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9
Avr

TVA – TVA sur marge – importance de la rédaction de la clause désignation

Le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt important, même s’il est étonnamment classé « Inédit au recueil Lebon », concernant le régime de la TVA sur marge (Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 02/04/2024, 466644, Inédit au recueil Lebon).

Le régime de la TVA sur marge, prévu de manière optionnelle par l’article 392 de la Directive TVA 2006/112/CE, que la France est la seule à avoir choisi de transposer, a été la source d’un contentieux fourni qui a historiquement trouvé sa source dans des opérations de détachement de parcelles (i.e. achat d’une maison et de son jardin pour revendre séparément la maison et un ou plusieurs terrains à bâtir) et qui a trouvé son « apothéose » dans un contentieux issu du régime applicable avant la réforme de la TVA immobilière opéré par la loi de finances rectificative pour 2010 (loi n°2010-237 du 9 mars 2010).

Après de nombreux arrêts du Conseil d’Etat et un arrêt et une ordonnance de la cour de justice de l’union européenne, nous savons que la TVA sur marge, telle que nous la connaissons aujourd’hui, vit ses derniers jours en attendant le nouveau BOFIP qui viendra sonner l’hallali, et qu’elle ne survit aujourd’hui que grâce aux soins palliatifs apportés par la réponse ministérielle Grau N° 42486 (JO AN du 1er février 2022) qui permet, sous certaines conditions, de continuer d’appliquer le régime tel qu’il avait été initialement conçu par l’administration fiscale, sous réserve des retouches successives et parfois contraires apportées par différentes réponses ministérielles.

Compte tenu de ce diagnostic vital engagé, on pourrait s’interroger sur la motivation qui nous conduit au commentaire de cet énième arrêt du Conseil d’Etat.

La raison est simple. Nous pensons que ce nouvel arrêt précise les critères de qualification du bien vendu au regard de la TVA et par conséquent le régime de TVA applicable à la vente de ce bien.

Ainsi, lorsqu’un bien est composé d’un bâti et de plusieurs parcelles, ce nouvel arrêt permet de répondre à la question de savoir si le vendeur vend un bâti et un ou plusieurs terrains (qui peuvent, selon leur classification au PLU, être ou non à bâtir – article 257, I-2-1° du CGI) ou seulement un bâti et son terrain d’assiette sis sur plusieurs parcelles qui suivent dès lors le régime TVA du bâti.

Nous reprendrons les conclusions de la rapporteure publique Esther de Moustier (dont nous recommandons la lecture) comme fil d’ariane.

Les faits

« la société Echo 5, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis en 2011 à Reyrieux (Ain) un bien immobilier comprenant des constructions et composé de plusieurs parcelles. En 2014, elle a revendu quatre terrains à bâtir issus de divisions de cette propriété. Elle a placé ces cessions, pour leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sous le régime de la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration, estimant que ces terrains n’avaient pas été acquis par l’intéressée en qualité de terrains à bâtir, a remis en cause l’application de ce régime et a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.  »

On comprend donc que certaines parcelles revendues trouvent leur origine dans des parcelles sur lesquelles ne se trouvaient aucune construction lors de leur achat.

Rappelons à présent les règles posées par la CJUE (CJUE 30 septembre 2021, C-299/20, Icade Promotion SAS et CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS)

– Point qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de cet article : Le régime de marge requiert une condition d’identité « juridique » qui repose sur la comparaison de la qualification TVA de ce qui est acheté avec ce qui est revendu. Il faut donc acheter et revendre un terrain à bâtir si on veut appliquer la TVA sur marge sur la revente de ce terrain à bâtir.

– Le régime de marge ne requiert pas de condition d’identité « physique ». le découpage physique du terrain n’a pas de conséquence.

– Un terrain à bâtir qui fait l’objet de travaux de raccordement aux réseaux demeurent un terrain à bâtir et ne devient pas un bâtiment.

– Point qui marque la fin prochaine de la TVA sur marge telle que nous la connaissons et dont nous reparlerons pas dans cet article : La TVA sur marge s’applique soit lorsque l’acquisition des biens a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, soit lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. En dehors de ces deux hypothèses, la TVA sur marge ne s’applique pas aux opérations portant sur des biens dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA, soit qu’elle se trouve en dehors de son champ d’application, soit qu’elle s’en trouve exonérée.

Concernant le premier point de la condition d’identité « juridique », la CJUE rappelle que : « il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte des définitions prévues par la législation nationale et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause au principal, si les biens acquis par les défenderesses au principal relèvent de la notion de « terrain à bâtir », au sens de l’article 12, paragraphe 3, de la directive TVA, et, ainsi, du champ d’application de l’article 392 de cette directive » (§ 29 de l’arrêt CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS).

A cet égard, la rapporteure publique rappelle les divergences d’interprétation entre les juges du fond, que nous avons déjà indiquées dans plusieurs articles. Certains juges retiennent en effet une analyse fondée sur les parcelles cadastrales sans tenir compte de la clause désignation de l’acte d’acquisition. D’autres, en revanche, recourent à la notion d’unité foncière « pour retenir, en substance, qu’une parcelle ne revêtait pas, à la date de son acquisition, le caractère de « terrain à bâtir » lorsque cette parcelle avait été acquise dans une unité foncière ou un ensemble immobilier contenant une autre parcelle sur laquelle était située un immeuble bâti, ajoutant qu’il en allait ainsi quand bien même cet ensemble avait fait l’objet, avant sa revente, d’une division parcellaire et que la parcelle revendue ne comportait pas, lors de son acquisition, d’immeuble bâti« . La CAA de Nantes s’est notamment illustrée sur une telle approche (voir notre article).

Interprétation du Conseil d’Etat 

Sur le sujet, nous avions en dernier lieu en tête un arrêt BH concept, dont la lecture n’était pas évidente mais qui laissait à penser que la parcelle avait une importance cruciale (CE 11/10/2022, 8e et 3e ch., n° 46456, BH Concept, « Mentionné dans les tables du recueil Lebon »). Ainsi, pour être considéré comme terrain (le cas échéant, à bâtir), il convenait de vérifier que le terrain était matérialisé, avant son acquisition, par une parcelle distincte sur laquelle aucun bâti n’était pas présent.

A la lecture de cet arrêt, il n’était toutefois pas totalement clair si la manière dont le terrain était désigné dans l’acte d’acquisition avait ou non une importance pour la qualification de ce bien au regard de la TVA.

L’arrêt du 2 avril 2024, rendue dans l’affaire Echo 5, apporte les précisions suivantes.

Point 4 : « Il résulte également des dispositions de l’article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive du 28 novembre 2006 dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l’objet d’une autorisation de division, ou d’une division effective, lors de l’acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l’acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment. »

Autrement dit, la désignation des biens à l’acte emporte tout et notamment les parcelles, et la nature objective du terrain à bâtir puisque la subjectivité de la clause « désignation » demeure dorénavant le principe.

A la lecture des conclusions, nous comprenons pourtant qu’il convient de « raisonner parcelle par parcelle pour apprécier l’identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien cédé, et de ne pas s’arrêter à l’unité foncière objet de l’acte d’acquisition, du moins au sens du droit de l’urbanisme c’est-à-dire, à l’ « îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE, 1/6 SSR, 27 juin 2005, Commune de Chambéry, n°264667, B – Rec. T. pp. 1070-1072-1134-1146)« .

Partant, il y a donc lieu de ne pas s’en tenir au caractère constructible des parcelles acquises nues, mais de rechercher si celles-ci ont été acquises en vue d’être cédées en qualité de terrain à bâtir, c’est-à-dire en vue de l’édification de constructions et non en qualité de terrains d’agrément de la construction existante. Et les commentaires publiés au BOFIP iraient dans le même sens (BOI-TVA-IMM-10-10-10-40 § 10 sans pour autant relever le « en règle générale » ni les commentaires contradictoires au § 20)  (page 4 des conclusions).

Selon la rapporteure publique : « Cette recherche de l’intention de l’acquéreur-revendeur est inhérente au régime de la TVA sur marge qui ne concerne que les terrains à bâtir achetés en vue de leur revente » , tout en reconnaissant que les implications de cette remarque dépassent les considérations spécifiques à ce régime dérogatoire puisqu’elle reconnaît que : « l’identification de la destination des parcelles dans l’acte de vente n’est pas sans conséquence sur le régime de TVA applicable à leur acquisition, seuls les terrains bâtis et non bâtis étant, à la différence des terrains à bâtir, exonérés de TVA.  »

Pour conclure : « Le ministre est donc fondé à soutenir qu’en l’espèce, la Cour a commis une erreur de droit en se fondant, pour qualifier les parcelles objet de l’opération litigieuse de terrains à bâtir au moment de leur acquisition, sur les seules possibilités réglementaires de construction prévues par le règlement du PLU alors applicable à ces parcelles et en écartant la circonstance que l’acte de vente ne visait qu’une propriété bâtie sans faire explicitement état de la vente de terrains à bâtir. »

En pratique, nous avons tendance à croire que :

– pour qualifier de TAB, il convient d’avoir une parcelle distincte (même si l’arrêt n’est pas totalement clair sur le sujet) ET d’en tirer les conséquences dans la clause désignation qui doit viser plusieurs immeubles, dont le terrain à bâtir.

– autrement, la présence du bâti, désigné comme un bien unique à l’acte, contaminera les différentes parcelles, y compris celles sur lesquelles aucune construction n’est présente au jour de leur mutation.

Ceci revient à accorder une importance particulière à l’intention des parties et à laisser de côté le principe du caractère objectif du terrain à bâtir tel que souhaité par le législateur lors de la réforme de la TVA immobilière.

La bonne nouvelle est que ceux qui avaient oublié d’identifier un terrain à bâtir dans leur désignation, et de le taxer, seront tranquillisés.

Pour les autres qui ont oublié de le viser dans la désignation alors qu’ils souhaitaient distinguer plusieurs immeubles, ce sera, en revanche, plus délicat. 

Dorénavant (la jurisprudence est cependant, par nature, rétroactive), il conviendra donc de prêter une attention particulière (i) aux parcelles, (ii) à la clause fiscale et (iii) à la désignation à l’acte. Dont acte !

8
Fév

TVA – TAB – terrain de camping

 

La CAA de Nantes vient de juger le régime de TVA applicable à la cession de parcelles par le gestionnaire d’un terrain de camping dans le but d’y poser des habitations légères de loisirs (arrêt SNC Loisirs 14, 19NT01800, du 28 janvier 2021).

Selon la CAA de Nantes, ces parcelles sont constitutives de TAB au sens de la TVA.

A cet égard, la CAA de Nantes relève :
En droit
– le fait que le POS permet dans la zone concernée l’édification de certaines constructions, au titre desquelles des habitations légères de loisirs que la Cour qualifie de constructions au regard de la TVA (il ne nous semblait pourtant pas nécessaire de qualifier les constructions en cause pour déterminer si les terrains étaient ou non constructibles dans la mesure où il s’agit, en principe, d’une analyse objective, qui ne tient pas compte des constructions qui vont être effectivement édifiées)
– la circonstance que les parcelles cédées en lots aient fait l’objet d’aménagements de viabilisation, qui ont été utilisés lorsqu’elles servaient de terrains de camping ou de caravaning, n’a pas pour effet de leur donner un caractère bâti (point qui a été confirmé à l’occasion d’une affaire particulière dans un rescrit non publié de l’administration centrale)
– le fait que les cessions de parcelles incluent également une quote-part des bâtiments communs à la résidence est sans incidence, eu égard à la teneur des actes conclus entre les parties, desquels il ressort que la SNC Loisirs 14 n’a pas vendu aux particuliers à titre principal (pour un prix global) des parcelles comportant une construction achevée depuis plus de cinq ans.
En opposabilité
– le BOFIP (BOI TVA-IMM-10-10-10-20 § 20) ne permet pas de retenir une analyse différente

Nota du 16/09/2021 : dans le même sens, CAA Nantes 19 septembre 2021, 19NT02811, SARL Loisirs Plein Air 50

5
Oct

TVA sur marge et « unité foncière » – position dure de la CAA de Nantes

 

CAA de Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03770, SARL JLDE : JLDE, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis, le 18 juin 2014, un ensemble immobilier composé d’une maison d’habitation et d’un terrain. Le 27 février 2014, soit avant l’acquisition de cet ensemble immobilier, JLDE avait obtenu un certificat de non-opposition à la division du terrain en lots. Après division de cet ensemble immobilier en trois lots, la société a revendu séparément chacun des lots : un premier lot supportant la maison d’habitation existante et les deux autres lots en tant que terrain à bâtir. Les deux terrains à bâtir ont été revendus en incluant de la TVA calculée sur la marge.

CAA de Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03796, SASU Immoteli : Immotelli, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis, le 15 septembre 2015, un ensemble immobilier composé d’une maison d’habitation et d’un terrain de 1 144 m². La société a revendu deux lots issus du « démembrement » de ce bien : un premier lot revendu en tant que terrain à bâtir dont la vente a été placée sous le régime de la TVA sur marge et le second lot composé de la maison existante et d’une partie du terrain initial.

CAA de Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03811, SARL KLA Promotions : KLA promotions, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis en indivision avec la société AMB Habitat, le 10 juin 2011 et le 19 juillet 2011, à hauteur de 30 %, deux ensembles immobiliers composés chacun d’une maison d’habitation et d’un jardin. Après division de ces ensembles immobiliers en plusieurs lots, KLA Promotions a revendu dix terrains à bâtir dont les ventes ont été placées sous le régime de la TVA sur marge.

CAA de Nantes, 24 septembre 2020, n° 18NT03820, EURL Boussard Michel : l’EURL, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis entre 2008 et 2011, trois ensembles immobiliers composés chacun d’une maison d’habitation et d’un terrain. La société a ensuite revendu onze terrains à bâtir issus du « démembrement » de ces biens et appliqué la TVA sur marge au titre de ces cessions.

Considérant de principe : « Il résulte de ces dernières dispositions [article 268 du CGI], lues à la lumière de celles de la directive [article 392 de la directive TVA] dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti. »

SARL JLDE : les deux terrains à bâtir cédés […] faisaient partie, au moment de leur acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d’immeuble bâti, et non de terrain à bâtir. La circonstance que ces terrains étaient déjà, au moment de la vente, constructibles au regard de la législation d’urbanisme en vigueur est à cet égard sans incidence. De même, le fait que la division de l’unité foncière a été autorisée préalablement à la vente est également sans incidence sur la qualification de ces terrains, dès lors que ceux-ci n’ont pas été acquis séparément […].

SASU Immotelli : le terrain à bâtir cédé […] faisait partie, au moment de son acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. […] Ce terrain avait donc, au moment de son acquisition, la qualité d’immeuble bâti, et non de terrain à bâtir. La circonstance que la maison d’habitation n’a pas été démolie est à cet égard sans incidence sur le changement de qualification juridique de ce terrain entre son acquisition et sa revente.

SARL KLA Promotions : chaque terrain à bâtir cédé […] faisait partie, au moment de son acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d’immeuble bâti, et non de terrains à bâtir dès lors que ceux-ci n’ont pas été acquis séparément de la maison. De la même façon […] le fait qu’un document d’arpentage faisant apparaître les divisions parcellaires a été enregistré avant l’acquisition du bien est sans incidence sur la qualification des terrains au moment de leur acquisition.

EURL Boussard Michel : les terrains à bâtir cédés […] faisaient partie, au moment de leur acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d’immeuble bâti et non de terrains à bâtir. La circonstance que les actes de vente de plusieurs de ces terrains faisaient état d’une condition suspensive liée à la division de ces terrains est sans incidence sur la qualification de ces terrains, dès lors que ceux-ci n’ont pas été acquis séparément par la société.

Dispositif : annulation des jugements prononçant la décharge des rappels de TVA pour les sociétés visées.

Remarque : Par ces arrêts, la CAA de Nantes applique le considérant de principe dégagé par le Conseil d’Etat depuis sa décision « Promialp », en retenant un raisonnement basé sur la notion d’unité foncière.

Ainsi, lorsque le terrain et la construction font partie d’une même unité foncière, la revente ultérieure du terrain ne peut pas être soumise à la TVA sur marge, la condition d’identité n’étant pas remplie. La TVA sur marge nécessiterait, selon la CAA de Nantes, une acquisition séparée du terrain.

A noter que l’enregistrement d’un document d’arpentage (SARL KLA Promotions) ou l’obtention d’un certificat de non-opposition à la division du terrain en lots (SARL JLDE) n’a pas été pris en considération par la CAA de Nantes, contrairement aux réponses ministérielles, postérieures aux faits et dès lors non opposables au cas particulier.

Nous continuons à penser que la notion d’identité doit uniquement s’apprécier au regard de notions de TVA.

Nous rappelons à cet égard que depuis le 11 mars 2010, le terrain à bâtir se définit, objectivement, comme un terrain (ce qui nécessite de vérifier l’absence de constructions au sens de la TVA) sur lequel des constructions peuvent être autorisées en application des documents qui caractérisent leur situation au regard des règles d’urbanisme.

Le chainon manquant est effectivement la notion de sol attenant à un bâtiment. Cependant, la notion d’unité foncière n’apparaît pas adaptée dans la mesure où elle permet une contagion maximale du bâti.

Nous attendrons donc avec impatience une nouvelle décision du Conseil d’Etat sur ce sujet, qui aura ainsi l’occasion de préciser la solution retenue dans une affaire RGMB, qui n’avait pas convaincu.

Cet article a été rédigé avec la participation de Mélinda Coraboeuf et de Gokhan Aktas

Nota du 25 mars 2022 : dans le même sens :
CAA de NANTES, 1ère chambre, 11/03/2022, 20NT00742, « Inédit au recueil Lebon »
CAA de NANTES, 1ère chambre, 11/03/2022, 20NT02345, « Inédit au recueil Lebon » qui contient un passage intéressant concernant la réponse De la Raudière

« [la société n’est pas fondée à se prévaloir] de la réponse ministérielle Raudière du 30 août 2016 (JO AN p. 7769 n° 94061), en tout état de cause postérieure à la période d’imposition en litige, qui indique que  » Lorsque la division parcellaire est antérieure à l’acte d’acquisition initial ou qu’un document d’arpentage a été établi pour les besoins de la cession, permettant d’identifier les différentes parcelles dans l’acte, la taxation sur la marge s’applique dès lors qu’aucun changement physique ou de qualification juridique des parcelles cédées n’est intervenu avant la revente. « , alors qu’en l’espèce la division parcellaire effective, constatée par une modification du plan cadastral, n’est pas intervenue avant l’acte d’acquisition initial et que, si un document d’arpentage a été produit, l’acte de vente du terrain correspondant ne mentionnait pas les différents lots. Il suit de là que ce moyen doit également être écarté. »

3
Juil

TVA – TAB – deux nouvelles décisions du CE (Immoxine et RGMB)

 

CE 1er juillet 2020, 8e ch., n° 435463, Immoxine, « inédit au receuil Lebon » : Immoxine, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé, les 5 juin 2012 et 16 mai 2014, à la cession de trois terrains à bâtir issus de la division parcellaire de deux ensembles immobiliers constitués, chacun, d’une maison à usage d’habitation et de son terrain d’assiette, acquis les 28 février 2012 et 24 octobre 2013.

CE 1er juillet 2020, 8e ch., n° 431641, RGMB, « inédit au receuil Lebon » : RGMB, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 19 juillet 2012 un ensemble immobilier constitué d’un terrain sur lequel était implantée une maison d’habitation. Cet ensemble immobilier a fait l’objet, après son acquisition, d’une division en neuf parcelles, l’une constituée d’un terrain supportant la construction et les huit autres de terrains nus. Ces neuf parcelles ont été cédées en six lots entre le 18 novembre 2012 et le 30 juillet 2014.

Considérant de principe : « Il résulte de ces dernières dispositions [article 268 du CGI], lues à la lumière de celles de la directive [article 392 de la directive TVA] dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti. »

Immoxine : la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit […] en jugeant sans incidence sur sa mise en œuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente.

RGMB : la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit […] en jugeant que ne faisait pas obstacle à la mise en œuvre de ce régime la circonstance que les biens cédés comme terrains à bâtir n’avaient pas été acquis comme tels.

Dispositif : annulation et renvoi

Remarque concernant RGMB : la solution rendue dans la décision RGMB nous pose problème car selon nous, ce n’est pas la parcelle qui fait la qualification TVA mais les critères de qualification du TAB ou du bâtiment. En effet, dans cette affaire, un bâtiment « contamine » huit TAB. Lorsque nous avons à l’esprit la définition très large du bâtiment au regard de la TVA (BOI-TVA-IMM-10-10-10-20-20140929 point 30 : « construction incorporée au sol », […], ce qui inclut notamment les routes, voies ferrées, ponts, tunnels, digues, barrages, pylônes, lignes électriques, conduites d’eau ou de gaz, parcs de stationnement, murs de clôture, constructions industrielles diverses, etc. »), cela conduit à considérer, a contrario, comme immeuble bâti une parcelle comprenant un grand terrain qui supporterait une petite construction incorporée au sol, en état d’être utilisée (voir à cet égard nos commentaires sous l’arrêt J2D Invest).

Nota du 3 mars 2021 : suite de la décision RGMB : CAA de Marseille, 3ème ch., 18/02/2021, 20MA02162, Inédit au recueil Lebon

– « Il résulte de l’instruction que les terrains à bâtir cédés par la SARL RGMB faisaient partie, au moment de leur acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d’immeuble bâti et non de terrain à bâtir. » (à comparer avec les arrêts rendus par la CAA de Nantes)

– « qu’alors même qu’elle a acquis un bien immobilier en vue de sa revente, la SARL RGMB n’est pas fondée à soutenir qu’est sans incidence sur la mise en oeuvre [de la TVA sur marge], la circonstance que la qualification juridique du bien en cause a été modifiée entre son acquisition et sa vente. »

– la SARL RGMB a enfin soutenu que l’état de la maison d’habitation était tel qu’elle devait être assimilée à un TAB au regard des règles de TVA. Réponse de la CAA de Marseille : « les éléments produits, en particulier les documents photographiques et procès-verbal de constat d’huissier en date du 20 septembre 2012, font état de fissures mais n’établissent pas l’état de délabrement allégué de la maison implantée sur le terrain d’assiette en litige, la rendant impropre à un quelconque usage, permettant d’assimiler le terrain à un terrain à bâtir.«