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27
Déc

CIBS – intégration de la TVA – conséquences pratiques pour les opérations relatives aux immeubles

Dans notre précédent article, nous vous alertions sur la future recodification de la TVA dans le code des impositions sur les biens et services (CIBS)

Cette recodification a été opérée par l’ordonnance n° 2025-1247 du 17 décembre 2025 portant recodification de la taxe sur la valeur ajoutée et diverses modifications du code des impositions sur les biens et services publiée au journal officiel du 20 décembre 2025.

Cette ordonnance entre en vigueur le 1er septembre 2026 (article 49 de l’ordonnance).

L’objectif de cet article est de faire un premier tour d’horizon des conséquences pratiques de cette recodification s’agissant des opérations portant sur les immeubles (hors régime applicable aux logements relevant de la politique sociale).

Cet exercice n’est pas évident dans la mesure où cette recodification va bien au-delà du transfert des articles du CGI dans le CIBS et que l’ordonnance n’est pas accompagnée de notes permettant de comprendre les différences (voir sur le sujet l’article de nos confrères de CMS).

Afin de faciliter la lecture, nous allons opérer par thèmes.

Terminologie
Articles L221-2 à L221-10
Une nouvelle terminologie est élaborée afin de classer les biens immeubles : biens immeubles, biens immeubles assimilés, bâtiments, terrains bâtis, terrains non bâtis (qui remplacent les TNAB), terrains à bâtir, immeubles neufs (bâtiment et sol attenant « le cas échéant » selon l’article L221-8), immeubles anciens (idem) et le logement.

Article L211-23
L’assujetti agissant en tant que tel disparait et devient l’assujetti.
Article L211-25
La notion de « particulier » fait son apparition.

Commentaires
L211-23 : Le sens des articles 1115 (engagement de revendre) et 1594-0 G, A-I (engagement de construire) du CGI est modifié puisque ces deux articles visent seulement la notion d’assujetti dans version actuelle. Dans la grande majorité des cas, cette modification n’emportera cependant pas de conséquences.
L221-4 : La conclusion d’une promesse est dorénavant considérée comme une livraison de bien. On peut imaginer que la PUV portant sur un immeuble ancien sera exonérée de la TVA à défaut d’option. En revanche, la PUV portant sur un immeuble neuf sera soumise de plein droit à la TVA, la contrepartie étant l’indemnité d’immobilisation. Idem pour les TAB. Les PSV pourraient suivre le même régime en considérant que le montant prévu au titre de la clause pénale soit considérée comme la contrepartie de l’opération. Nous verrons les commentaires à venir sur le sujet avant de changer les règles au 1er septembre 2026.
L221-8 : La notion d’immeuble neuf ne s’applique plus seulement par bâtiment mais également par fraction de bâtiment. Ceci va déconnecter l’achèvement d’une fraction du bâtiment au sens de la TVA avec le régime applicable en matière d’engagement de construire qui attendra l’achèvement justifié par le dépôt de la DAACT (sauf DAACT par tranches).

La VEFA n’est pas traitée en tant que telle. Il faut appliquer les articles concernant l’« étendue » (Articles L211-14 & s.) pour retrouver le régime (sur le sujet voir Rep. Louwagie JO AN 13 sept. 2022) (voir nos commentaires ci-après).

L221-9 : le point de départ du délai de 5 ans n’est plus la date de dépôt de la DAACT mais l’achèvement des derniers travaux qui aboutissent à un immeuble neuf.
L221-10 : la notion de « logement » introduite par la « recodification » est purement TVA puisqu’une chambre d’hôtel est traitée comme un logement. Il ne faut donc pas mettre en relation cette notion les notions d’usage et de destination.

Travaux aboutissant à un immeuble neuf
Article L221-12

Commentaires
Lors d’une opération de construction, il faudra raisonner, non pas par bâtiment, mais par fractions de bâtiments avec des dates d’achèvement différentes (L221-9).
La notion de fraction de bâtiment n’est pas utilisée s’agissant des travaux portant sur les immeubles existants. Pour autant, cette prise en compte serait utile s’agissant des travaux portant sur les éléments de second œuvre (voir la question écrite Liger n° 6798)

Base imposable
Articles L221-18 à L221-20
« Fin » (en pratique) de la TVA sur la marge pour les TAB et les immeubles anciens dont la cession est soumise à la TVA sur option

Les nouveaux articles tirent les conséquences de l’arrêt ICADE.
L221-18 : condition d’identité juridique
L221-19 : deux conditions cumulatives (i) condition de l’inscription en stock (« L’acquisition […] est effectuée en vue de la revente ») et (ii) deux situations sont visées : soit absence de droit à déduction de la TVA d’acquisition (qui ne semble pas viser le transfert de « vingtièmes » – à voir par la suite) ou absence de droit à déduction de la TVA d’acquisition par le précédent vendeur.

Commentaires
Les ventes de TAB (taxées de plein droit) et d’immeubles anciens (taxées sur option) seront principalement soumises à la TVA calculée sur le prix. S’agissant des immeubles anciens, il est regrettable que cette extension de la TVA sur prix ne s’accompagne pas d’un cas de redevabilité par l’acquéreur alors que la directive TVA le permet.

Régime de TVA applicable aux baux

L211-48 : la notion de location est à présent définie et inclut notamment l’usufruit, ce qui est en contradiction avec l’assimilation de l’usufruit à l’immeuble sur lequel il porte par l’article L221-3 ce qui conduit à traiter sa constitution comme une livraison de bien (L221-3 et L221-4) et non pas comme une prestation de services.

/!\ Le régime des baux constitutifs de droit réel (e.g. bail à construction, bail emphytéotique) a disparu. Ce serait donc le régime de droit commun détaillé ci-après qui serait applicable s’agissant de la taxation. Rien n’est indiqué par ailleurs s’agissant de la base imposable de cette opération (i.e. valeur du droit de reprise qui se devine peut-être du principe du L211-12) ou encore de l’exigibilité (qui se devine peut-être du L214-6). Tout ceci demeure à préciser. La question est également de savoir les conséquences applicables aux contrats en cours.

Les nouveaux articles distinguent la location des logements de celle des biens immeubles autres que les logements.

Location de logements
Articles L221-21 et suivants

Nous reproduisons l’article L221-21 avec des commentaires entre crochets.

Article L221-21

« Relève d’une exonération dérogatoire [celle qui prive du droit à déduction] :
1° La location d’un logement au sens de l’article L. 221-10 ;
2° La location d’un bien immeuble destiné, par le locataire, à constituer un logement faisant l’objet d’une location mentionnée au 1°.
Le 1° n’est pas applicable à la prestation d’hébergement au sens de l’article L. 221-22 [location meublée + les 3 services sur 4 connus de tous] lorsqu’elle est à usage touristique ou professionnel au sens de l’article L. 221-23 [secteur hôtelier et secteurs ayant une fonction similaire] ou de résidence au sens de l’article L. 221-24 [résidences services longue durée]. Le 2° n’est pas applicable lorsque le bien immeuble est destiné à constituer le lieu de l’hébergement fourni dans le cadre d’une telle prestation. »

Locations de biens immeubles autres que des logements

Commentaires
L221-27 : confirmation de l’option par local et non pas par bâtiment. En revanche, le secteur distinct d’activité (à présent « secteur autonome ») est limité à la fraction de l’immeuble donnée en location avec TVA sur option, ce qui est en contradiction directe avec les précisions récentes du ministre selon lesquelles l’immeuble dans sa globalité est le secteur distinct (Rép. Grau JO AN 16 nov. 2021) ce qui va conduire à traiter les options et les désoptions comme des transferts entre secteurs et non plus des variations de prorata.

L’option est étendue aux terrains non aménagés, ce qui est bienvenue.

L221-26
L’option n’est pas possible pour la location d’un logement ou d’un bien immeuble destiné à être utilisé comme logement, ce qui soulève la question du régime applicable aux baux à construction et baux emphytéotiques si le droit commun leur était applicable. Si certains baux à construction ne pouvaient plus être soumis à la TVA, il serait nécessaire de prévoir le régime applicable aux contrats et promesse en cours.

Crédit-bail
Le régime est profondément modifié.
L211-36 « Lorsqu’un transfert de propriété est reporté au paiement intégral des contreparties, la livraison de biens est réputée effectuée lors de la remise matérielle de ces biens.
Est assimilée à un tel report l’acquisition de la propriété à l’issue du paiement de la dernière échéance d’un contrat de mise à disposition du bien, lorsque cette acquisition résulte automatiquement des termes du contrat ou de l’absence d’un choix alternatif économiquement rationnel. »

Commentaires
Certains contrats de crédit-bail seront dorénavant des livraisons de biens intervenant lors de la conclusion du contrat et non plus des locations suivies d’une vente lors de la levée d’option.

Fait générateur et exigibilité

Commentaires
VEFA : il faudra retrouver les règles applicables dans l’article L214-2 et considérer que le fait générateur intervient à l’achèvement des travaux et que les échéances sont des acomptes (ou « une perception par le fournisseur, avant le fait générateur, d’une contrepartie de l’opération au sens de l’article L. 211-12 »). Les échéances devront donner lieu à l’émission de factures (L216-40).

Baux et cession de créances : il n’y a plus de précision s’agissant de l’absence de prise en compte des cessions de créances sur l’exigibilité (voir le texte existant de l’article 269, 2-c) du CGI: « En cas d’escompte d’effet de commerce ou de transmission de créance, l’exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l’effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission »). La cession de créance serait alors considérée comme un paiement à hauteur du prix de la cession de créance, ce qui serait confirmé par le L211-12 selon lequel « Relèvent notamment des contreparties d’une opération les sommes reçues de la part du destinataire au titre de cette opération ainsi que toute somme dont dispose le fournisseur et qu’il a reçue à ce même titre de la part d’une autre entité en complément ou substitution des sommes versées par le destinataire ».

Dispense de TVA – article 257 bis

L’article 257 bis n’est plus. Il est repris en substance par les articles L211-132 et L211-133.

Transfert de « vingtièmes »
Le mécanisme demeure au L213-296.

Livraisons à soi-même (LASM) d’immeuble neuf ou de travaux
L211-82 : Les LASM d’immeubles neufs ou de travaux deviennent des « opérations internes de régularisation »
L213-59 : La base d’imposition de la LASM d’immeuble neuf est à présent constituée, à titre prioritaire de la valeur d’achat de l’immeuble et non plus du prix de revient de laquelle est retirée la valeur des éléments constituant le bien qui sont grevés d’une taxe intégralement non déductible que l’assujetti supporte.
L221-14 : le fait générateur de la LASM d’immeuble neuf est le « moment où le dépôt d’une déclaration d’achèvement des travaux est exigé en application des dispositions de l’article L. 462-1 du code de l’urbanisme et des textes pris pour son application »

Droit à déduction – régularisation de TVA

Les biens d’investissement reçoivent une nouvelle définition, par renvoi aux règles comptables, qui vise les biens corporels et incorporels, afin de colmater la brèche ouverte par la jurisprudence de la CJUE (L213-282). Les travaux immobiliers sont à présent expressément visés (voir par exemple pour le cas du crédit-bail qui serait encore qualifié de prestation de services L221-32)

La durée de régularisation (i.e. « période de déduction ») est de 20 ans quelle que soit la nature du bien immeuble (L221-31). Aucune différence n’est faite selon la durée de l’utilisation de certains travaux immobiliers.

Opérations relatives à un immeuble réalisées par un assujetti non établi en France
L221-37
Les règles sont modifiées.
Il n’y a plus d’auto-liquidation dans les cas suivants : (i) vente de terrains non bâtis (anciens TNAB) (ii) vente d’immeubles anciens lorsque ces ventes sont soumises à la TVA sur option, (iii) location de biens immeubles autres que les logements (soumis à TVA sur option), ce qui était déjà prévu par la doctrine administrative pour le (iii), (iv) ventes de TAB taxées sur la marge en application de l’article L. 221-20.

Pour finir sur une note légère, l’article L216-18 et le 4° du L221-33 attendent leur maman à l’accueil 😉

Nous profitons de cet article pour fêter à nos lecteurs de belles fêtes de fin d’année 🙂

19
Déc

CIBS – Recodification de la TVA

A l’occasion du conseil des ministres du 17 décembre, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique et la ministre de l’action et des comptes publics ont présenté une ordonnance portant recodification de la TVA.

Selon le compte rendu du conseil des ministres, « la réorganisation des dispositions régissant la TVA poursuit les objectifs suivants :
– Une sécurisation juridique accrue. En premier lieu, sont incorporées de manière explicite les jurisprudences les plus essentielles. En deuxième lieu, les contradictions pouvant apparaître entre les différents niveaux de normes sont corrigées, notamment en matière de calcul du droit à déduction de la TVA. Il est complété par un travail systématique de définition et  d’harmonisation des termes employés pour les besoins de la TVA. Cet exercice permet de clarifier les situations où les termes proprement fiscaux sont utilisés dans un sens différent de celui pouvant exister dans d’autres contextes juridiques et surtout d’éviter, dans le cadre de la recodification de la TVA et des modifications du code des impositions sur les biens et services, tout emploi de termes différents pour désigner une même réalité juridique et tout emploi de termes identiques pour désigner une réalité juridique différente ;
– Une clarification de la présentation du cadre régissant les exonérations et les taux de la TVA. D’une
part, une distinction claire est effectuée entre les exonérations « fonctionnelles », ouvrant droit à déduction de la TVA et ayant pour seul objet d’assurer le fonctionnement de la mécanique de la TVA, et les exonérations « dérogatoires », n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA et ayant pour objet d’octroyer un avantage fiscal. D’autre part, est explicitée la structure nationale des taux, composée de cinq taux hexagonaux (taux normal de 20 %, taux intermédiaire de 10 %, taux réduit de 5,5 %, taux très réduit de 2,1 % et taux nul) et des trois taux ultra-marins (taux normal de 8,5 %, taux réduit de 2,1 % et taux nul) ;
– Un regroupement thématique de dispositions aujourd’hui dispersées. Ainsi, les exonérations et les
taux dérogatoires sont, en cohérence avec la structure plus globale du code, classés par secteurs
d’activités (alimentation et agriculture, santé et aide à domicile, biens et services culturels etc.). De même, de nombreux régimes particuliers résultant aujourd’hui de l’agrégation de nombreuses
dispositions éparses sont chacun consolidés dans des subdivisions dédiées mettant en exergue les différences avec le régime général ;
– Une lisibilité accrue, permise par une division par quatre de la taille des articles, une présence
systématique au niveau de la loi des dispositions de fond et un déclassement au niveau réglementaire de l’ensemble des dispositions régissant les procédures administratives et obligations à caractère documentaire. »

Il s’agit donc d’une réforme importante qui va nécessairement changer les habitudes.

« Afin d’accompagner ce changement important pour les praticiens de la TVA, plusieurs mesures sont
prévues :
– l’entrée en vigueur est programmée au 1er septembre 2026 ;
– seront publiés des tableaux de correspondance entre les anciens et les nouveaux articles ;
– la doctrine en vigueur restera opposable ;
– les mesures régissant la facturation électronique ne sont pas modifiée par le projet et ne seront
incorporées au nouveau code qu’ultérieurement. En outre, pour tenir compte des nécessaires mises à
jour logicielle, il sera admis, jusqu’au 31 décembre 2027, de continuer à faire référence aux anciens
articles du code général des impôts dans les factures. »

Nous comprenons que l’ordonnance sera publiée ces prochains jours au journal officiel.

Les conséquences pratiques sont importantes : (i) comprendre les nouveaux textes, (ii) vérifier que nos réflexes sont toujours les bons et (iii) changer les clauses fiscales des actes.