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Articles récents

18
Sep

TVA sur marge – la CJUE a rendu son arrêt dans l’affaire Icade Promotion (C-299/20)

La CJUE vient de rendre l’arrêt Icade Promotion concernant le régime de TVA sur marge. Cet arrêt concerne l’ancien régime de TVA sur marge (i.e. avant le 11 mars 2010) sur lequel nous ne reviendrons pas. En revanche, cet arrêt apporte des enseignements sur le régime actuellement applicable, que nous allons tenter de synthétiser.

Premier enseignement. La régime de marge requiert une condition d’identité « juridique » qui repose sur la comparaison de la qualification TVA de ce qui est acheté avec ce qui est revendu (§ 53 de l’arrêt). Il faut donc acheter et revendre un terrain à bâtir si on veut appliquer la TVA sur marge sur la revente de ce terrain à bâtir.

Nota : dans le même sens, CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS, § 27)

Deuxième enseignement. Le régime de marge ne requiert pas de condition d’identité « physique ». le découpage physique du terrain n’a pas de conséquence (§ 60 de l’arrêt).

Nota : dans le même sens, CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS, § 30)

Troisième enseignement. Un terrain à bâtir qui fait l’objet de travaux de raccordement aux réseaux demeurent un terrain à bâtir et ne devient pas un bâtiment (§ 57 de l’arrêt). Ce n’était pas évident pour l’avocat général (voir notre article concernant les conclusions de l’avocat général).

Quatrième enseignement. La TVA sur marge ne s’applique pas lorsque l’acquisition par l’acheteur-revendeur est soit hors champ de la TVA (acquisition auprès d’un non-assujetti ou un assujetti n’agissant pas en tant que tel) soit exonérée de la TVA sauf « lorsque le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial ». Il va donc falloir aller voir ce qui s’est pas passé chez le vendeur initial pour connaître le régime applicable à la revente par l’acheteur-revendeur et il faut bien avouer que ce qui est à vérifier chez le vendeur initial n’est pas clair (§ 46 de l’arrêt). Selon l’interprétation qui sera retenue par l’administration fiscale, ce quatrième enseignement pourra considérablement réduire le champ de la TVA sur marge au profit de la TVA sur le prix.

Quelle conséquence aujourd’hui ? Pour ceux qui souhaitent appliquer le BOFIP et les réponses ministérielles actuellement publiés, cet arrêt ne produit aucune conséquence pour une vente signée ce jour. La doctrine de l’administration fiscale est opposable et il est toujours utile de rappeler cette doctrine dans la clause fiscale de l’acte.

Quelle conséquence demain ? tout dépendra des commentaires que fera l’administration fiscale du quatrième enseignement.

Deux dernières remarques.

L’arrêt remet en cause la condition d’identité « physique », qui nous permet, dans certains cas, de passer en TVA sur prix dans les opérations où la TVA sur marge n’est pas souhaitée. Lorsque l’administration fiscale fera un commentaire de la condition d’identité pour la restreindre la composante « juridique », il serait souhaitable d’inclure une option pour la TVA sur le prix lorsque la TVA sur marge est normalement applicable.

L’arrêt ne traite pas du détachement d’une parcelle, lorsque la parcelle d’origine supporte un bâtiment. A ce jour, l’administration fiscale considère que la condition d’identité « juridique » n’est pas remplie sauf lorsque le « découpage » a lieu avant l’achat par l’acheteur-revendeur (voir la réponse de la Raudière AN. 30 août 2016, n° 94061 analysée dans l’article suivant).

16
Sep

TVA – gestion des fonds immobiliers – évolution potentielle des règles concernant l’option

 

Nous comprenons que la loi de finances pour 2022 pourrait modifier les règles de l’option TVA applicable à la gestion des fonds immobiliers.

Attention, il ne s’agit pas de l’option à la TVA exercée par les bailleurs d’immeubles mais de l’option à la TVA sur les opérations « financières » notamment exercée par les sociétés de gestion.

Aujourd’hui, cette dernière option est une option « globale ».

Ainsi, en cas d’option, toutes les commissions sont concernées sauf celles qui sont exclues du champ de l’option par la loi (e.g. commissions perçues lors du placements d’actions – article 260 C, 12° du CGI). Ce régime du « tout ou rien » a pu conduire certaines sociétés de gestion à ne pas opter, ou à renoncer à une option initialement exercée.

Demain, l’option pourrait devenir « sélective », c’est-à-dire commission par commission ou encore client par client.

Cette évolution trouverait sa source dans la décision EMO du 9 septembre 2020 selon laquelle l’option applicable aux locations immobilières peut être faite local par local et non pas obligatoirement par immeuble (voir notre commentaire en date du 10 septembre 2020 ainsi que notre article consacré à la question écrite déposée le 20 avril 2021 afin d’obtenir des clarifications  de l’administration fiscale)

Si cette évolution devait voir le jour, cela permettrait aux sociétés de gestion de choisir les commissions soumises à la TVA et d’éviter, par exemple, de soumettre à la TVA la gestion de certains fonds ou certaines commissions (certains droits d’entrée, par exemple).

Nota du 22 septembre 2021 : l’article 9 du PLF 2022 prévoit :

4° A l’article 260 B, la première phrase du deuxième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée : 
« L’assujetti qui a exercé l’option l’applique aux seules opérations qu’il détermine. »

Article rédigé avec la participation de Robin Maubert, avocat

30
Juin

TVA – démembrement de propriété ab initio – dépôt d’une question écrite

 

Une question écrite a été déposée afin d’obtenir des précisions sur les conséquences TVA de l’extinction de l’usufruit portant sur un immeuble dans le cas d’un démembrement de propriété intervenant ab initio.

Cette question écrite doit être lue à la lumière d’une précédente réponse ministérielle Pauget en date du 2 avril 2019 (n° 17425) (voir notre article du 4 avril 2019) qui avait complété les commentaires du BOFIP.

Le sujet est technique.

On peut cependant résumer les choses de la manière suivante.

Les commentaires du BOFIP avaient prévu un système qui permettait d’éviter tout coût de TVA en raison du démembrement de propriété lorsque l’immeuble est utilisé par un usufruitier récupérateur de TVA.

Un arrêt de la CAA de Bordeaux du 10 mars 2016, n° 14BX03561, SCI Marguerite a jugé que ce système n’était pas applicable en cas de démembrement ab initio, d’où l’apparition, au final, d’un coût de TVA.

La réponse ministérielle Pauget du 2 avril 2019 vient « corriger le tir ». Cela étant, cette réponse ne concerne que la « première partie du film », c’est-à-dire le transfert de la TVA à l’usufruitier par le nu-propriétaire, et non pas la fin, à savoir l’extinction de l’usufruit.

Comme tout ceci n’a rien d’évident, la nouvelle question écrite vient proposer un scénario pour ne pas laisser l’oeuvre inachevée et éviter, à nouveau, tout coût de TVA à l’extinction de l’usufruit.

Consulter la QE 39881.

20
Mai

CJUE – conclusions de l’avocat général en défaveur de la TVA sur marge

 

L’avocat général a présenté ce matin ses conclusions dans l’affaire Icade Promotion Logement (aff. 299/20).

L’avocat général propose à la CJUE de répondre de manière suivante aux questions posées par le Conseil d’Etat (voir notre article en date du 29 juin 2020) :

– la TVA sur marge est applicable à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA au motif que cette opération ne relevait pas du champ d’application de celle‑ci, alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial (non assujetti, par un particulier par exemple).

– la TVA sur marge ne s’applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale en tant que terrains non bâtis était « exonérée du champ d’application de cette directive » (on comprend exonérée de TVA).

– la TVA sur marge ne peut pas s’appliquer à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont été acquis « non bâtis » par l’assujetti-revendeur (on comprend terrain qui n’est pas qualifié de terrain à bâtir).

– la TVA sur marge ne s’applique pas à la revente d’un terrain, qui a fait l’objet, entre le moment de son acquisition et celui de sa revente, de modifications de ses caractéristiques telles que la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eau potable, électricité, gaz, assainissement, télécommunications).

– toutefois, la TVA sur marge s’applique dans le cas de figure où, entre le moment de l’acquisition initiale d’un terrain à bâtir et celui de sa revente, les transformations subies par ce terrain sont limitées à la division de celui‑ci en lots.

Prochaine étape : arrêt de la Cour. A noter que la Cour peut retenir une autre analyse.

Selon l’analyse qui pourrait être retenue par la Cour, la TVA sur marge pourrait, dans certains cas, laisser place à une TVA sur prix et les droits de mutation de 5,80% seraient alors réduits à 0,715%.

On relèvera que les questions préjudicielles posées par la CAA de Lyon font l’objet d’une procédure distincte.

Pour ceux qui veulent creuser le sujet au niveau communautaire, nous renvoyons aux travaux de la directive que nous avions publiés dans un article en date du 25 novembre 2019.

Consulter les conclusions

 Nota du 22 septembre 2021 : l’arrêt est prévu pour le 30 septembre.