TVA sur marge – l’administration fiscale maintient sa position
L’administration fiscale vient d’indiquer dans une réponse Falorni publiée au JO AN le 24 septembre 2019 (QE n° 1835) qu’elle maintenait l’exigence d’une condition d’identité « juridique » s’agissant du bénéfice de la TVA sur marge et qu’elle admettait, en revanche, que la condition d’identité « physique » ne soit pas remplie. Autrement dit, la réponse Vogel (Rep. Vogel Sen. 17 mai 2018, n° 04171) est maintenue.
Selon l’administration fiscale, la TVA sur prix continue donc d’être applicable en ce qui concerne la revente par un assujetti agissant en tant que tel d’un lot constitué d’un terrain à bâtir ayant été acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti.
Sur le sujet, voir également notre article du 17 septembre 2019.
PLF 2020 – logement social – taux réduit – art 8
L’article 8 du PLF 2020 remet à plat les taux réduits de la TVA (10% et 5,5%) applicables en matière de logement social et procède notamment à la réécriture des articles 278 sexies, 278 sexies-0 A, 278 sexies A du CGI.
Les dispositions nouvelles s’appliqueraient aux opérations intervenant à compter du 1er décembre 2019.
On notera notamment une baisse du taux de TVA de 10% à 5,5% sur :
– les livraisons et livraisons à soi-même de logement locatifs sociaux financées par un prêt locatif aidé d’intégration (logements PLAI),
– dans les QPPV faisant l’objet d’une convention de rénovation, sur les livraisons et livraisons à soi-même des autres logements locatifs sociaux éligibles à une subvention de l’État (logements PLUS), ainsi que sur les livraisons à soi-même de travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement ou d’entretien, en particulier les travaux de résidentialisation et de requalification, portant sur de tels logements ou des logements PLAI.
– les opérations visant à redéployer l’offre de logement en dehors de ces quartiers et les opérations d’acquisition amélioration en vue de créer des logements PLUS et PLAI.
On relèvera également le taux réduit de la TVA applicable aux autres segments de la politique sociale du logement, en particulier aux structures d’hébergement temporaire ou d’urgence (centres d’hébergement et de réinsertion sociale, lits halte soins santé (LHSS), lits d’accueil médicalisés (LAM), appartements de coordination thérapeutique, centres d’hébergement d’urgence).
Bailleurs exonérés de la TVA – qualité d’assujetti à la TVA – tolérance du BOFIP – rescrit négatif
La pierre angulaire de la TVA applicable aux immeubles est la notion d’assujetti à la TVA.
Nous recherchons cette qualité chez le vendeur pour déterminer, notamment, si la vente doit être soumise à la TVA lorsqu’il s’agit d’un immeuble achevé depuis moins de 5 ans ou d’un terrain à bâtir.
Nous recherchons également cette qualité chez l’acheteur pour savoir s’il est en droit de prendre un engagement de revendre ou de bâtir ou encore, pour les plus experts, pour déterminer s’il est redevable d’une livraison à soi-même lorsqu’il fait construire un immeuble (hors VEFA) au titre duquel il ne pourra pas intégralement récupérer la TVA (pour simplifier, pour déterminer si, en principe, il échappe à une mauvaise nouvelle !).
La qualité d’assujetti n’est cependant pas la notion TVA la plus évidente.
Celle-ci résulte de l’exercice à titre habituel et indépendant d’une « activité économique », notion qui recouvre notamment la location d’un immeuble, le reste étant sans importance (régime applicable en matière d’impôt direct, bénéfice d’une exonération de TVA, etc.).
A ce stade de l’analyse, il faut comprendre que, sur le base du code général des impôts et de la directive TVA, les bailleurs sont des assujettis à la TVA, y compris lorsque la location est exonérée de la taxe (l’habitation, au premier chef, ou encore des locaux nus à usage professionnel lorsque le bailleur n’a pas formellement opté pour la TVA).
Le BOFIP a cependant prévu une tolérance qui permet à certains bailleurs exonérés de la TVA, qui ne sont pas assujettis au titre d’une autre activité, de se considérer comme non assujetti (certains pourraient sourire au souvenir d’une lessive qui lavait plus blanc que blanc !).
Cette tolérance n’est cependant pas totalement évidente à circonscrire. Certains passages du BOFIP laissent à penser que le bailleur exonéré peut, de manière générale, se considérer comme non assujetti alors que d’autres passages semblent réserver cette tolérance à une seule catégorie de bailleurs. Nous citons à cet égard le BOI-TVA-IMM-10-10-10-10-20120912 § 40 :
« Une distinction majeure est ainsi opérée entre l’activité d’un investisseur agissant à titre privé, qu’il soit individuel ou organisé en société civile, et qui tient au simple exercice du droit de propriété (qui demeure en dehors du champ de la directive), et celle d’un investisseur professionnel dont les opérations constituent une activité économique en ce qu’elles sont effectuées « dans le cadre d’un objectif d’entreprise ou dans un but commercial ».
A la lecture de ces commentaires, on comprend que le particulier qui donne en location une maison ou un appartement en exonération de TVA, peut se considérer comme non assujetti.
Quid en revanche de la société qui en loue plusieurs ? qu’elle a fait construire pour des locataires professionnels (le monde médical, par exemple) ?
Un rescrit a été sollicité dans une affaire particulière qui mettait en cause une société qui donnait en location des immeubles qu’elle avait fait construire, auprès de laboratoires de biologie médicale. La location était exonérée de la TVA et la question se posait de savoir si la société devait déclarer des livraisons à soi-même, ce qui générait un surcoût de TVA. La société poursuivait un objectif patrimonial. Néanmoins, le nombre des immeubles et leur nature soulevaient une question quant au bénéfice de la tolérance évoquée ci-dessous. Une demande de rescrit avait été déposée pour sécuriser le point.
Un premier rescrit négatif a été reçu. La société était assujettie à la TVA et la livraison à soi-même devait être déclarée.
Estimant que la réponse n’était pas satisfaisante, dans la mesure où elle pouvait être considérée comme vidant la tolérance de sa substance, un second examen avait été demandé.
A la suite d’un collège national, il a été indiqué à la société que : « l’objet social de la société consiste en la réalisation d’opérations d’acquisition, construction et transformation d’immeubles en vue de leur location, de sorte que la perception de loyers entre pleinement dans le cadre d’un objectif d’entreprise et ne peut être considérée comme relevant de la simple propriété des biens. » (rescrit service juridique de la fiscalité du 26 juin 2019).
DMTO – engagement de construire – construction au-delà du délai de 4 ans sans prolongation
L’acquisition d’un terrain pouvant faire l’objet d’une opération de construction ou d’un immeuble pouvant faire l’objet d’une opération de restructuration lourde, peut être l’occasion de prendre un engagement de construire lorsque l’acquisition est faite par un assujetti à la TVA agissant en tant que tel.
Cet engagement qui est régi par les dispositions de l’article 1594-0 G, A du CGI, permet de bénéficier d’une exonération de taxe de publicité foncière, sous réserve d’un droit fixe de 125 EUR.
Cet engagement, lorsqu’il est rempli, permet d’éviter de payer de la taxe de publicité foncière au taux global de :
– 5,80% / 6,40% dans la grande majorité des départements (voir l’espace DMTO) ; ou
– 0,715% s’agissant d’un terrain à bâtir acquis auprès d’un assujetti à la TVA lorsque la TVA est calculée sur le prix et non pas sur la marge (voir notre article précédent sur le sujet de la TVA sur marge).
Le porteur de l’engagement dispose de 4 années à compter de l’acte d’acquisition, pour le remplir (via le dépôt de la DAACT ou d’une déclaration fiscale spécifique lorsqu’il ne récupère pas intégralement la TVA, la déclaration n° 940).
Lorsque l’opération prend plus de temps, celui-ci doit demander, à l’arrivée du terme, une prolongation annuelle, qui est, le cas échéant, accordée de manière tacite, et recommencer à nouveau la démarche à la fin du délai prolongé, autant de fois que nécessaire, jusqu’au dépôt de la DAACT ou de la déclaration n° 940.
L’objectif de ce régime est rappelé par le BOFIP BOI-ENR-DMTOI-10-40-20160601 § 160 :
« Lorsque les mutations d’immeubles ou de droits immobiliers ont vocation à déboucher sur la production d’un immeuble neuf soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, le législateur a prévu d’écarter l’application des droits de mutation (sous réserve du paiement du droit fixe prévu à l’article 691 bis du CGI). Il s’agit ainsi d’éviter un cumul d’imposition entre ces droits et la TVA qui sera supportée finalement du fait de l’utilisation de l’immeuble (que ce soit par son occupant non déducteur, ou par répercussion du coût de la construction dans les prix des produits ou des prestations fournies par l’utilisateur assujetti). Dans cette logique, et eu égard aux aléas propres à la production immobilière, il n’y a pas lieu d’enserrer ce régime de faveur spécifique dans une contrainte de délai trop rigide à condition que les éventuels intermédiaires successifs soient en mesure de justifier de la réalité du projet immobilier. »
L’expérience montre que les services fiscaux peuvent effectuer des redressements lorsque les demandes de prolongations n’ont pas été déposées alors même qu’ils ont connaissance de l’achèvement des constructions, y compris lorsque cet achèvement intervient peu de temps après le terme du délai de 4 ans.
L’absence de demande de prolongation est alors cher payée puisqu’il s’agit du paiement de la taxe de publicité foncière accompagnée d’intérêts de retard et ceci pour une période parfois particulièrement longue, lorsque l’administration fiscale a jusqu’au 31 décembre de la sixième année qui suit la fin de l’engagement, pour agir.
Face à ce constat, nous ne pouvons que recommander aux acquéreurs de bien s’organiser pour gérer le dépôt des demandes de prolongation dans les temps.

