TVA – déduction de la TVA – immeuble mixte immobilisé donné en location – changement de méthode
Lorsqu’un immeuble, immobilisé en comptabilité, est donné en location, la déduction de la TVA résulte du régime de TVA du bail.
Lorsque l’immeuble est intégralement donné en location avec TVA, 100% de la TVA grevant l’immeuble est déductible.
A l’inverse, lorsque l’immeuble est intégralement donné en location sans TVA (i.e. en exonération de TVA), aucune TVA grevant l’immeuble n’est déductible (sous réserve des effets temporaires induits par d’éventuelles livraison à soi-même d’immeubles neufs ou de travaux immobiliers).
Lorsque l’immeuble est totalement affecté à une activité locative mais est partiellement donné en location avec TVA, se pose la question du quantum de la TVA déductible et les difficultés commencent.
En pratique, la question est d’autant plus délicate que l’immeuble peut connaître toute une série d’évènements qui conduisent les bailleurs et leurs conseils à se poser des questions existentielles s’agissant des règles de déduction de la TVA (e.g. vacance partielle résultant d’un changement de locataire ou de travaux, franchise).
Une question écrite a donc été déposée pour mieux comprendre les règles du droit à déduction de la TVA concernant ces immeubles.
Pour ceux qui veulent mieux comprendre la question qui a été déposée.
Les seuls outils prévus par le CGI (article 206 de l’annexe II) sont les règles de l’affectation ou l’application d’un coefficient de taxation unique, calculé sur la base du chiffre d’affaires de l’année civile, appliqué à toutes les dépenses.
Pour mémoire, une réponse ministérielle Grau du 16 novembre 2021 a également rappelé, qu’en dehors du cas des logements sociaux, l’immeuble constitue un seul secteur distinct d’activité (voir notre article).
Le BOFIP contient également deux tolérances : un coefficient de surface pour la TVA d’acquisition ou de construction de l’immeuble (BOI-TVA-CHAMP-50-10 § 160) et une ventilation par fractions d’immeuble pour la TVA résultant d’une livraison à soi-même (BOI-TVA-IMM-10-30 § 30).
Il est possible qu’une règle ou une tolérance convienne mieux qu’une autre à certains moments de la vie de l’immeuble.
Des changements de méthodes peuvent donc intervenir.
Par exemple, un bailleur peut avoir un intérêt à appliquer un coefficient de surface résultant du BOFIP à une TVA d’acquisition en année N (BOI-TVA-CHAMP-50-10 § 160) puis appliquer un coefficient de taxation unique à toutes les dépenses, les années suivantes.
Une question a été posée afin de mieux anticiper les conséquences de ces changements. C’est la problématique des régularisations de TVA.
Sur un plan plus technique, la question vise également à mieux cerner la qualification des deux tolérances prévues par le BOFIP, qui reposent sur des découpages physiques de l’immeuble, par rapport aux méthodes prévues à l’article 206 de l’annexe II au CGI.
TVA – hôtellerie et para-hôtellerie courte et longue durée – nouveau BOFIP
L’administration fiscale vient de commenter le nouveau régime de TVA applicable à l’hôtellerie et à la para-hôtellerie depuis le 1er janvier 2024 (voir notre article précédent).
On se souvient que ce nouveau régime fait suite à un avis rendu par le Conseil d’État le 5 juillet 2023 (voir notre article sur le sujet).
Compte tenu de la période estivale, nous avons résumé en quelques mots ce qui a principalement retenu notre attention. Ce commentaire ne remplace donc pas une lecture attentive des nouveaux commentaires.
1. Sous réserve d’une formalisation correcte de l’ensemble des documents affichés, communiqués ou signés entre (i) le bailleur et les occupants et (ii) le bailleur et ses éventuels prestataires, ces nouveaux commentaires favorisent une taxation large de ces activités même si le texte de l’article 261 D, 4° du CGI continue d’exiger « trois services sur quatre » pour taxer le service d’hébergement (i.e. le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle).
2. On relève une conception large de la réception de la clientèle (il n’est pas requis qu’elle soit offerte de manière permanente. Un prestataire d’hébergement peut proposer à ses clients un choix entre un accueil physique avec remise des clés en main propre et un accueil par l’intermédiaire d’un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés via une boîte à clés).
3. Certains services doivent être effectivement fournis pour être retenus pour justifier la taxation à la TVA :
– la réception de la clientèle ;
– la fourniture du linge de maison en début de séjour ;
– le nettoyage des locaux en début de séjour.
4. D’autres services (i.e. petit-déjeuner, renouvellement hebdomadaire du linge et nettoyage hebdomadaire des locaux lorsque la durée du séjour est supérieure ou égale à une semaine) peuvent n’être proposés que sur option via un prix supplémentaire et ne doivent donc pas être obligatoirement fournis, sous réserve de pouvoir démontrer (i) d’avoir les moyens nécessaires permettant d’assurer la fourniture de ces services à l’ensemble des clients hébergés et (ii) l’effectivité de la proposition.
5. Certaines restrictions sont rappelées / précisées :
– petit déjeuner : le distributeur automatique ne suffit pas ;
– nettoyage des locaux : la simple mise à disposition du client du matériel servant au nettoyage ne suffit pas ;
– fourniture du linge de maison : la mise à disposition d’une laverie, sans renouvellement du linge de maison, ne suffit pas.
6. Point important : Les mêmes commentaires sont applicables à la para-hôtellerie de courte durée ou de longue durée.
7. Le régime de la location des locaux à un exploitant est également précisé, s’agissant du taux de TVA applicable et du régime de taxation qui reprend, comme par le passé, un « découpage » du loyer : une partie du loyer est donc soumise de plein droit à la TVA à un taux réduit alors qu’une autre partie du loyer est soumise à la TVA, selon les règles habituelles (e.g. l’option à la TVA), au taux de 20%.
8. La tolérance prévue pour les EHPAD s’agissant des meubles des occupants est étendue aux résidences services.
Premières conclusions :
– nécessité de revoir ou d’adapter dès que possible l’ensemble des documents relatifs aux relations bailleurs-occupants et prestataires-bailleurs ;
– La para-hôtellerie longue durée peut continuer à être soumise à la TVA sans révolution majeure sous réserve d’une revue / adaptation rapide dans chaque situation dans la mesure où le nouveau régime peut créer des pièges (e.g. renouvellement hebdomadaire du linge) ;
– le Airbnb d’une nuitée + boîte à clef peut être soumis à la TVA sauf application de la franchise en base.
Nous souhaitons à nos lecteurs un bel été.
Consulter les nouveaux commentaires au BOFIP.
Importance de la rédaction de l’acte pour la détermination du régime de TVA (suite)
La CAA de Bordeaux (CAA Bordeaux, 5ème Chambre, 25 juin 2024, 22BX02641) vient de rendre un arrêt intéressant à la suite de l’arrêt CE 11/10/2022, 8e et 3e ch., n° 46456, BH Concept, « Mentionné dans les tables du recueil Lebon » et de l’arrêt Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 02/04/2024, 466644, Inédit au recueil Lebon (voir notamment notre article du 9 avril 2024).
Si on essaie de retirer des enseignements de cet arrêt, on comprend que la qualification TVA du bien vendu s’opère en référence aux trois éléments suivants : (i) la référence cadastrale, (ii) la désignation du bien et (iii) le prix.
On constate ici à nouveau l’importance des clauses autres que la clause fiscale pour la qualification des biens vendus au regard de la TVA.
Bien évidemment, la qualification des biens vendus a ensuite une conséquence s’agissant de la détermination du régime de TVA applicable.
Conséquences pratiques à définitivement confirmer
– un immeuble et son terrain sur une seule parcelle cadastrale seraient considérés comme un seul bien, à savoir un immeuble bâti, peu importe l’importance du terrain (1)
– s’agissant du même immeuble et du même terrain, la situation serait identique s’il y avait deux parcelles mais un seul bien dans la clause désignation et un seul prix (2)
– toujours pour ces mêmes biens, la situation serait différente, s’il y avait deux parcelles, deux biens dans la clause désignation et deux prix (3)
Selon les cas, il y aurait de la TVA sur la cession du terrain (terrain à bâtir) (3) ou une exonération intégrale (sauf option) s’il s’agit d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans (s’agissant d’une vente par un assujetti agissant en tant que tel) (1) et (2).
On peut constater à quel point la subjectivité s’inviterait à présent dans les régimes de TVA qui devaient à l’origine reposer sur des qualifications objectives.
Il va sans dire que les commentaires de l’administration fiscale seront attendus avec intérêt, la jurisprudence s’écartant sensiblement de la volonté du législateur de 2010.
TVA – LASM de travaux – taux réduit de TVA – réponse ministérielle
A la suite d’une question écrite déposée le 6 février 2024 visant à obtenir des clarifications sur le régime de TVA applicable aux livraisons à soi-même de travaux immobiliers, une réponse a été apportée ce jour.
Il est expressément rappelé que les LASM de travaux ne concernent pas les biens inscrits en stock.
Par ailleurs, il est indiqué que les LASM de travaux ne bénéficient des taux réduit de la TVA prévus aux articles 278-0 bis A (5,5%) ou 279 0 bis (10%) du CGI qu’à la condition, notamment, que le preneur de la prestation de travaux atteste par écrit que les conditions d’application du taux réduit sont remplies, et transmette un exemplaire de cette attestation au fournisseur de travaux (IV de l’article 278-0 bis A et 3 de l’article 279-0 bis du CGI), au plus tard à la date de leur achèvement ou lors de la facturation finale.
Ces deux clarifications sont les bienvenues.
Consulter la réponse JO AN du 4 juin 2024 faisant suite à la question Louwagie N°14979.
Nous renvoyons à notre article du 6 février 2024 pour ceux qui veulent plus de contexte sur les LASM de travaux.