d’affecter l’immeuble à un usage professionnel à la date à laquelle l’option est exercée.
Cet arrêt invite à la prudence en ce qui concerne la rédaction du bail et le timing de l’option lorsque des professions libérales occupent des locaux à usage d’habitation.