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Posts from the ‘TVA & DMTO’ Category

21
Juin

TVA – Parahôtellerie (« 3 services sur 4 ») – conclusions du rapporteur public – « same player shoot again » ? Un nouveau régime en vue ?

En principe, la location de logements est exonérée de la TVA, y compris lorsque le logement est meublé.

En revanche, l’article 261 D, 4°-b du CGI prévoit une exception à cette exonération (i.e. la taxation à la TVA). Pour faire très simple, il s’agit de la location d’un logement meublé avec la fourniture de services parahôteliers.

Ce régime peut s’expliquer de deux manières.

D’un point de vue français, avant le 1er janvier 1991, la location meublée était soumise à la TVA (i.e. sans services parahôteliers) mais ne permettait pas au bailleur d’exercer un droit au remboursement de la TVA (la TVA déductible pouvait uniquement être imputée sur de la TVA collectée au titre des loyers). Lorsque la location de logement meublé est devenue exonérée de la TVA, le législateur a mis en place une exception à l’exonération pour la parahôtellerie.

D’un point de vue droit de l’Union, la directive TVA prévoit l’exonération de la location d’immeuble mais oblige les Etats membres à taxer « les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire » (article 135, 2-a) de la directive TVA).

Le régime français a généré un abondant contentieux pour deux raisons. La première tient au fait que des bailleurs ont souhaité être soumis à la TVA alors qu’ils ne remplissaient pas les conditions posées par le CGI. La seconde, que les conditions requises par le CGI ne permettaient pas d’atteindre l’objectif posé par la directive, à savoir taxer les locations en concurrence avec l’hôtellerie. Autrement dit, les conditions posées pour être taxées étaient telles qu’elles permettaient à des bailleurs en concurrence avec l’hôtellerie d’être exonérés de la TVA.

Après que le Conseil d’Etat ait une première fois déclaré le texte français incompatible avec la directive TVA, les critères de taxation ont été modifiés par la loi de finances rectificative pour 2002 pour donner la version que nous connaissons aujourd’hui et que nous résumons comme « logement meublé avec trois services parahôteliers sur quatre ».

En raison de l’arrivée des plateformes de location que nous connaissons tous, chacun peut arriver à la conclusion que certaines locations peuvent être exonérées de la TVA, à défaut de remplir ces critères actuellement exigés par le CGI, alors même que la concurrence avec le secteur hôtelier ne fait aucun doute.

C’est dans ce contexte que la CAA de Douai a posé une question au Conseil d’Etat sur la compatibilité du texte français avec la directive TVA (CAA Douai, 4ème chambre, 2 mars 2023, n°22DA01547).

Avec notre confrère Paul Duvaux, nous sommes allés écouter les conclusions du rapporteur public cet après-midi.

Il ne s’agit pas donc encore de l’arrêt du Conseil d’Etat (qui pourrait retenir une autre analyse).

A l’écoute de ces conclusions, pas de réelles surprises.

Après avoir rappelé la dimension politique du sujet (incidences sur l’hôtellerie et sur l’accès au logement) ains que l’effet d’aubaine de ce régime (« subvention indirecte par l’Etat »), le rapporteur public a rappelé les obligations qui pesaient sur la France en raison de la directive TVA et notamment l’obligation d’interpréter largement l’exception à l’exonération.

Il a logiquement conclu à l’incompatibilité du régime actuel dans le prolongement des arrêts déjà rendus par le Conseil d’Etat : Conseil d’Etat, 9 / 10 SSR, du 11 juillet 2001, 217675, publié au recueil Lebon et Conseil d’Etat, 8ème et 3ème sous-sections réunies, du 27 février 2006, 258807, mentionné aux tables du recueil Lebon).

C’est ce dernier arrêt rendu dans le cadre du régime antérieur à celui instauré par la loi de finances pour 2002, qui doit retenir notre attention puisque c’est probablement ce que pourrait à nouveau juger le Conseil d’Etat : « […] ces dispositions sont incompatibles avec les objectifs de l’article 13 précité de la sixième directive [la directive TVA], en tant qu’elles subordonnent l’exonération des prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni à ces conditions cumulatives ; qu’en revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu’elles excluent de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières ». Cette solution permet en effet de sauver le noyau dur de la taxation à la TVA sur la base du droit français, sans faire appel à l’effet direct des dispositions de la directive TVA.

Ce régime prétorien reposerait donc sur une analyse, au cas par cas, en utilisant des indices pour vérifier la concurrence avec l’hôtellerie. Parmi ces indices, il y aurait les services para-hôteliers que nous connaissons (le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle), mais également, selon le rapporteur public, la durée de la location et ses modalités.

A notre avis, il est évident que le besoin de sécurité juridique et les nécessités de la gestion de la taxe, conduiront le législateur à prochainement prévoir une nouvelle rédaction de l’article 261 D, 4°-b du CGI.

A cette occasion, le législateur pourrait, par exemple, exiger des services parahôteliers différents selon la durée du séjour afin de pouvoir dorénavant taxer les locations d’une seule nuit avec la seule fourniture de linge et continuer de taxer l’hôtellerie « longue durée » dans les conditions que nous connaissons aujourd’hui (résidences étudiantes, résidences services sénior, EHPAD, etc.).

A suivre !

Nota du 24 juin 2023 :

Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin, vous pouvez consulter :
– la proposition de directive VIDA s’agissant de la taxation à la TVA des services de transport et d’hébergement rendus par des fournisseurs non assujettis sur des plateformes (page en anglais mais qui renvoie vers les textes qui peuvent être consultés en français) ;
la note du Conseil des prélèvements obligatoires dans sa séance du 25 mai 2023 relative à cette proposition de directive ;
– le régime applicable en Belgique.

 

4
Jan

LF 2022 – Art. 32 (9 ter) – TVA à 10% – logements locatifs intermédiaires – aménagements

L’article 32 modifie deux des conditions d’application du taux de 10% prévu à l’article 279-0 bis A du code général des impôts.

Première modification. S’agissant du pourcentage de logements locatifs sociaux d’une commune, celui-ci passe de 35% à 25% (article 279-0 bis A, II-A).

Pour mémoire, la version actuelle.

« […] les terrains des logements à construire sont situés, à la date du dépôt de la demande de permis de construire, sur le territoire d’une commune comptant déjà plus de 35 % de logements locatifs sociaux, au sens de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, au sens du 8° du I de l’article 278 sexies du présent code. »

Pour une première approche du pourcentage de 25%, le site internet suivant peut être utilisé  https://www.ecologie.gouv.fr/sru/

Seconde modification. Lorsque le destinataire de la livraison ou, en cas de démembrement de la propriété, l’usufruitier, est une personne morale visée à l’article 279-0 bis A, I-2°-c), la détention intégrale du capital par des personnes passibles de l’impôt sur les sociétés devra être appréciée « directement ou indirectement ».

Ces modifications s’appliquent aux livraisons de logements pour lesquels le permis de construire est déposé à compter du 1er janvier 2022. Toutefois, pour les ventes en l’état futur d’achèvement, elles s’appliquent aux livraisons de logements pour lesquels l’acte de vente ou, le cas échéant, le contrat préliminaire, est signé à compter de cette même date.

Consulter l’amendement n°II-3534 adopté en première lecture par l’Assemblée nationale

Consulter l’amendement n°899 adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale

16
Sep

TVA – gestion des fonds immobiliers – évolution potentielle des règles concernant l’option

 

Nous comprenons que la loi de finances pour 2022 pourrait modifier les règles de l’option TVA applicable à la gestion des fonds immobiliers.

Attention, il ne s’agit pas de l’option à la TVA exercée par les bailleurs d’immeubles mais de l’option à la TVA sur les opérations « financières » notamment exercée par les sociétés de gestion.

Aujourd’hui, cette dernière option est une option « globale ».

Ainsi, en cas d’option, toutes les commissions sont concernées sauf celles qui sont exclues du champ de l’option par la loi (e.g. commissions perçues lors du placements d’actions – article 260 C, 12° du CGI). Ce régime du « tout ou rien » a pu conduire certaines sociétés de gestion à ne pas opter, ou à renoncer à une option initialement exercée.

Demain, l’option pourrait devenir « sélective », c’est-à-dire commission par commission ou encore client par client.

Cette évolution trouverait sa source dans la décision EMO du 9 septembre 2020 selon laquelle l’option applicable aux locations immobilières peut être faite local par local et non pas obligatoirement par immeuble (voir notre commentaire en date du 10 septembre 2020 ainsi que notre article consacré à la question écrite déposée le 20 avril 2021 afin d’obtenir des clarifications  de l’administration fiscale)

Si cette évolution devait voir le jour, cela permettrait aux sociétés de gestion de choisir les commissions soumises à la TVA et d’éviter, par exemple, de soumettre à la TVA la gestion de certains fonds ou certaines commissions (certains droits d’entrée, par exemple).

Nota du 22 septembre 2021 : l’article 9 du PLF 2022 prévoit :

4° A l’article 260 B, la première phrase du deuxième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée : 
« L’assujetti qui a exercé l’option l’applique aux seules opérations qu’il détermine. »

Article rédigé avec la participation de Robin Maubert, avocat

30
Juin

TVA – démembrement de propriété ab initio – dépôt d’une question écrite

 

Une question écrite a été déposée afin d’obtenir des précisions sur les conséquences TVA de l’extinction de l’usufruit portant sur un immeuble dans le cas d’un démembrement de propriété intervenant ab initio.

Cette question écrite doit être lue à la lumière d’une précédente réponse ministérielle Pauget en date du 2 avril 2019 (n° 17425) (voir notre article du 4 avril 2019) qui avait complété les commentaires du BOFIP.

Le sujet est technique.

On peut cependant résumer les choses de la manière suivante.

Les commentaires du BOFIP avaient prévu un système qui permettait d’éviter tout coût de TVA en raison du démembrement de propriété lorsque l’immeuble est utilisé par un usufruitier récupérateur de TVA.

Un arrêt de la CAA de Bordeaux du 10 mars 2016, n° 14BX03561, SCI Marguerite a jugé que ce système n’était pas applicable en cas de démembrement ab initio, d’où l’apparition, au final, d’un coût de TVA.

La réponse ministérielle Pauget du 2 avril 2019 vient « corriger le tir ». Cela étant, cette réponse ne concerne que la « première partie du film », c’est-à-dire le transfert de la TVA à l’usufruitier par le nu-propriétaire, et non pas la fin, à savoir l’extinction de l’usufruit.

Comme tout ceci n’a rien d’évident, la nouvelle question écrite vient proposer un scénario pour ne pas laisser l’oeuvre inachevée et éviter, à nouveau, tout coût de TVA à l’extinction de l’usufruit.

Consulter la QE 39881.