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14
Avr

TVA – crise du logement

A noter le dépôt le 11 avril 2024 d’une proposition de loi portant mesures d’urgence visant à faire face à la crise du logement à l’Assemblée nationale.

L’article 8 de ce texte propose d’ouvrir aux investisseurs individuels le taux de TVA de 10 % pour la construction de logements intermédiaires (modification de l’article 279-0 bis A du CGI pour ajouter les personnes physiques aux personnes morales comme destinataires des livraisons de logements).

A noter également le rapport à venir le 30 avril prochain de la Mission d’information relative à la crise du logement au Sénat, dont nous recommandons fortement le visionnage des différentes auditions.

A suivre, par ailleurs, la question écrite déposée par Romain Daubié (question N° 15559). Pour mémoire, Romain Daubié est l’auteur de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements qui a été adoptée en première lecture le 7 mars 2024 par l’Assemblée nationale et dont l’étude par le Sénat devrait commencer le 7 mai. Cette proposition de loi prévoirait notamment, la soumission à la taxe d’aménagement, sur décision des collectivités locales, des opérations de transformation des bureaux en logement (art. 2 et 3) et exonérerait de la taxe annuelle bureau les « locaux à usage de bureaux qui font l’objet d’un projet de transformation en logements ayant fait l’objet d’un dépôt de permis de construire au cours de l’année précédant la déclaration de la taxe » (art. 3 bis A (nouveau)).

Enfin, le projet de loi concernant le logement devrait, quant à lui, être déposé au Sénat le 17 juin prochain.

 

 

 

9
Avr

TVA – TVA sur marge – importance de la rédaction de la clause désignation

Le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt important, même s’il est étonnamment classé « Inédit au recueil Lebon », concernant le régime de la TVA sur marge (Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 02/04/2024, 466644, Inédit au recueil Lebon).

Le régime de la TVA sur marge, prévu de manière optionnelle par l’article 392 de la Directive TVA 2006/112/CE, que la France est la seule à avoir choisi de transposer, a été la source d’un contentieux fourni qui a historiquement trouvé sa source dans des opérations de détachement de parcelles (i.e. achat d’une maison et de son jardin pour revendre séparément la maison et un ou plusieurs terrains à bâtir) et qui a trouvé son « apothéose » dans un contentieux issu du régime applicable avant la réforme de la TVA immobilière opéré par la loi de finances rectificative pour 2010 (loi n°2010-237 du 9 mars 2010).

Après de nombreux arrêts du Conseil d’Etat et un arrêt et une ordonnance de la cour de justice de l’union européenne, nous savons que la TVA sur marge, telle que nous la connaissons aujourd’hui, vit ses derniers jours en attendant le nouveau BOFIP qui viendra sonner l’hallali, et qu’elle ne survit aujourd’hui que grâce aux soins palliatifs apportés par la réponse ministérielle Grau N° 42486 (JO AN du 1er février 2022) qui permet, sous certaines conditions, de continuer d’appliquer le régime tel qu’il avait été initialement conçu par l’administration fiscale, sous réserve des retouches successives et parfois contraires apportées par différentes réponses ministérielles.

Compte tenu de ce diagnostic vital engagé, on pourrait s’interroger sur la motivation qui nous conduit au commentaire de cet énième arrêt du Conseil d’Etat.

La raison est simple. Nous pensons que ce nouvel arrêt précise les critères de qualification du bien vendu au regard de la TVA et par conséquent le régime de TVA applicable à la vente de ce bien.

Ainsi, lorsqu’un bien est composé d’un bâti et de plusieurs parcelles, ce nouvel arrêt permet de répondre à la question de savoir si le vendeur vend un bâti et un ou plusieurs terrains (qui peuvent, selon leur classification au PLU, être ou non à bâtir – article 257, I-2-1° du CGI) ou seulement un bâti et son terrain d’assiette sis sur plusieurs parcelles qui suivent dès lors le régime TVA du bâti.

Nous reprendrons les conclusions de la rapporteure publique Esther de Moustier (dont nous recommandons la lecture) comme fil d’ariane.

Les faits

« la société Echo 5, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis en 2011 à Reyrieux (Ain) un bien immobilier comprenant des constructions et composé de plusieurs parcelles. En 2014, elle a revendu quatre terrains à bâtir issus de divisions de cette propriété. Elle a placé ces cessions, pour leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sous le régime de la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration, estimant que ces terrains n’avaient pas été acquis par l’intéressée en qualité de terrains à bâtir, a remis en cause l’application de ce régime et a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.  »

On comprend donc que certaines parcelles revendues trouvent leur origine dans des parcelles sur lesquelles ne se trouvait aucune construction lors de leur achat (ce qui est confirmé par le point 5. de l’arrêt).

Rappelons dès à présent les règles posées par la CJUE (CJUE 30 septembre 2021, C-299/20, Icade Promotion SAS et CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS)

– Point qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de cet article : Le régime de marge requiert une condition d’identité « juridique » qui repose sur la comparaison de la qualification TVA de ce qui est acheté avec ce qui est revendu. Il faut donc acheter et revendre un terrain à bâtir si on veut appliquer la TVA sur marge sur la revente de ce terrain à bâtir.

– Le régime de marge ne requiert pas de condition d’identité « physique ». le découpage physique du terrain n’a pas de conséquence.

– Un terrain à bâtir qui fait l’objet de travaux de raccordement aux réseaux demeurent un terrain à bâtir et ne devient pas un bâtiment.

– Point qui marque la fin prochaine de la TVA sur marge telle que nous la connaissons et dont nous reparlerons pas dans cet article : La TVA sur marge s’applique soit lorsque l’acquisition des biens a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, soit lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. En dehors de ces deux hypothèses, la TVA sur marge ne s’applique pas aux opérations portant sur des biens dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA, soit qu’elle se trouve en dehors de son champ d’application, soit qu’elle s’en trouve exonérée.

Concernant le premier point de la condition d’identité « juridique », la CJUE rappelle que : « il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte des définitions prévues par la législation nationale et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause au principal, si les biens acquis par les défenderesses au principal relèvent de la notion de « terrain à bâtir », au sens de l’article 12, paragraphe 3, de la directive TVA, et, ainsi, du champ d’application de l’article 392 de cette directive » (§ 29 de l’arrêt CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS).

A cet égard, la rapporteure publique rappelle les divergences d’interprétation entre les juges du fond, que nous avons déjà indiquées dans plusieurs articles. Certains juges retiennent en effet une analyse fondée sur les parcelles cadastrales sans tenir compte de la clause désignation de l’acte d’acquisition. D’autres, en revanche, recourent à la notion d’unité foncière « pour retenir, en substance, qu’une parcelle ne revêtait pas, à la date de son acquisition, le caractère de « terrain à bâtir » lorsque cette parcelle avait été acquise dans une unité foncière ou un ensemble immobilier contenant une autre parcelle sur laquelle était située un immeuble bâti, ajoutant qu’il en allait ainsi quand bien même cet ensemble avait fait l’objet, avant sa revente, d’une division parcellaire et que la parcelle revendue ne comportait pas, lors de son acquisition, d’immeuble bâti« . La CAA de Nantes s’est notamment illustrée sur une telle approche (voir notre article).

Interprétation du Conseil d’Etat 

Sur le sujet, nous avions en dernier lieu en tête un arrêt BH concept, dont la lecture n’était pas évidente mais qui laissait à penser que la parcelle avait une importance cruciale (CE 11/10/2022, 8e et 3e ch., n° 46456, BH Concept, « Mentionné dans les tables du recueil Lebon »). Ainsi, pour être considéré comme terrain (le cas échéant, à bâtir), il convenait de vérifier que le terrain était matérialisé, avant son acquisition, par une parcelle distincte sur laquelle aucun bâti n’était pas présent.

A la lecture de cet arrêt, il n’était toutefois pas totalement clair si la manière dont le terrain était désigné dans l’acte d’acquisition avait ou non une importance pour la qualification de ce bien au regard de la TVA.

L’arrêt du 2 avril 2024, rendue dans l’affaire Echo 5, apporte les précisions suivantes.

Point 4 : « Il résulte également des dispositions de l’article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive du 28 novembre 2006 dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l’objet d’une autorisation de division, ou d’une division effective, lors de l’acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l’acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment. »

Autrement dit, la désignation des biens à l’acte emporte tout et notamment les parcelles, et la nature objective du terrain à bâtir puisque la subjectivité de la clause « désignation » demeure dorénavant le principe.

A la lecture des conclusions, nous comprenons pourtant qu’il convient de « raisonner parcelle par parcelle pour apprécier l’identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien cédé, et de ne pas s’arrêter à l’unité foncière objet de l’acte d’acquisition, du moins au sens du droit de l’urbanisme c’est-à-dire, à l’ « îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE, 1/6 SSR, 27 juin 2005, Commune de Chambéry, n°264667, B – Rec. T. pp. 1070-1072-1134-1146)« .

Partant, il y a donc lieu de ne pas s’en tenir au caractère constructible des parcelles acquises nues, mais de rechercher si celles-ci ont été acquises en vue d’être cédées en qualité de terrain à bâtir, c’est-à-dire en vue de l’édification de constructions et non en qualité de terrains d’agrément de la construction existante. Et, selon la rapporteure publique, les commentaires publiés au BOFIP iraient dans le même sens (BOI-TVA-IMM-10-10-10-40 § 10 sans pour autant relever le « en règle générale » ni les commentaires contradictoires au § 20)  (page 4 des conclusions).

Toujours selon la rapporteure publique : « Cette recherche de l’intention de l’acquéreur-revendeur est inhérente au régime de la TVA sur marge qui ne concerne que les terrains à bâtir achetés en vue de leur revente » , tout en reconnaissant que les implications de cette remarque dépassent les considérations spécifiques à ce régime dérogatoire puisqu’elle reconnaît que : « l’identification de la destination des parcelles dans l’acte de vente n’est pas sans conséquence sur le régime de TVA applicable à leur acquisition, seuls les terrains bâtis et non bâtis étant, à la différence des terrains à bâtir, exonérés de TVA.  »

Pour conclure : « Le ministre est donc fondé à soutenir qu’en l’espèce, la Cour a commis une erreur de droit en se fondant, pour qualifier les parcelles objet de l’opération litigieuse de terrains à bâtir au moment de leur acquisition, sur les seules possibilités réglementaires de construction prévues par le règlement du PLU alors applicable à ces parcelles et en écartant la circonstance que l’acte de vente ne visait qu’une propriété bâtie sans faire explicitement état de la vente de terrains à bâtir. »

En pratique, nous avons tendance à croire que :

– pour qualifier de TAB, il convient d’avoir une parcelle distincte (même si l’arrêt n’est pas totalement clair sur le sujet) ET d’en tirer les conséquences dans la clause désignation qui doit viser plusieurs immeubles, dont le terrain à bâtir.

– autrement, la présence du bâti, désigné comme un bien unique à l’acte, contaminera les différentes parcelles, y compris celles sur lesquelles aucune construction n’est présente au jour de leur mutation.

Ceci revient à accorder une importance particulière à l’intention des parties et à laisser de côté le principe du caractère objectif du terrain à bâtir tel que souhaité par le législateur lors de la réforme de la TVA immobilière.

La bonne nouvelle est que ceux qui avaient oublié d’identifier un terrain à bâtir dans leur désignation, et de le taxer, seront tranquillisés.

Pour les autres qui ont oublié de le viser dans la désignation alors qu’ils souhaitaient distinguer plusieurs immeubles, ce sera, en revanche, plus délicat. 

Dorénavant (la jurisprudence est cependant, par nature, rétroactive), il conviendra donc de prêter une attention particulière (i) aux parcelles, (ii) à la clause fiscale et (iii) à la désignation à l’acte. Dont acte !

8
Avr

TVA – cession d’un immeuble mixte sous 257 bis – une question est posée

Le régime TVA des locations immobilière n’est pas une chose évidente. Certaines locations sont soumises de plein droit à la TVA, d’autres sont exonérées sans possibilité d’option, d’autres enfin peuvent être soumises à la TVA sur option.

Si on veut simplifier, la location de locaux professionnels est souvent soumise à la TVA, en raison de l’option exercée par le bailleur (article 260, 2° du CGI). Cette option s’exerce, en pratique, par immeuble même si la jurisprudence, confirmée par une réponse ministérielle, permet d’opter par local (voir notre article).

La location de locaux d’habitation est, en principe, exonérée de la TVA, sans possibilité d’option. La location de locaux meublés avec services peut, quant à elle, être soumise à la TVA. C’est le cas notamment de certaines résidences étudiantes, résidences seniors, ou encore ephad, sans évoquer le régime applicable à certains co-livings. Ce dernier régime vient cependant d’être réformé par la loi de finances pour 2024 et un nouveau BOFIP est attendu (voir notre dernier article).

En ce qui concerne le droit à déduction de la TVA, lorsqu’un bailleur donne un immeuble en location en exonération de TVA, aucune TVA grevant les dépenses affectées à cet immeuble n’est déductible. Au contraire, lorsque l’immeuble est donné en location avec TVA, la TVA grevant ces dépenses est intégralement déductible.

Lorsque l’immeuble est partiellement soumis à la TVA, se pose la question du quantum de la TVA déductible. Cette TVA peut être à 20%, 10% ou encore à 5,5% lorsqu’il s’agit d’un immeuble mixte.

La matière n’est pas simple car il existe un choix entre plusieurs systèmes, certains issus du CGI, d’autres de la doctrine administrative. Il serait trop long de tous les envisager, d’autant plus qu’il est difficile de trouver une cohérence entre les systèmes doctrinaux et les règles du CGI.

Ceux qui souhaiteraient simplifier au maximum peuvent appliquer un coefficient de taxation unique à toutes les dépenses (article 206, IV-1-2° de l’annexe II au CGI). Il s’agit grosso modo d’un pourcentage de loyers et charges encaissés au titre d’une année civile (loyers et charges taxés à la TVA rapportés à la totalité des loyers et charges).

Un tel système peut être intéressant financièrement, mais pas toujours.

Lorsque l’immeuble est en régime de croisière, il permet de bien anticiper le coût de la TVA non déductible.

En revanche, en cas changement de locataires ou de travaux, le pourcentage peut subir de fortes variations, déconnectées de la réalité économique de l’immeuble, d’où la nécessité de recourir à d’autres méthodes sous peine de voir le coût de la TVA non déductible devenir exorbitant.

Il ne s’agit pas d’un sujet évident et il sera encore nécessaire d’interroger l’administration fiscale pour y voir parfaitement clair.

La présente question traite, quant à elle, de la mutation entre deux bailleurs d’un immeuble mixte, intégralement affecté à une activité locative, mais dont une partie des loyers seulement est taxée à la TVA.

Dans une telle hypothèse, l’article 257 bis est applicable à la totalité de la cession. Ce n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle. C’est un état de fait, dont il faut tirer les conséquences.

En effet, dans la mesure où l’acquéreur est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, l’acquéreur hérite des conséquences pour le futur des méthodes de déduction de TVA retenues par le passé par le vendeur.

L’état des déductions de TVA doit donc nécessairement retracer les méthodes retenues par le vendeur.

Cette information est d’autant plus importante que l’acquéreur pourra devoir concrètement reverser de la TVA à l’administration fiscale ou en réclamer alors que cette aura été initialement déduite par le vendeur.

Au-delà de l’aspect documentaire, il y a donc un sujet d’anticipation en raison des conséquences financières attachées à ces régularisations futures lorsque celles-ci sont prévisibles, tel le départ envisagé d’un locataire post acquisition.

Avant toute chose, afin de pouvoir partir sur de bonnes bases, la première des choses pour le vendeur et l’acquéreur est de pouvoir déterminer le coefficient de taxation forfaitaire de l’année de cession.

Lorsque la cession intervient en cours d’année, et que celle-ci bénéficie de l’article 257 bis, rien n’est indiqué dans le CGI ou dans les instructions publiées au BOFIP. C’est donc tout l’objet de la question qui vient d’être déposée. Logiquement, la question couvre également les régularisations annuelles au titre de cette année de cession.

Pour ceux qui auraient « un peu » décrocher, il sera temps lorsque la réponse sera publiée de s’atteler véritablement au sujet 🙂

Consulter la question Louwagie N°16932

24
Mar

TVA – régime des EHPAD publics

Une réponse ministérielle a récemment rappelé la position de l’administration fiscale suite à un arrêt du Conseil d’Etat.

Les règles d’assujettissement à la TVA des personnes morales de droit public sont prévues à l’article 13 de cette directive, transposé dans le droit national à l’article 256 B du CGI.

La CJUE a précisé (arrêt du 29 octobre 2015, aff. C-174/14, Saudaçor – Sociedade Gestora de Recursose e Equipamentos da Saúde dos Açores SA) que le non assujettissement à la TVA de tels organismes impliquait la réunion de deux conditions cumulatives :

– les activités ou les opérations sont accomplies par les personnes publiques en tant qu’autorité publique, et ce, même si elles perçoivent pour ces activités des droits, redevances, cotisations ou rétributions ;

– le non-assujettissement des personnes publiques ne conduit pas à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

Lorsque ces conditions, appréciées en fonction des circonstances de chaque espèce, sont remplies, le droit de l’UE interdit de soumettre à la TVA les opérations des organismes en cause.

Par une décision du 7 avril 2023, n° 463241, le Conseil d’État s’est appuyé sur l’arrêt précité de la CJUE pour préciser la situation au regard de la TVA des EHPAD gérés par une personne morale de droit public.

S’agissant de la première condition, par les dispositions prévues à l’article 256 B du CGI, la France aurait fait usage de la faculté offerte aux États membres à l’article 13 de la directive TVA combiné avec le g du 1 de l’article 132 de cette même directive de regarder comme une activité effectuée en tant qu’autorité publique le service social d’hébergement des personnes âgées dans des structures publiques telles que les EPHAD.

S’agissant de la seconde condition, le Conseil d’État a posé une présomption de non-concurrence pour les EHPAD gérés par une personne morale de droit public en raison du fait qu’ils sont soumis en principe à une tarification administrée de leurs prestations d’hébergement et accueillent entièrement ou principalement des personnes âgées à faibles ressources.

A contrario, un opérateur privé à but lucratif est libre de choisir sa clientèle et de fixer ses tarifs dans les conditions prévues aux articles L. 342-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles.

De surcroît, ils ne sont pas non plus susceptibles d’entraîner de distorsions de concurrence avec les établissements privés à but non lucratif, et ce, même s’ils accueillent, dans des proportions significatives, des personnes âgées dépendantes disposant de faibles ressources en proposant des places habilitées à l’aide sociale à l’hébergement.

En effet, ces derniers sont exonérés de TVA pour l’ensemble de leurs prestations sur le fondement des dispositions du b du 1° du 7 de l’article 261 du CGI.

En conséquence, il résulte de la décision du Conseil d’État que les EHPAD gérés par des personnes morales de droit public sont, en principe, non assujettis à la TVA, cette analyse s’imposant autant aux contribuables qu’à l’État.

Il est important de comprendre que l’assujettissement à la TVA emportait des conséquences plus favorables en raison du bénéfice de la TVA à un taux réduit, de la TVA déductible et de la sectorisation en matière de de taxe sur les salaires.

Consulter la réponse ministérielle Vermorel-Marques, JO AN du 27 février 2024, N° 13969

Pour aller plus loin, consulter :
– les conclusions de la décision du CE 7 avril 2023, n° 463241, Centre hospitalier de Vire

Extraits de la décision du CE 7 avril 2023, n° 463241, Centre hospitalier de Vire

« 6. En premier lieu, la condition selon laquelle l’activité économique est réalisée par l’organisme public en tant qu’autorité publique est remplie, selon la jurisprudence de la Cour de justice, lorsque l’activité en cause est exercée dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public. Ainsi, l’activité en cause doit être exercée dans des conditions juridiques différentes de celles des opérateurs économiques privés, notamment, lorsque sont mises en œuvre des prérogatives de puissance publique, lorsque l’activité est accomplie en raison d’une obligation légale ou dans le cadre d’un monopole ou encore lorsqu’elle relève par nature des attributions d’une personne publique. Cette condition peut également, si la législation de l’Etat membre le prévoit, être regardée comme remplie lorsque l’activité exercée est exonérée en application, notamment, de l’article 132 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006. Si cette condition n’est pas remplie, la personne morale de droit public est nécessairement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de cette activité économique, sans préjudice des éventuelles exonérations applicables. »

« 8. Par les dispositions de l’article 256 B du code général des impôts citées au point 4, la France a fait usage de la possibilité ouverte par le 2 de l’article 13 de la directive du 28 novembre 2006 citée au point 3 lu en combinaison avec le g du 1 de l’article 132 de cette même directive, de regarder comme une activité effectuée en tant qu’autorité publique le service social d’hébergement des personnes âgées dans des structures publiques. »

« 9. En second lieu, par un arrêt du 16 septembre 2008 (C-288/07) Commissioners of Her Majesty’s Revenue et Customs contre Isle of Wight Council et autres, la Cour de justice a dit pour droit que les distorsions de concurrence d’une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu’autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l’activité en cause, en tant que telle, indépendamment de la question de savoir si ces organismes font face ou non à une concurrence au niveau du marché local sur lequel ils accomplissent cette activité, ainsi que par rapport non seulement à la concurrence actuelle, mais également à la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d’entrer sur le marché pertinent soit réelle, et non purement hypothétique. Par un arrêt du 19 janvier 2017 (C-344/15) National Roads Authority, la Cour de justice a précisé que les distorsions de concurrence d’une certaine importance doivent être évaluées en tenant compte des circonstances économiques et que la seule présence d’opérateurs privés sur un marché, sans la prise en compte des éléments de fait, des indices objectifs et de l’analyse de ce marché, ne saurait démontrer ni l’existence d’une concurrence actuelle ou potentielle ni celle d’une distorsion de concurrence d’une certaine importance. Les distorsions de concurrence mentionnées au paragraphe 1 de l’article 13 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 s’apprécient à la fois au regard de l’activité en cause et des conditions d’exploitation de cette activité. L’existence de telles distorsions ne saurait, dès lors, résulter de la seule constatation que des prestations réalisées par un organisme de droit public sont identiques à celles réalisées par un opérateur privé, sans examen de l’état de la concurrence réelle, ou à défaut potentielle, sur le marché en cause. »

« 10. Eu égard au caractère social des EHPAD publics qui sont habilités à accueillir entièrement ou principalement des personnes âgées à faibles ressources et qui, par suite, sont soumis en principe à une tarification administrée de leurs prestations relatives à l’hébergement de celles-ci, un opérateur privé exerçant cette activité à titre lucratif, libre de choisir sa clientèle et, par suite, de fixer ses tarifs en conséquence, ne saurait être empêché d’entrer sur le marché en cause ou y subir un désavantage du seul fait de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée qui lui permet, à la différence d’un opérateur public placé hors du champ de celle-ci, d’obtenir le remboursement de l’excédent de la taxe ayant grevé ses charges sur celle dont il est redevable à raison de ses recettes. Par ailleurs, cette même activité exercée sans but lucratif par un opérateur privé est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts cité au point 4. Par suite, en jugeant que le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée du centre hospitalier de Vire à raison de l’activité de son EHPAD, dont il est constant qu’il est habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement pour la totalité des places qu’il offre, n’était pas susceptible de générer de distorsion dans les conditions de la concurrence au sens et pour l’application de l’article 256 B du code général des impôts, lu à la lumière des dispositions de la directive du 28 novembre 2006 qu’il a pour objet de transposer, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.«