
TVA – Parahôtellerie (« 3 services sur 4 ») – conclusions du rapporteur public – « same player shoot again » ? Un nouveau régime en vue ?
En principe, la location de logements est exonérée de la TVA, y compris lorsque le logement est meublé.
En revanche, l’article 261 D, 4°-b du CGI prévoit une exception à cette exonération (i.e. la taxation à la TVA). Pour faire très simple, il s’agit de la location d’un logement meublé avec la fourniture de services parahôteliers.
Ce régime peut s’expliquer de deux manières.
D’un point de vue français, avant le 1er janvier 1991, la location meublée était soumise à la TVA (i.e. sans services parahôteliers) mais ne permettait pas au bailleur d’exercer un droit au remboursement de la TVA (la TVA déductible pouvait uniquement être imputée sur de la TVA collectée au titre des loyers). Lorsque la location de logement meublé est devenue exonérée de la TVA, le législateur a mis en place une exception à l’exonération pour la parahôtellerie.
D’un point de vue droit de l’Union, la directive TVA prévoit l’exonération de la location d’immeuble mais oblige les Etats membres à taxer « les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire » (article 135, 2-a) de la directive TVA).
Le régime français a généré un abondant contentieux pour deux raisons. La première tient au fait que des bailleurs ont souhaité être soumis à la TVA alors qu’ils ne remplissaient pas les conditions posées par le CGI. La seconde, que les conditions requises par le CGI ne permettaient pas d’atteindre l’objectif posé par la directive, à savoir taxer les locations en concurrence avec l’hôtellerie. Autrement dit, les conditions posées pour être taxées étaient telles qu’elles permettaient à des bailleurs en concurrence avec l’hôtellerie d’être exonérés de la TVA.
Après que le Conseil d’Etat ait une première fois déclaré le texte français incompatible avec la directive TVA, les critères de taxation ont été modifiés par la loi de finances rectificative pour 2002 pour donner la version que nous connaissons aujourd’hui et que nous résumons comme « logement meublé avec trois services parahôteliers sur quatre ».
En raison de l’arrivée des plateformes de location que nous connaissons tous, chacun peut arriver à la conclusion que certaines locations peuvent être exonérées de la TVA, à défaut de remplir ces critères actuellement exigés par le CGI, alors même que la concurrence avec le secteur hôtelier ne fait aucun doute.
C’est dans ce contexte que la CAA de Douai a posé une question au Conseil d’Etat sur la compatibilité du texte français avec la directive TVA (CAA Douai, 4ème chambre, 2 mars 2023, n°22DA01547).
Avec notre confrère Paul Duvaux, nous sommes allés écouter les conclusions du rapporteur public cet après-midi.
Il ne s’agit pas donc encore de l’arrêt du Conseil d’Etat (qui pourrait retenir une autre analyse).
A l’écoute de ces conclusions, pas de réelles surprises.
Après avoir rappelé la dimension politique du sujet (incidences sur l’hôtellerie et sur l’accès au logement) ains que l’effet d’aubaine de ce régime (« subvention indirecte par l’Etat »), le rapporteur public a rappelé les obligations qui pesaient sur la France en raison de la directive TVA et notamment l’obligation d’interpréter largement l’exception à l’exonération.
Il a logiquement conclu à l’incompatibilité du régime actuel dans le prolongement des arrêts déjà rendus par le Conseil d’Etat : Conseil d’Etat, 9 / 10 SSR, du 11 juillet 2001, 217675, publié au recueil Lebon et Conseil d’Etat, 8ème et 3ème sous-sections réunies, du 27 février 2006, 258807, mentionné aux tables du recueil Lebon).
C’est ce dernier arrêt rendu dans le cadre du régime antérieur à celui instauré par la loi de finances pour 2002, qui doit retenir notre attention puisque c’est probablement ce que pourrait à nouveau juger le Conseil d’Etat : « […] ces dispositions sont incompatibles avec les objectifs de l’article 13 précité de la sixième directive [la directive TVA], en tant qu’elles subordonnent l’exonération des prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni à ces conditions cumulatives ; qu’en revanche, ces dispositions demeurent compatibles avec les objectifs dudit article en tant qu’elles excluent de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières ». Cette solution permet en effet de sauver le noyau dur de la taxation à la TVA sur la base du droit français, sans faire appel à l’effet direct des dispositions de la directive TVA.
Ce régime prétorien reposerait donc sur une analyse, au cas par cas, en utilisant des indices pour vérifier la concurrence avec l’hôtellerie. Parmi ces indices, il y aurait les services para-hôteliers que nous connaissons (le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle), mais également, selon le rapporteur public, la durée de la location et ses modalités.
A notre avis, il est évident que le besoin de sécurité juridique et les nécessités de la gestion de la taxe, conduiront le législateur à prochainement prévoir une nouvelle rédaction de l’article 261 D, 4°-b du CGI.
A cette occasion, le législateur pourrait, par exemple, exiger des services parahôteliers différents selon la durée du séjour afin de pouvoir dorénavant taxer les locations d’une seule nuit avec la seule fourniture de linge et continuer de taxer l’hôtellerie « longue durée » dans les conditions que nous connaissons aujourd’hui (résidences étudiantes, résidences services sénior, EHPAD, etc.).
A suivre !
Nota du 24 juin 2023 :
Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin, vous pouvez consulter :
– la proposition de directive VIDA s’agissant de la taxation à la TVA des services de transport et d’hébergement rendus par des fournisseurs non assujettis sur des plateformes (page en anglais mais qui renvoie vers les textes qui peuvent être consultés en français) ;
– la note du Conseil des prélèvements obligatoires dans sa séance du 25 mai 2023 relative à cette proposition de directive ;
– le régime applicable en Belgique.

TVA – assujetti unique – financement de la TVA – difficulté non résolue – MAJ
Nous rencontrons un problème lorsque le membre d’un assujetti unique souhaite financer la TVA d’acquisition d’un immeuble.
Cette difficulté provient du fait que l’emprunteur ne peut pas mettre en place une cession Dailly qui est la garantie normalement exigée par l’établissement prêteur.
La cession Dailly doit, en effet, être réalisée par le bénéficiaire du crédit alors que la créance de crédit de TVA est détenue par l’assujetti unique.
Nous avons réfléchi à une solution avec le cabinet Moncey Avocats : l’assujetti unique « co-emprunteur ».
L’assujetti unique demanderait le financement de la TVA alors que le membre demanderait le financement du HT. L’assujetti unique pourrait alors céder sa créance de crédit de TVA via le bordereau Dailly.
La nature juridique de l’assujetti unique pose cependant une difficulté pour qu’il soit emprunteur. A notre sens, l’assujetti unique n’existe pas juridiquement. Seul son représentant a la personnalité morale. Or, le représentant n’est pas le titulaire de la créance de crédit de TVA, même si, en pratique, la TVA sera remboursée sur le compte en banque du représentant, à défaut pour l’assujetti unique d’en posséder un.
Ceci nous contraint donc à avoir un acheteur de l’immeuble en dehors de l’assujetti unique, ce qui n’est pas satisfaisant.
Une piste intéressante serait que le membre acheteur de l’immeuble puisse ponctuellement déposer une CA3 et une demande de remboursement de crédit de TVA.
Une demande a été faite en ce sens à l’administration fiscale.
Nota du 22 juin 2023 : réponse négative de l’administration fiscale.
Nota du 17 avril 2024 : réponse officielle dans la FAQ mise à jour le 13 février 2024 : « 35. Le membre d’un AU peut-il ponctuellement déposer une déclaration de TVA créditrice au titre d’une période postérieure à son entrée dans l’AU et demander, en son nom, le remboursement du crédit de TVA dégagé sur cette déclaration ? Le crédit de TVA constaté au niveau du membre n’a pas d’existence propre, dès lors qu’il a vocation à être consolidé dans la déclaration de l’AU. De plus, l’ensemble des obligations déclaratives ainsi que toute formalité en matière de TVA incombent à l’AU à compter de sa constitution. Dans ces conditions, le crédit de TVA dégagé par le membre d’un AU au titre d’une période postérieure à l’exercice de l’option ne peut être constaté que sur une déclaration déposée par cet AU. Le membre d’un AU n’est donc pas autorisé à déposer une déclaration de TVA ou une demande de remboursement de crédit de TVA propre.«

TVA – LLI – Clarification du dispositif en cas de démembrement de propriété
Des précisions importantes viennent d’être apportées par une réponse ministérielle Louwagie (Rep. Louwagie JO AN 11 avril 2023, N° 378).
Cette réponse sécurise, en effet, le taux de 10% sur la constitution de la nue-propriété.
En contrepartie, cette réponse précise que ce bénéfice a pour corrolaire le suivi du mécanisme de l’éventuel complément d’impôt prévu à l’article 284, II bis du CGI.
Ce « contrat » (taux réduit contre mécanisme de suivi) s’écrit dans le cadre d’une tolérance doctrinale et non pas en application des textes du CGI, à défaut pour l’article 284 du CGI d’avoir été adapté à la situation du démembrement.
Cette réponse ministérielle est donc particulièrement importante.
Selon nos informations, cette réponse ajoute également, dans une formulation qu’on aurait préférée plus explicite, que l’extinction de l’usufruit au-delà d’une d’une durée de 15 ans suivant le fait générateur de la construction permet d’éviter tout complément d’impôt pour les parties.
Le nu-propriétaire, redevenu plein propriétaire, pourra donc vendre, occuper ou encore donner en location à l’extinction de l’usufruit qui, rappelons-le, est d’une durée obligatoire de 15 ans.
Dernier point intéressant. la réponse prend soin de préciser que, pendant la durée de l’usufruit, les cessions par le nu-propriétaire sont sans incidence dès lors que l’usufruitier poursuit l’activité locative dans les conditions prévues par l’article 279-0 bis A du CGI.

Dispense de TVA – 257 bis – Crédit-bail – Exploitant hôtelier (question)
Une nouvelle question écrite a été déposée afin d’y voir plus clair en matière de 257 bis lorsqu’un exploitant hôtelier est partie à l’opération.
Une première tentative avait été initiée en 2021 via le dépôt d’une première question écrite mais cette tentative s’était soldée par un échec (i.e. remise en cause du 257 bis sur la levée d’option par un exploitant hôtelier).
Nous renvoyons à cet égard aux deux articles qui avaient traité de la première question écrite et de la réponse ministérielle qui avait été faite.
La nouvelle question écrite revient donc sur des difficultés pratiques récurrentes, à savoir l’application de l’article 257 bis lorsque le cédant des murs est un exploitant hôtelier et que l’acquéreur est un crédit-bailleur, l’incidence d’une exploitation partielle non hôtelière et enfin la compréhension du rescrit publié traitant d’une levée d’option suivie d’un lease-back (rescrit publié RES N°2018/02 (TCA) du 3 janvier 2018).
A suivre…
Consulter la question écrite Louwagie n° 5782
Nota du 4 juillet 2023 : consulter la Rép. Louwagie JO AN du 4 juillet 2023, n° 5782