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Articles récents

1
Juil

TVA – immeuble « mixte » – droit à déduction de la TVA (expert)

Lorsqu’un immeuble (immobilisé) est donné en location en partie en TVA et en partie en exonération de TVA, la question du droit à déduction de la TVA se pose nécessairement.

En principe, une partie de la TVA d’amont est perdue. Il faut donc la quantifier.

Cette situation se produit lorsqu’une partie de l’immeuble comprend de l’habitation ou lorsque l’option pour le paiement de la TVA est exercée par local et non pas par immeuble ou ensemble immobilier (voir nos articles sur le sujet).

Au quotidien, lorsque l’on creuse le sujet, on découvre que les différents outils disponibles pour mesurer le droit à déduction de la TVA (dans le CGI ou dans les tolérances administratives du BOFIP) peuvent conduire à des solutions totalement différentes sur un plan financier.

Ainsi, il est possible qu’une méthode corresponde mieux à un moment où l’immeuble est quasiment vide et une autre lorsqu’il donné 100% en location, « en régime de croisière ».

Se posait alors la question de la conséquence du changement de méthode « en cours de vol ».

Par exemple, application de la tolérance surface au titre de l’année civile de la constatation de la LASM et application d’un CTU les années civiles suivantes.

Une réponse ministérielle vient d’indiquer que le changement de méthode conduisait à appliquer les règles de régularisations de TVA.

Cette réponse apporte un complément intéressant à la règle du jeu « doctrinal ». Cette réponse doit être comparée avec ce qui est indiqué en matière d’assujetti unique (BOI-TVA-AU-40 § 250).

Réponse Liger JO AN du 3 juin 2025, n° 4083

26
Juin

TVA – baux soumis à la TVA – conservation du dépôt de garantie par le bailleur

Un jugement récent permet de rappeler une évidence.

Lorsqu’un bail soumis à TVA « tourne mal », la conservation du dépôt de garantie par le bailleur va certainement déclencher une TVA collectée à due proportion.

Le montant qui sera conservé par le bailleur sera donc finalement d’environ 83% du montant initial.

Dans la continuation de cette évidence, cette conservation devrait également déclencher une TVA déductible pour le preneur en défaut, d’un montant égal à la TVA collectée par le bailleur.

Consulter Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 1ère Chambre, 20 juin 2025, 2101690

Extrait : « 5. Toutefois, la conservation du dépôt de garantie par le bailleur en cas d’inexécution des obligations contractuelles du preneur est en lien direct avec la prestation de location et l’obligation de remise en état des locaux nonobstant les termes du contrat de location qui stipule que la conservation du dépôt de garantie, en cas d’inexécution des obligations du preneur, constitue les  » premiers dommages et intérêts  » et la circonstance que le montant du dépôt de garantie n’est pas équivalent au coût des prestations. Par suite, c’est à bon droit que l’administration a soumis la somme de 115 000 euros correspondant au montant du dépôt de garantie à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l’article 256 précité du code général des impôts. »

15
Mai

TVA et DMTO – qualification fiscale des travaux – immeuble de référence

La qualification TVA et DMTO des travaux n’est pas évidente. L’article ci-dessous a pour vocation d’essayer de faire le point sur la question de l’immeuble de référence, c’est-à-dire l’immeuble qui est pris en considération pour vérifier le pourcentage de remise à neuf des fondations (50%), de la structure hors fondation (50%), de la consistance des façades (50%) ou des éléments de second œuvre (6 x 2/3 des six éléments de second œuvre).

La problématique centrale est l’appréciation des travaux de second œuvre dans un « immeuble collectif« .

En principe, pour l’appréciation de l’ampleur des travaux, le BOFIP rappelle qu’il convient de considérer les travaux au regard de l’immeuble / du bâtiment pris dans son ensemble (BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 § 200).

Au même paragraphe, le BOFIP apporte une première exception s’agissant de certains ensembles immobiliers composés de plusieurs bâtiments, y compris lorsque ceux-ci sont immatriculés au cadastre sous des numéros différents :

« Bien que des bâtiments soient immatriculés au cadastre sous des numéros différents, la nature des travaux s’apprécie au regard de l’ensemble de ces bâtiments réputés formés un seul immeuble dès lors qu’ils communiquent entre eux horizontalement et verticalement et disposent des mêmes issues sur la voie publique ».

A noter, pour mémoire, que s’agissant d’un bâtiment composé de plusieurs « fractions », qui ne communiquent pas ensemble, et disposant d’issues différentes sur la voie publique, certains services acceptent de considérer chaque fraction de ce bâtiment comme une unité distincte pour apprécier l’ampleur des travaux. Cette analyse, qui nous semble aller dans le bon sens, n’est pas cependant pas inscrite en tant que telle dans le BOFIP.

Le principe de l’appréciation des travaux par bâtiment comprend une deuxième exception rappelée par le BOFIP au § 210 (BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 § 210) s’agissant des additions de construction. En effet, dans cette hypothèse, les travaux ne sont plus appréciés au niveau du bâtiment et l’addition de construction fait l’objet d’une analyse distincte (en ce sens, précédemment, BOI 8 A-1-06 § 19 / BOI 3 C-7-06 § 170 à la suite du BOI 8 A-6-99 § 19).

« Dans la situation où, concomitamment à une addition de construction, qui constitue toujours une construction neuve, sont réalisés des travaux portant sur l’existant, il convient de considérer ces travaux isolément afin de déterminer s’ils concourent à eux seuls à la production d’un immeuble neuf. »

A noter que cette exception ne dépend pas d’un critère de proportion, ce qui peut paraître étonnant. Des services acceptent cependant de considérer certaines additions de constructions comme accessoires au bâtiment principal afin que l’addition de construction suive le même régime que celui du bâtiment principal.

Une troisième exception a, enfin, été apportée lors de la création du BOFIP. Il s’agit du rescrit publié RES N°2007/34 (TCA) concernant, notamment, les immeubles collectifs en copropriété.

Selon ce rescrit :

« Les travaux doivent s’apprécier au niveau de l’immeuble pris dans son ensemble. Toutefois, s’agissant d’un logement situé dans un immeuble collectif (cf. définition au BOI-TVA-LIQ-30-20-90-10-§ 20), le preneur des travaux n’a pas nécessairement connaissance des travaux réalisés par les autres copropriétaires dans leurs appartements. En revanche, chaque copropriétaire est informé lors des assemblées générales de copropriété des travaux qui affectent les éléments du gros œuvre.
Dès lors, les travaux doivent s’apprécier par rapport à l’ensemble de l’immeuble s’agissant des travaux affectant les éléments du gros œuvre (fondations, éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage et consistance des façades hors ravalement). Pour les autres travaux, il est admis, pour l’application du taux de TVA, que les travaux s’apprécient au niveau de l’appartement.
»

La difficulté résulte du fait qu’il s’agit d’un rescrit « taux de TVA » repris dans un BOFIP « champ d’application ». Ce mélange n’est cependant pas étonnant dans la mesure où l’instruction générale 3 A-9-10 qui a commenté la refonte de la TVA immobilière a opéré un renvoi général à l’instruction « taux » 3 C-7-06 (BOI 3 A-9-10, note de bas de page 19).

Cette présentation soulève malheureusement des questions quant à la stricte opposabilité de ces commentaires (BOI-SJ-RES-10-10-10 § 320) et elle conduit certains services à rejeter la prise en compte de cette doctrine dans les demandes de rescrit alors que celle-ci est validée par certains services centraux, étant précisé que cette solution est alors également transposée aux volumes et s’agissant de locaux commerciaux ou de bureaux.

Enfin, il faut bien constater que cette troisième exception s’articule difficilement avec le § 200 du BOFIP (BOI-TVA-IMM-10-10-10-20) selon lequel :

« Sont sans incidence à cet égard les circonstances suivantes :
– les locaux nouvellement aménagés sont affectés à plusieurs occupants ;
– l’affectation de certaines parties de l’immeuble est modifiée ;
– l’immeuble est affecté à plusieurs usages ;
– l’opération immobilière a pour effet de diviser physiquement ou juridiquement un immeuble constituant jusqu’alors une entité unique. »

Pour mémoire, ce dernier passage résulte d’une instruction 8 A-1-00 qui a commenté deux arrêts de la Cour de cassation, et qui a ensuite été reprise à la DB 8 A 1131.

Ceci étant rappelé, la reprise de ce rescrit publié permet, s’agissant du critère du second œuvre, d’obtenir dans certains rescrits l’appréciation des travaux au niveau de second œuvre au niveau d’un lot de copropriété (ou d’un volume selon certains rescrits) et non pas uniquement au niveau du bâtiment.

Il s’agit, à notre sens, d’une solution heureuse, fondée en droit et économiquement rationnelle, qui trouve un écho certain dans la directive TVA et la jurisprudence qui la commente.

Pour mémoire, l’article 12 de la directive 2006/112/CE prévoit que :

« 1. Les États membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes :
a) la livraison d’un bâtiment ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation;
[…]
2. Aux fins du paragraphe 1, point a), est considérée comme «bâtiment» toute construction incorporée au sol.
Les États membres peuvent définir les modalités d’application du critère visé au paragraphe 1, point a), aux transformations d’immeubles, ainsi que la notion de sol y attenant.
»

L’article 135 (1) (j), quant à lui, exonère de TVA :

« j) les livraisons de bâtiments ou d’une fraction de bâtiment et du sol y attenant autres que ceux visés à l’article 12, paragraphe 1, point a); »

La CJUE a eu l’occasion d’interpréter ces dispositions à plusieurs reprises.

L’analyse de la jurisprudence de la CJUE (CJUE 7-11-2024 aff. 594/23, Lomoco Development ApS e.a. § 55, CJUE 9-3-2023 aff. 239/22, État belge. c/ Promo 54, § 18 & s. et CJUE 16-11-2017 aff. 308/16, Kozuba Premium Selection sp. z.o.o. c/ Dyrektor Izby Skarbowej w Warszawie § 52 & s.) laisse à penser que dans un « immeuble collectif », la transformation doit s’apprécier « unité » par « unité », et non pas par bâtiment, pour vérifier la valeur ajoutée apportée par les travaux de transformation, qui conduit à justifier une taxation au lieu et place de l’exonération.

Pour s’en convaincre, nous proposons l’exemple suivant : un immeuble de dix étages, comprenant un local identique par étage, qui fait l’objet d’une rénovation des éléments de second œuvre.

L’analyse par bâtiment conduirait à considérer l’immeuble comme neuf à partir du moment où 7 étages ont été intégralement remis à neuf.

La vente des 3 étages non rénovés serait alors soumise de plein droit à la TVA alors que ces étages n’auraient fait l’objet d’aucun travaux, ce qui apparaît pour le moins discutable au vu de la jurisprudence de la CJUE.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où les étages seraient rénovés et revendus, de manière étalée, la vente des six premiers étages serait exonérée de la TVA. Seule la vente des étages 7 à 10 serait soumise à la TVA, y compris pour les trois derniers étages qui ne font l’objet d’aucun travaux.

Conclusion : l’analyse par bâtiment, dans cette hypothèse, conduit à exonérer la vente d’« unités » pour lesquelles l’opérateur apporte de la valeur ajoutée via les travaux de transformation (les six premiers étages) et conduit à taxer la vente des « unités » pour lesquelles aucune valeur ajoutée n’a été créée (les trois étages non rénovés).

Au demeurant, l’ancienne règle « un bâtiment = un régime de TVA » qui fonde l’appréciation des travaux par bâtiment ne se justifie plus aujourd’hui.

L’instauration de l’option pour le paiement de la TVA permet en effet de soumettre la revente de chacun des lots à un régime de TVA propre, dépendant du souhait du vendeur d’opter ou non pour le paiement de la TVA (article 260, 5°bis du CGI).

L’option pour soumettre la location d’un immeuble à la TVA (article 260, 2° du CGI) qui s’exerçait également obligatoirement par immeuble, peut dorénavant s’exercer par local (Rép. Grau JO AN du 16 novembre 2021).

Enfin, les commentaires concernant le groupe TVA ont également permis la division de l’immeuble en différentes fractions tenant compte de leurs utilisations respectives pour l’exercice du droit à déduction (BOI-TVA-AU-40 § 250 & s.).

Dans ces conditions, le maintien systématique d’une appréciation des travaux au niveau du bâtiment et non pas au niveau du lot de copropriété, du volume ou du local (éventuellement matérialisé par un EDD) apparaît particulièrement discutable.

Dans le prolongement de la réponse ministérielle Louwagie, JO AN 13 septembre 2022, n° 96, l’achèvement des travaux de rénovation de la fraction de l’immeuble serait marqué par l’achèvement des travaux au sens de l’article R. 261-1 du CCH. La référence à la DAACT n’est en effet pas pertinente s’agissant de travaux de rénovation, qui pour certains, ne nécessitent pas l’obtention d’une autorisation administrative. Au demeurant, le système selon lequel l’immeuble peut être neuf « à plusieurs reprises » au cours d’une seule opération de rénovation est difficilement compatible avec une telle déclaration (e.g. opération globale comprenant la remise à neuf de 100% des fondations, suivie de la remise à neuf de 100% des façades, suivie de la remise à neuf de 100% des 5 éléments de second œuvre dans un immeuble ne comportant que des planchers structurels).

Pour finir, une appréciation par fraction permet également de vérifier l’existence des planchers non structurels et de cantonner leurs effets par fraction d’immeuble et non pas au niveau du bâtiment.

Nous plaidons donc pour une clarification de la doctrine administrative afin que les rescrits envoyés par les différents services soient instruits sur une base stabilisée.

A suivre…

Nota du 20 mai 2025 : question écrite LIGER publiée le 20 mai 2025, n° 6798

13
Mai

DMTO – Art. 1594-0 G, A-I du CGI – engagement de construire – construction par un tiers (suite)

La Cour de cassation vient de juger qu’un engagement de construire pris au titre de l’acquisition d’un immeuble pouvait être rempli grâce aux travaux d’un sous-acquéreur qui n’a pas repris « fiscalement » l’engagement de construire de son vendeur, à la condition que ce sous-acquéreur soit également assujetti à la TVA (Cass. com. 7 mai 2025, n° 24-11.771).

[Nota du 6 juin 2025 : Voir en sens contraire, Cass. com. 28 mai 2025, n° 24-13.572 : « Ayant constaté que onze parcelles avaient été cédées à une société qui n’a pas repris cet engagement et onze autres à des particuliers non assujettis à la TVA, l’arrêt en déduit exactement que, concernant ces 22 parcelles, la société Ferme Quirin ne pouvait, conserver le bénéfice de l’exonération prévue par le texte précité« ].

Cet arrêt était (très) attendu depuis, notamment, qu’une cour d’appel de Bordeaux avait relancé le débat (voir notre article).

A titre personnel, nous ne comprenons pas l’origine de la condition liée à l’assujettissement posée par la Cour de cassation.

Ceci étant dit, cette solution va permettre de sécuriser des opérations pour lesquelles plusieurs questions écrites avaient été déposées (voir notre article) et pour lesquelles une réponse pourra, peut-être, à présent être donnée par le ministre.

Nous pensons bien évidemment notamment aux baux à construction et aux BRS opérateurs (même si l’ensemble des baux sont concernés) mais également aux opérations de certains lotisseurs ou aménageurs pour lesquelles l’engagement de construire va être finalement rempli par un tiers (i.e. le preneur du bail, l’opérateur ou le sous-acquéreur promoteur).

A l’expérience, nous verrons si cette solution freinera ou non la reprise « fiscale » des engagements de construire.

Nous pourrons également surveiller si cette solution encouragera à nouveau la reprise « contractuelle » de l’engagement de construire du vendeur, comme cela était pratiqué avant la réforme de la TVA immobilière.

La question pendante pour avancer sur ces sujets est à présent celle de savoir si le vendeur, qui de facto conserve son engagement de construire après la vente (ce qui résulte implicitement de cet arrêt) pourra demander et obtenir des prorogations annuelles alors même que l’immeuble est vendu et que les travaux sont en cours de réalisation par le sous-acquéreur.

A suivre