TVA sur marge – la CJUE a rendu son arrêt dans l’affaire Icade Promotion (C-299/20)
La CJUE vient de rendre l’arrêt Icade Promotion concernant le régime de TVA sur marge. Cet arrêt concerne l’ancien régime de TVA sur marge (i.e. avant le 11 mars 2010) sur lequel nous ne reviendrons pas. En revanche, cet arrêt apporte des enseignements sur le régime actuellement applicable, que nous allons tenter de synthétiser.
Premier enseignement. La régime de marge requiert une condition d’identité « juridique » qui repose sur la comparaison de la qualification TVA de ce qui est acheté avec ce qui est revendu (§ 53 de l’arrêt). Il faut donc acheter et revendre un terrain à bâtir si on veut appliquer la TVA sur marge sur la revente de ce terrain à bâtir.
Nota : dans le même sens, CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS, § 27)
Deuxième enseignement. Le régime de marge ne requiert pas de condition d’identité « physique ». le découpage physique du terrain n’a pas de conséquence (§ 60 de l’arrêt).
Nota : dans le même sens, CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS, § 30)
Troisième enseignement. Un terrain à bâtir qui fait l’objet de travaux de raccordement aux réseaux demeurent un terrain à bâtir et ne devient pas un bâtiment (§ 57 de l’arrêt). Ce n’était pas évident pour l’avocat général (voir notre article concernant les conclusions de l’avocat général).
Quatrième enseignement. La TVA sur marge ne s’applique pas lorsque l’acquisition par l’acheteur-revendeur est soit hors champ de la TVA (acquisition auprès d’un non-assujetti ou un assujetti n’agissant pas en tant que tel) soit exonérée de la TVA sauf « lorsque le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial ». Il va donc falloir aller voir ce qui s’est pas passé chez le vendeur initial pour connaître le régime applicable à la revente par l’acheteur-revendeur et il faut bien avouer que ce qui est à vérifier chez le vendeur initial n’est pas clair (§ 46 de l’arrêt). Selon l’interprétation qui sera retenue par l’administration fiscale, ce quatrième enseignement pourra considérablement réduire le champ de la TVA sur marge au profit de la TVA sur le prix.
Quelle conséquence aujourd’hui ? Pour ceux qui souhaitent appliquer le BOFIP et les réponses ministérielles actuellement publiés, cet arrêt ne produit aucune conséquence pour une vente signée ce jour. La doctrine de l’administration fiscale est opposable et il est toujours utile de rappeler cette doctrine dans la clause fiscale de l’acte.
Quelle conséquence demain ? tout dépendra des commentaires que fera l’administration fiscale du quatrième enseignement.
Deux dernières remarques.
L’arrêt remet en cause la condition d’identité « physique », qui nous permet, dans certains cas, de passer en TVA sur prix dans les opérations où la TVA sur marge n’est pas souhaitée. Lorsque l’administration fiscale fera un commentaire de la condition d’identité pour la restreindre la composante « juridique », il serait souhaitable d’inclure une option pour la TVA sur le prix lorsque la TVA sur marge est normalement applicable.
L’arrêt ne traite pas du détachement d’une parcelle, lorsque la parcelle d’origine supporte un bâtiment. A ce jour, l’administration fiscale considère que la condition d’identité « juridique » n’est pas remplie sauf lorsque le « découpage » a lieu avant l’achat par l’acheteur-revendeur (voir la réponse de la Raudière AN. 30 août 2016, n° 94061 analysée dans l’article suivant).
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