LF 2024 – TVA – Hôtellerie, parahôtellerie et résidences services (étudiantes, séniors, etc.) – Art. 84 (art. 10 ter PLF)
Le Gouvernement vient de déposer un amendement particulièrement important (amendement I-5374) afin de clarifier le régime de TVA actuellement applicable à la para-hôtellerie et aux résidences services, qui est devenu instable depuis l’avis du Conseil d’Etat du 5 juillet 2023, n°471877.
Cet amendement vise ainsi à sécuriser le régime de TVA applicable (i) au secteur hôtelier et aux secteurs ayant une fonction similaire et (ii) aux résidences services (résidences étudiantes, résidences séniors, etc.).
Sur un plan pratique, cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 261 D, 4° du CGI en distinguant les prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (nouvelle rédaction du b) des locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres (nouveau b bis).
Une nouvelle rédaction de l’article 279 du CGI est également proposée afin de sécuriser, en miroir, le taux de 10% à chacun de ces deux types de locations.
Les prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire seraient définies de manière identique (le 261 D, 4°-a du CGI qui traite du secteur hôtelier serait abrogé). Une telle démarche fait bien évidemment écho à la rédaction des dispositions de l’article 135, 2-a de la directive TVA selon lesquelles sont exclues de l’exonération de TVA « les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire« . Le Gouvernement reprend ainsi la main en posant, comme la directive TVA le lui permet et le lui demande, les conditions pour taxer uniformément le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire.
Dans le cadre de cette définition, le Gouvernement propose deux conditions cumulatives, l’une liée à la durée (les prestations d’hébergement sont offertes au client pour une durée n’excédant pas trente nuitées, sans préjudice des possibilités de reconduction proposées) l’autre liée au caractère meublé et aux prestations connexes (les prestations d’hébergement comprennent la mise à disposition d’un local meublé et au moins trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle).
Les locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres, qui, selon le Gouvernement, sont aujourd’hui incluses dans l’actuel article 261 D, 4°-b du CGI, seraient taxées si les locations de logements meublés sont assorties de trois des prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. On ne changerait donc pas les pratiques actuelles.
La location indirecte (i.e. le bail avec un exploitant) continuerait également d’être taxée, comme aujourd’hui (nouvelle rédaction du c de l’article 261 D, 4° du CGI).
Ainsi qu’il ressort de l’exposé sommaire, « le présent amendement propose d’améliorer l’articulation entre le droit national et le droit européen, en en limitant les incidences sur les pratiques actuelles du secteur« .
Le Gouvernement rappelle ensuite que cet amendement est en ligne avec les obligations découlant de la directive TVA (taxation de plein droit du secteur hôtelier et des secteurs ayant une fonction similaire) et qu’il s’inscrit dans le cadre des possibilité ouvertes par la directive TVA (taxation dérogatoire, visant les autres secteurs, pour laquelle les États membres ont toute latitude, sous réserve de respecter le principe de neutralité).
Le Gouvernement rappelle également que les deux types de location peuvent être soumises au taux réduit de la TVA, chacune d’entre elles étant visée par un point différent de l’annexe III de la directive TVA (le point 10 : la location de biens immobiliers à usage résidentiel et le point 12 : l’hébergement fourni dans des hôtels et établissements similaires).
Le Gouvernement apporte enfin des précisions intéressantes sur la manière dont il convient de lire le droit actuel, qui aboutit (i) à une différence de traitement entre le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire, ainsi que (ii) une assimilation non pertinente entre les secteurs ayant une fonction similaire au secteur hôtelier et le secteur résidentiel (résidences étudiantes, séniors, etc…).
La conclusion de l’exposé de l’amendement est enfin particulièrement importante.
« Afin de mettre fin à ces incohérences, le présent amendement opère une distinction stricte entre, d’une part, le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire et, d’autre part, le secteur résidentiel. À cette fin, il se fonde sur un critère de durée des offres de location proposées aux clients d’au plus trente nuitées renouvelables (ainsi le professionnel devra permettre des locations pour des durées de moins de trente nuitées mais pourra permettre aux clients de réserver sur une durée plus longue), accompagnée de la réalisation de prestations connexes (trois prestations parmi le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle). Cette construction juridique assure ainsi l’égalité de traitement pour l’ensemble des formes d’hébergement touristique, quelle que soit leur qualification (hôtel, auberge, résidence de tourisme, meublés de tourisme etc.). Par ailleurs, elle maintient inchangées les règles existantes pour le secteur résidentiel, qui sera soumis à TVA et bénéficiera du taux réduit si sont offertes des prestations connexes« .
Cette nouvelle approche peut être saluée car elle a le mérite de la clarté et devrait éviter les dérives jurisprudentielles qui ignorent que le texte actuel taxe également la « para-hotellerie longue durée ».
Les fondations du régime de TVA applicable aux résidences services seraient ainsi consolidées (taxation de plein droit et taux réduit de 10%).
Il restera à préciser les commentaires du BOFIP pour éviter des divergences de vue quant aux conditions dans lesquelles les services connexes doivent être exactement proposés (sur option ou non, avec un supplément de prix ou non, nature de l’accueil, etc.) afin de mettre un terme à un contentieux devenu abondant.
Assemblée nationale – première lecture (Art. 49.3) – Art. 10 ter
Sénat – Commission des finances
Sénat – Amendement N° I-256 rect.
Sénat – première lecture
Assemblée nationale – nouvelle lecture – Commission des finances
Assemblée nationale – nouvelle lecture – (Art. 49.3) – Art. 10 ter
Assemblée nationale – lecture définitive – (Art. 49.3) – Article 84
Entrée en vigueur : 1er janvier 2024 (art. 1, II-3° de la LF 2024)
Dispense de TVA – 257 bis – Crédit-bail – Exploitant hôtelier (réponse)
Dans une réponse ministérielle publiée ce jour (Rép. Louwagie JO AN du 4 juillet 2023, n° 5782), l’administration précise les conditions d’application de l’article 257 bis du CGI.
1/ L’activité hôtelière est bien considérée comme une activité locative
« la transmission d’un immeuble inscrit à l’actif immobilisé d’une entreprise qui l’avait affecté à l’exercice d’une activité locative telle que l’activité hôtelière doit être regardée comme intervenant dans le cadre de la transmission d’une universalité de biens, dès lors que le bénéficiaire de la transmission poursuivra une telle activité économique de location, y compris sous une autre forme (location taxée de plein droit ou sur option). »
Pour comparer, voir CAA de NANTES, 1ère chambre, 21/04/2016, 14NT02617.
2/ L’article 257 bis s’applique à la cession d’un immeuble par un exploitant hôtelier à un crédit-bailleur
« Cette situation vise notamment la situation évoquée par l’auteure de la question, lorsqu’un exploitant hôtelier cède à un crédit bailleur les murs de l’hôtel dont il était propriétaire dans le cadre soit d’un « lease-back », soit de la mise en place d’un crédit bail avec un autre crédit preneur. »
3/ L’occupation partielle par l’exploitant hôtelier ne bloque pas le 257 bis du CGI
L’administration apporte ainsi officiellement une exception au rescrit publié RES N° 2008/4 (TCA) du 04 mars 2008 présent au BOFIP sous les références BOI-TVA-DED-60-20-10 au paragraphe 287.
« La circonstance qu’une partie des locaux de l’hôtel soit utilisée par le cédant pour la restauration, le bien-être (spa) ou l’accueil de séminaires est sans incidence sur l’application du dispositif. »
Cette précision est utile car si elle avait depuis longtemps été admise dans des rescrits non publiés, certains services vérificateurs ont procédé à des rappels de TVA sur cette base.
4/ L’administration précise le cas du changement de crédit-bailleur (RES N°2018/02 (TCA) du 3 janvier 2018, BOI-TVA-DED-60-20-10, § 286)
L’administration précise un point important. L’activité du crédit-preneur n’a aucune incidence.
Nous rappelons que dans le cas où le crédit-preneur, exploitant hôtelier, lève l’option pour exploiter le bien la dispense de TVA est inapplicable depuis une réponse ministérielle Grau JO AN du 5 avril 2022, n° 35808 (voir notre précédent article).
« il est confirmé que le dispositif de l’article 257 bis du CGI s’applique notamment lorsqu’un exploitant hôtelier crédit preneur des locaux dans lesquels il exerce son activité exerce l’option d’achat attachée à son contrat de crédit bail pour les céder à un crédit bailleur dans le cadre d’une opération dite de « lease-back » ou dans le cadre de la mise en place d’un crédit-bail avec un crédit preneur autre que le cédant. »
Dispense de TVA – 257 bis – Crédit-bail – Exploitant hôtelier (question)
Une nouvelle question écrite a été déposée afin d’y voir plus clair en matière de 257 bis lorsqu’un exploitant hôtelier est partie à l’opération.
Une première tentative avait été initiée en 2021 via le dépôt d’une première question écrite mais cette tentative s’était soldée par un échec (i.e. remise en cause du 257 bis sur la levée d’option par un exploitant hôtelier).
Nous renvoyons à cet égard aux deux articles qui avaient traité de la première question écrite et de la réponse ministérielle qui avait été faite.
La nouvelle question écrite revient donc sur des difficultés pratiques récurrentes, à savoir l’application de l’article 257 bis lorsque le cédant des murs est un exploitant hôtelier et que l’acquéreur est un crédit-bailleur, l’incidence d’une exploitation partielle non hôtelière et enfin la compréhension du rescrit publié traitant d’une levée d’option suivie d’un lease-back (rescrit publié RES N°2018/02 (TCA) du 3 janvier 2018).
A suivre…
Consulter la question écrite Louwagie n° 5782
Nota du 4 juillet 2023 : consulter la Rép. Louwagie JO AN du 4 juillet 2023, n° 5782
LF 2021 – Art. 44 (9) – Clarification des règles de TVA applicables aux offres composites – aspects immobiliers à surveiller
L’article 44 reprend en droit interne les principes dégagés par la Cour de Justice de l’Union européenne s’agissant des règles à appliquer lorsqu’une opération est composée de plusieurs éléments afin de déterminer « ce qui va ensemble » et dans ce cas d’appliquer, en principe, les mêmes règles de TVA.
Cet article qui a pour objectif de mettre fin à certains régimes qui jusqu’alors permettaient de découper et d’appliquer des règles distinctes à ce qui devait, au regard de ces principes, « aller ensemble », ne vise pas particulièrement les opérations immobilières.
Ceci étant dit, le rappel de ces principes interroge nécessairement sur la pérennité de certaines solutions appliquées jusqu’alors et notamment en immobilier.
Ainsi, le régime de TVA appliqué aux baux consentis aux exploitants d’hôtels, de résidences étudiantes, de résidences séniors ou encore d’EHPAD.
Ces baux reposent sur le découpage et l’application de règles distinctes à ce qui peut être considéré comme « allant ensemble ».
Ce découpage qui était précisé dans une Réponse Victoria s’agissant des EHPAD (Rép. Victoria : AN 20-12-2005 n° 76984) n’a pas été repris au BOFIP.
En substance, le découpage est le suivant :
– Locaux destinés à l’hébergement : TVA de plein de droit au taux réduit de 10%(pour les hôtels, les résidences étudiantes et les résidences séniors) et 5,5% pour les EHPAD)
– Autres locaux (ex : restaurant) : TVA sur option au taux de 20%
A notre sens, les principes qui ont poussé ces solutions sont tout aussi forts que les règles rappelées par l’article 9, à savoir l’analyse par local de l’article 260 D du CGI et le caractère dérogatoire des régimes résultant d’une option.
Les commentaires à venir de l’administration pourraient donc être l’occasion de faire le point sur cette situation complexe.