TVA – régime des EHPAD publics
Une réponse ministérielle a récemment rappelé la position de l’administration fiscale suite à un arrêt du Conseil d’Etat.
Les règles d’assujettissement à la TVA des personnes morales de droit public sont prévues à l’article 13 de cette directive, transposé dans le droit national à l’article 256 B du CGI.
La CJUE a précisé (arrêt du 29 octobre 2015, aff. C-174/14, Saudaçor – Sociedade Gestora de Recursose e Equipamentos da Saúde dos Açores SA) que le non assujettissement à la TVA de tels organismes impliquait la réunion de deux conditions cumulatives :
– les activités ou les opérations sont accomplies par les personnes publiques en tant qu’autorité publique, et ce, même si elles perçoivent pour ces activités des droits, redevances, cotisations ou rétributions ;
– le non-assujettissement des personnes publiques ne conduit pas à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.
Lorsque ces conditions, appréciées en fonction des circonstances de chaque espèce, sont remplies, le droit de l’UE interdit de soumettre à la TVA les opérations des organismes en cause.
Par une décision du 7 avril 2023, n° 463241, le Conseil d’État s’est appuyé sur l’arrêt précité de la CJUE pour préciser la situation au regard de la TVA des EHPAD gérés par une personne morale de droit public.
S’agissant de la première condition, par les dispositions prévues à l’article 256 B du CGI, la France aurait fait usage de la faculté offerte aux États membres à l’article 13 de la directive TVA combiné avec le g du 1 de l’article 132 de cette même directive de regarder comme une activité effectuée en tant qu’autorité publique le service social d’hébergement des personnes âgées dans des structures publiques telles que les EPHAD.
S’agissant de la seconde condition, le Conseil d’État a posé une présomption de non-concurrence pour les EHPAD gérés par une personne morale de droit public en raison du fait qu’ils sont soumis en principe à une tarification administrée de leurs prestations d’hébergement et accueillent entièrement ou principalement des personnes âgées à faibles ressources.
A contrario, un opérateur privé à but lucratif est libre de choisir sa clientèle et de fixer ses tarifs dans les conditions prévues aux articles L. 342-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles.
De surcroît, ils ne sont pas non plus susceptibles d’entraîner de distorsions de concurrence avec les établissements privés à but non lucratif, et ce, même s’ils accueillent, dans des proportions significatives, des personnes âgées dépendantes disposant de faibles ressources en proposant des places habilitées à l’aide sociale à l’hébergement.
En effet, ces derniers sont exonérés de TVA pour l’ensemble de leurs prestations sur le fondement des dispositions du b du 1° du 7 de l’article 261 du CGI.
En conséquence, il résulte de la décision du Conseil d’État que les EHPAD gérés par des personnes morales de droit public sont, en principe, non assujettis à la TVA, cette analyse s’imposant autant aux contribuables qu’à l’État.
Il est important de comprendre que l’assujettissement à la TVA emportait des conséquences plus favorables en raison du bénéfice de la TVA à un taux réduit, de la TVA déductible et de la sectorisation en matière de de taxe sur les salaires.
Consulter la réponse ministérielle Vermorel-Marques, JO AN du 27 février 2024, N° 13969
Pour aller plus loin, consulter :
– les conclusions de la décision du CE 7 avril 2023, n° 463241, Centre hospitalier de Vire
Extraits de la décision du CE 7 avril 2023, n° 463241, Centre hospitalier de Vire
« 6. En premier lieu, la condition selon laquelle l’activité économique est réalisée par l’organisme public en tant qu’autorité publique est remplie, selon la jurisprudence de la Cour de justice, lorsque l’activité en cause est exercée dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public. Ainsi, l’activité en cause doit être exercée dans des conditions juridiques différentes de celles des opérateurs économiques privés, notamment, lorsque sont mises en œuvre des prérogatives de puissance publique, lorsque l’activité est accomplie en raison d’une obligation légale ou dans le cadre d’un monopole ou encore lorsqu’elle relève par nature des attributions d’une personne publique. Cette condition peut également, si la législation de l’Etat membre le prévoit, être regardée comme remplie lorsque l’activité exercée est exonérée en application, notamment, de l’article 132 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006. Si cette condition n’est pas remplie, la personne morale de droit public est nécessairement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de cette activité économique, sans préjudice des éventuelles exonérations applicables. »
« 8. Par les dispositions de l’article 256 B du code général des impôts citées au point 4, la France a fait usage de la possibilité ouverte par le 2 de l’article 13 de la directive du 28 novembre 2006 citée au point 3 lu en combinaison avec le g du 1 de l’article 132 de cette même directive, de regarder comme une activité effectuée en tant qu’autorité publique le service social d’hébergement des personnes âgées dans des structures publiques. »
« 9. En second lieu, par un arrêt du 16 septembre 2008 (C-288/07) Commissioners of Her Majesty’s Revenue et Customs contre Isle of Wight Council et autres, la Cour de justice a dit pour droit que les distorsions de concurrence d’une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu’autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l’activité en cause, en tant que telle, indépendamment de la question de savoir si ces organismes font face ou non à une concurrence au niveau du marché local sur lequel ils accomplissent cette activité, ainsi que par rapport non seulement à la concurrence actuelle, mais également à la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d’entrer sur le marché pertinent soit réelle, et non purement hypothétique. Par un arrêt du 19 janvier 2017 (C-344/15) National Roads Authority, la Cour de justice a précisé que les distorsions de concurrence d’une certaine importance doivent être évaluées en tenant compte des circonstances économiques et que la seule présence d’opérateurs privés sur un marché, sans la prise en compte des éléments de fait, des indices objectifs et de l’analyse de ce marché, ne saurait démontrer ni l’existence d’une concurrence actuelle ou potentielle ni celle d’une distorsion de concurrence d’une certaine importance. Les distorsions de concurrence mentionnées au paragraphe 1 de l’article 13 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 s’apprécient à la fois au regard de l’activité en cause et des conditions d’exploitation de cette activité. L’existence de telles distorsions ne saurait, dès lors, résulter de la seule constatation que des prestations réalisées par un organisme de droit public sont identiques à celles réalisées par un opérateur privé, sans examen de l’état de la concurrence réelle, ou à défaut potentielle, sur le marché en cause. »
« 10. Eu égard au caractère social des EHPAD publics qui sont habilités à accueillir entièrement ou principalement des personnes âgées à faibles ressources et qui, par suite, sont soumis en principe à une tarification administrée de leurs prestations relatives à l’hébergement de celles-ci, un opérateur privé exerçant cette activité à titre lucratif, libre de choisir sa clientèle et, par suite, de fixer ses tarifs en conséquence, ne saurait être empêché d’entrer sur le marché en cause ou y subir un désavantage du seul fait de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée qui lui permet, à la différence d’un opérateur public placé hors du champ de celle-ci, d’obtenir le remboursement de l’excédent de la taxe ayant grevé ses charges sur celle dont il est redevable à raison de ses recettes. Par ailleurs, cette même activité exercée sans but lucratif par un opérateur privé est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts cité au point 4. Par suite, en jugeant que le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée du centre hospitalier de Vire à raison de l’activité de son EHPAD, dont il est constant qu’il est habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement pour la totalité des places qu’il offre, n’était pas susceptible de générer de distorsion dans les conditions de la concurrence au sens et pour l’application de l’article 256 B du code général des impôts, lu à la lumière des dispositions de la directive du 28 novembre 2006 qu’il a pour objet de transposer, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.«
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