CJUE – conclusions de l’avocat général en défaveur de la TVA sur marge
L’avocat général a présenté ce matin ses conclusions dans l’affaire Icade Promotion Logement (aff. 299/20).
L’avocat général propose à la CJUE de répondre de manière suivante aux questions posées par le Conseil d’Etat (voir notre article en date du 29 juin 2020) :
– la TVA sur marge est applicable à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA au motif que cette opération ne relevait pas du champ d’application de celle‑ci, alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial (non assujetti, par un particulier par exemple).
– la TVA sur marge ne s’applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale en tant que terrains non bâtis était « exonérée du champ d’application de cette directive » (on comprend exonérée de TVA).
– la TVA sur marge ne peut pas s’appliquer à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont été acquis « non bâtis » par l’assujetti-revendeur (on comprend terrain qui n’est pas qualifié de terrain à bâtir).
– la TVA sur marge ne s’applique pas à la revente d’un terrain, qui a fait l’objet, entre le moment de son acquisition et celui de sa revente, de modifications de ses caractéristiques telles que la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eau potable, électricité, gaz, assainissement, télécommunications).
– toutefois, la TVA sur marge s’applique dans le cas de figure où, entre le moment de l’acquisition initiale d’un terrain à bâtir et celui de sa revente, les transformations subies par ce terrain sont limitées à la division de celui‑ci en lots.
Prochaine étape : arrêt de la Cour. A noter que la Cour peut retenir une autre analyse.
Selon l’analyse qui pourrait être retenue par la Cour, la TVA sur marge pourrait, dans certains cas, laisser place à une TVA sur prix et les droits de mutation de 5,80% seraient alors réduits à 0,715%.
On relèvera que les questions préjudicielles posées par la CAA de Lyon font l’objet d’une procédure distincte.
Pour ceux qui veulent creuser le sujet au niveau communautaire, nous renvoyons aux travaux de la directive que nous avions publiés dans un article en date du 25 novembre 2019.
Nota du 22 septembre 2021 : l’arrêt est prévu pour le 30 septembre.
TVA sur marge – Précisions importantes apportées à la suite d’une question écrite
La réponse à la question écrite que nous avions fait déposer par le député Romain Grau vient d’être publiée. Notre objectif était d’obtenir un mode d’emploi précis de la TVA sur marge en attendant la position de la CJUE qui a récemment été saisie une deuxième fois sur le sujet par la CAA de Lyon.
Les points importants sont les suivants.
Dans l’attente de l’arrêt de la CJUE qui sera rendu à la suite de la question préjudicielle renvoyée dans l’affaire Icade Promotion Logement, il est confirmé que :
– le régime de taxation sur la marge s’applique en présence de travaux qui ne conduisent pas à un changement de qualification du bien au regard de la TVA. Ainsi des travaux de rénovation qui ne conduisent pas à la production d’un immeuble neuf au regard de la TVA ne bloquent pas l’application de la TVA sur marge lorsque l’acquisition n’a pas ouvert droit à déduction.
– le régime de taxation sur la marge s’applique s’agissant des terrains, en cas d’aménagements permettant leur desserte par divers réseaux ainsi qu’en cas de passage de terrain non à bâtir à terrain à bâtir.
– la circonstance qu’un bien immobilier figure comptablement à l’actif circulant (en stock) ou à l’actif immobilisé de l’assujetti est dépourvue d’incidence sur l’application du régime de taxation sur la marge prévu par l’article 268 du CGI. Ainsi, la TVA sur marge est bien applicable aux utilisateurs et aux foncières ou encore aux crédits-bailleurs et la reprise au BOFIP de l’arrêt Promialp n’emporte sur ce point aucune conséquence.
Baux soumis à la TVA sur option – une QE est déposée pour clarifier l’option par local
Le Conseil d’Etat a validé dans une décision du 9 septembre 2020 (« EMO ») le fait qu’il est possible d’opter par local et non pas, obligatoirement, par immeuble, contrairement à ce qui est indiqué au BOFIP sous les références BOI-TVA-CHAMP-50-10.
Une question écrite vient d’être déposée devant l’Assemblée Nationale afin d’obtenir des clarifications sur les points suivants :
– comment s’exerce concrètement une telle option ?
– un bail unique peut-il être partiellement soumis à la TVA via une option par local ?
– l’immeuble est-il toujours constitutif d’un secteur disctinct d’activité même si l’option s’excerce au titre d’un local seulement ?
– est-il possible de modifier une option initiale « par immeuble » afin d’appliquer la décision EMO dans sans attendre le 1er janvier de la neuvième année civile qui suit celle au cours de laquelle l’option initiale a été exercée et sans que cette modification ne fasse partir un nouveau délai ?
Consulter la QE n° 38389.
Nota : consulter la réponse du 16 novembre 2021.
257 bis – Vente d’un immeuble loué en TVA par un marchand ou un promoteur à une foncière – la CAA de Lyon relance le débat
La CAA de Lyon vient de juger que la dispense de TVA était applicable à la vente d’un immeuble donné en location avec TVA lorsque l’acheteur continue l’activité locative soumise à la taxe même si le vendeur avait comptabilisé l’immeuble en stock.
Jusqu’à présent l’administration fiscale a toujours refusé l’application de la dispense dans une telle hypothèse, précisant que l’immeuble donné en location avec TVA doit être immobilisé tant par le vendeur que par l’acquéreur.
Cette position a été réaffirmée en 2018 à l’occasion du commentaire au BOFIP des décisions du Conseil d’Etat du 23 novembre 2015 concernant la revente d’un immeuble donné en location avec TVA à la suite de la levée d’option dans le cadre d’un contrat de crédit-bail (voir notre article du 8 janvier 2018 concernant la modification du BOFIP et l’article 30 novembre 2015 concernant ces deux décisions)
Ce nouvel épisode n’est pas étonnant dans la mesure où les décisions du Conseil d’Etat précitées, lues à la lumière des conclusions du rapporteur public, ouvriraient, selon certains commentateurs, une brèche permettant de supporter au cas particulier une dispense de TVA. Selon cette lecture, la dispense s’appliquerait à l’achat d’un immeuble donné en location avec TVA par par un acquéreur qui aurait l’intention de poursuivre de manière pérenne cette location y compris lorsque le vendeur a inscrit l’immeuble en stock.
Ceci étant dit, les décisions du Conseil d’Etat du 23 novembre 2015 traitaient d’une hypothèse de revente de l’immeuble post levée d’option dans le cadre d’un CBI, ce qui constitue une hypothèse bien particulière dans la mesure où :
– on ne devient pas un marchand de biens en débouclant son financement avant la vente de l’immeuble qu’on a donné en location de manière pérenne (voir notre article du 17 juin 2016);
– le contrat de crédit-bail revêt une nature particulière au regard de la TVA qui pourrait conduire, selon la cour de justice de l’union européenne, à considérer que la levée d’option ne produit pas d’effet, la « livraison » TVA étant intervenue lors de la conclusion du contrat de crédit-bail (voir notre article en date du 1er juillet 2020).
A suivre donc avec intérêt.
A notre sens, il est encore trop tôt pour changer les pratiques.
Consulter l’arrêt de la CAA de Lyon du 01/04/2021, n° 19LY00379, SARL Bati Conseil Rénovation
Nota du 30 juin 2021 : arrêt définitif.

