TVA et franchises de loyers – suite
Il s’agit d’un redressement de place que nous avons déjà évoqué.
Pour mémoire, les services vérificateurs considèrent que la franchise de loyers est la rémunération en nature d’un service qui serait rendu par le locataire au bailleur. Certains dossiers ont montré que les services vérificateurs ont majoritairement retenu les baux dont la rédaction faisait expressément apparaître que la franchise était accordée en contrepartie d’engagements pris par le locataire. Une telle approche ne semble toutefois pas être systématique.
Nous avons déjà relevé les nombreux arguments qui vont à l’encontre de ces redressements (article TAXIMMO du 24 octobre 2012 et article paru au JCP Notarial N° 45 du 9 novembre 2012)
D’après la position de l’administration fiscale :
- Le bailleur devrait collecter de la TVA dans les mêmes conditions que si le locataire lui avait versé un loyer. Cet aspect ne concerne donc que les loyers soumis à la TVA, sur option ou de plein droit.
- Le locataire devrait également collecter de la TVA s’agissant du service qu’il est censé avoir rendu au bailleur. Cette taxation est, quant à elle, systématique. Elle serait ainsi due même si le bail est exonéré de la TVA.
Jusqu’à présent, nous n’avions connaissance que de redressements concernant des bailleurs. Toutefois, selon nos informations et suivant la logique rappelée ci-dessus, l’administration fiscale effectuerait maintenant des redressements chez les locataires.
Lorsque le locataire et le bailleur récupèrent intégralement la TVA, l’émission de factures croisées faisant ressortir la TVA permet de limiter le redressement au montant des intérêts de retard, parfois significatif. En revanche, lorsque l’une des parties ne récupère pas la TVA, le coût fiscal d’un tel redressement devient alors prohibitif.
Dans les deux cas, les parties ne doivent pas non plus oublier le fait que l’acceptation de ces redressements pourrait avoir des conséquences négatives au niveau de la CVAE (augmentation mécanique des bases).
Enfin, au-delà de la question épineuse de l’utilité économique de ces redressements lorsque les deux parties récupèrent la TVA, nous espérons simplement que l’administration fiscale française, tout comme l’administration britannique en son temps, reviendra bientôt sur son analyse.
Echange d’un terrain contre des constructions – méthode des « tantièmes » – assiette et exigibilité de la TVA
A la suite d’une question préjudicielle posée par la Bulgarie (C-549/11 ORFEY), la Cour de Justice de l’Union européenne a eu l’occasion d’indiquer le régime de TVA applicable à une opération qui n’est pas sans rappeler la méthode des « tantièmes ».
En effet, les propriétaires d’un terrain avaient constitué un droit de superficie au profit d’une société qui devait y construire un bâtiment.
En paiement de ce droit de superficie, la société devait remettre des locaux situés dans ce bâtiment aux propriétaires d’origine qui, d’un point de vue technique, avaient conservé des droits de superficie au titre de ce terrain.
Dans ce contexte, le juge communautaire a tout d’abord indiqué que la TVA sur les services de construction devait, en principe, être exigible dès le moment auquel le droit de superficie était constitué (i.e. avant même que cette prestation ne soit effectuée), dès lors que, au moment de la constitution de ce droit, tous les éléments pertinents de cette prestation de services sont déjà connus et donc, en particulier, les services en cause sont désignés avec précision, et que la valeur dudit droit est susceptible d’être exprimée en argent.
Ainsi, la TVA due au titre des travaux immobiliers peut devoir être reportée sur la déclaration de TVA déposée au titre du mois au cours duquel le droit de superficie est constitué. Pour comparer, rappelons que cette analyse est soutenue par l’administration fiscale s’agissant des dations d’immeubles à construire (voir à cet égard, BOI-TVA-IMM-10-20-20-20120912 § 30).
S’agissant de l’évaluation de la prestation de travaux, le juge communautaire a rappelé qu’il convenait d’écarter une « valeur normale » au profit d’une analyse plus fine prenant en considération les circonstances de l’espèce.
Bien que cet aspect de l’analyse demeure assez théorique, l’arrêt permet cependant de rappeler les principes suivants :
- La TVA est due sur la contrepartie réellement reçue par l’assujetti et non sur une valeur estimée selon des critères objectifs ;
- Afin de prévenir la fraude ou l’évasion fiscale, l’article 80 de la directive permet toutefois aux Etats membres de prévoir que la TVA est due sur la valeur normale d’une opération ;
- Ce recours à la valeur normale n’est toutefois envisageable que lorsqu’il existe entre les parties des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques tels que définis par l’Etat membre.
A cet égard, on comprend de la décision que les parties à une opération d’échange ne sont pas considérées, en tant que telles, comme entretenant des liens « qualifiant » au sens du mécanisme anti-fraude offert par l’article 80 de la directive TVA.
Par ailleurs, on rappelle que la France n’a pas transposé l’article 80 de la directive (il ne s’agit que d’une option ouverte aux Etats membres). La France dispose en revanche d’un outil spécifique permettant d’assoir la TVA sur la valeur vénale. Cet outil est cependant limité aux ventes d’immeubles (les travaux immobiliers ne sont donc pas concernés) et ne peut être mis en œuvre que lorsque l’administration établit que la différence entre la valeur vénale et le prix stipulé dans l’acte résulte de la fraude ou de l’évasion fiscale.
Marchands de biens – importance de la qualification fiscale des travaux
Un arrêt rendu le 15 janvier 2013 par la CAA de Marseille rappelle l’importance de la qualification fiscale des travaux s’agissant d’une opération de marchand de biens.
Cette qualification permet de déterminer :
– l’engagement qui pourra utilement être pris lors de l’acquisition pour ramener les droits d’enregistrement de 5,09% à 0,715% (revendre dans les 5 ou 2 ans) ou 125 euros (construire dans les 4 ans),
– le taux de TVA sur les travaux de rénovation : 7% versus 19,60%,
– le régime de la revente : exonération de TVA sauf option versus taxation obligatoire sur le prix total au taux normal de 19,60%.
La qualification fiscale des travaux peut s’avérer délicate. L’obtention d’un rescrit permet alors de sécuriser l’analyse sous réserve que la demande contienne l’ensemble des informations nécessaires à l’analyse de l’administration fiscale.
Dans l’affaire soumise à la CAA de Marseille, le juge fiscal a confirmé le rappel de TVA opéré par l’administration fiscale qui après avoir considéré que les travaux conduisaient à un immeuble neuf, avait réclamé la différence entre la TVA sur le prix et la TVA sur marge encore applicable. Le marchand de biens invoquait un rescrit nominatif en sa faveur mais celui-ci s’est révellé inefficace, le juge ayant considéré la demande comme incomplète.
3ème LFR 2012 – réaménagement des taux de TVA – mesures transitoires en faveur des VEFA et des CCMI – enregistrement jusqu’au 28 décembre 2012 à minuit
L’article 68, II-C de la LFR2012 prévoit des mesures transitoires en faveur des VEFA et des contrats de construction de maisons individuelles. Ces mesures permettent de conserver le bénéfice du taux de 19.60% pour les versements effectués après le 1er janvier 2014 lorsque l’achèvement de l’immeuble intervient après cette date
Le bénéfice de ces mesures exigeait que le contrat préliminaire ou le contrat définitif soit enregistré chez un notaire ou auprès d’un service des impôts avant la date de promulgation de la LFR2012. Cette promulgation étant intervenue le 29 décembre 2012, cette mesure favorable ne concerne donc que les contrats enregistrés avant le 28 décembre 2012 à minuit.