Bailleurs étrangers – locaux nus situés en France – preneur identifié à la TVA en France – régime de TVA applicable au loyer
L’article 283, 1 du code général des impôts pose le principe suivant : lorsqu’une prestation de service est effectuée par un assujetti non établi en France, la TVA due au titre de cette prestation est due par le preneur du service s’il dispose d’un numéro de TVA français. Le prestataire émet donc une facture hors taxe et le preneur reporte la TVA due et l’éventuelle TVA déductible sur sa déclaration de chiffre d’affaires. En revanche, lorsque le preneur n’est pas identifié à la TVA française, la TVA due au titre de l’opération demeure due par le prestataire. Celui-ci émet alors une facture mentionnant de la TVA dans les conditions habituelles.
Le mécanisme qui est décrit dans la première hypothèse porte, en pratique, plusieurs noms : « auto-liquidation », « inversion du redevable » ou encore « reverse-charge ».
Pour une parfaite compréhension, rappelons que l’objectif de ce mécanisme, qui a été institué au 1er septembre 2006, est de lutter contre la fraude (i.e. TVA facturée mais non reversée à l’Etat français par le prestataire étranger).
Dans le secteur de l’immobilier, l’application du mécanisme de l’auto-liquidation a soulevé des questions.
En effet, dans la mesure où le texte de l’article 283, 1 ne contient aucune exception au mécanisme de l’auto-liquidation en faveur des locations, certains se sont inquiétés du régime à appliquer lorsqu’une location est soumise à la TVA sur option expresse exercée par un bailleur étranger (i.e. facturation sans TVA dans le cadre de l’«auto-liquidation » versus facturation avec TVA).
Une réponse ministérielle Masson publiée le 17 janvier 2013 rappelle que le mécanisme de l’auto-liquidation est inapplicable lorsque la location est soumise à la TVA sur option (Nota du 01/12/2020 : en application de l’article 260, 2° ou 6°). Pour mémoire, cette solution ressort par ailleurs du § 30 du BOI-TVA-DECLA-10-10-20-20120912.
Le bailleur qui applique cette doctrine administrative pourra donc valablement facturer la TVA sur les loyers (i.e. aucune TVA facturée à tort pour le locataire) et récupérer la TVA grevant ses dépenses et notamment celle grevant l’acquisition de l’immeuble selon les règles prévues en faveur des bailleurs français. Ces règles sont en effet plus simples que celles prévues en faveur des assujettis à la TVA non établis en France (i.e. procédures spéciales dites « 8ème directive » pour les assujettis établis dans l’Union européenne et « 13ème directive » pour les assujettis non établis dans l’Union européenne).
A noter enfin que ces précisions ne concernent ni les ventes d’immeubles ni les locations qui sont soumises à la TVA sur un autre fondement que l’option prévue au 2° ou au 6° de l’article 260 (Nota du 01/12/2020), qui continuent, quant à elles, à relever du droit commun, c’est-à-dire de l’auto-liquidation.
Ainsi, la vente d’un immeuble, si elle ne bénéficie pas de la dispense de TVA, peut donc bénéficier du mécanisme d’auto-liquation dans les conditions de droit commun même si la TVA est due sur option exercée par le vendeur (i.e. vente du bien au locataire identifié à la TVA par un bailleur non établi pour les besoins de la TVA).
S’agissant des locations, nous penserons notamment aux locations consenties aux exploitants hôteliers ou aux EHPAD pour lesquelles le mécanisme de l’auto-liquidation n’est applicable que pour la partie du loyer correspondant aux locaux destinés à l’hébergement. En revanche, s’agissant des autres locaux, tels que le restaurant, la TVA sera due sur option. Le mécanisme de l’auto-liquidation, tel qu’il résulte de la doctrine administrative rappelée ci-dessus, ne concernera donc qu’une partie du loyer.
Bail commercial – cession de l’immeuble par le bailleur au profit du preneur – TPF : non prise en compte des travaux d’amélioration effectués par le preneur
Aux termes d’un arrêt du 4 décembre 2012, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que la vente d’un bien immobilier par le bailleur au locataire n’entraîne pas la résiliation anticipée du bail commercial mais son extinction par confusion des droits.
Dès lors, contrairement à ce qui était soutenu par l’administration fiscale, les constructions réalisées par le preneur ne deviennent pas la propriété du bailleur avant la vente de l’immeuble au preneur et la valeur des travaux effectués par le preneur n’entre donc pas dans l’assiette de la taxe de publicité foncière due au titre de cette vente.
Cet arrêt confirme la solution rendue le 12 juin 2012 en matière de bail à construction.
TVA et franchises de loyers
Une franchise de loyers devrait, en principe, être analysée comme une réduction de prix octroyée en fonction de l’importance de la transaction et des conditions de marché.
Des affaires particulières récentes ont montré que les services vérificateurs pouvaient contester cette analyse au motif que la franchise de loyers serait en fait la rémunération en nature d’un service qui serait rendu par le locataire au bailleur.
Si on suit une telle analyse le bailleur devrait collecter de la TVA dans les mêmes conditions que si le locataire lui avait versé un loyer (le loyer principal doit donc être soumis à la TVA de plein droit ou sur option). Le locataire devrait également émettre une facture comportant systématiquement de la TVA s’agissant du service qu’il est censé rendre au bailleur.
Le point de départ de ces dossiers est souvent le contrat de bail. Le service vérificateur tente alors de démontrer que les concessions réciproques qui sont reprises dans le contrat et que se sont consenties les parties dans le cadre de la négociation commerciale sont en fait de véritables échanges de services.
Il en est notamment ainsi lorsqu’une franchise de loyers est accordée à la condition que le locataire prenne l’engagement de louer pendant une durée ferme de 9 ans au lieu de 3 ans. Pour autant, une telle situation n’a rien d’étonnant. En effet, comme dans toute négociation commerciale, le prix est fonction de la quantité, qui, s’agissant d’un contrat tel qu’un bail, peut également s’exprimer dans la durée.
En droit français, cet engagement du locataire prendrait la forme d’une renonciation au droit qu’il détient de la loi, de demander au bailleur une résiliation triennale. Le locataire qui prend un tel engagement ferme de louer pour 9 ans et qui renonce à la possibilité de résilier tous les 3 ans, rend-il une prestation de services au bailleur ? Il est évident que le bailleur trouve un intérêt économique à cet engagement. Est-il pour autant le bénéficiaire d’un service au regard de la TVA ?
Ces différentes situations ont déjà donné lieu à des décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui rappellent, qu’au regard de la TVA, le locataire ne rend pas un service au bailleur en acceptant de devenir son locataire.
Partant, la franchise que consent le bailleur pour inciter le locataire à conclure le bail n’est donc pas, au regard de la TVA, la rémunération d’un service fourni par le locataire. Dès lors, pour quelles raisons le locataire qui prendrait un engagement de durée ferme, rendrait-il un service au bailleur ? Autrement, la majorité des franchises, et plus généralement, la majorité des réductions de prix dépendant d’un volume d’achat, devrait être taxée à la TVA, ce qui a déjà été réfuté par le Conseil d’Etat et ensuite par l’administration fiscale (CE 30 décembre 2002 n° 205131, 8e et 3e s.-s., min. c/ SA Rennesson : RJF 3/03 n° 284 et instruction du 20 juillet 2006, 3 B-4-06).
Dès lors, le fait de prendre en location pendant une durée plus longue ne constitue pas une prestation de services qui serait rendue par le locataire au bailleur. La franchise consentie par le bailleur en contrepartie de cet engagement ferme n’est donc pas la rémunération d’un service qui lui serait rendu. La DLF a d’ailleurs déjà eu l’occasion de le rappeler, dans des affaires particulières impliquant des actifs de premier plan, après avoir vérifié au vu des conditions de marché que le montant du loyer ainsi réduit par la franchise ne traduisait pas une intention libérale.
Au final, la question se pose de savoir s’il existe une hypothèse dans laquelle la franchise consentie par le bailleur pourrait être analysée comme un flux croisé de prestations. En fait, il existe effectivement des situations spécifiques dans lesquelles on peut constater un échange de services au sens de la TVA. Ainsi, le cas de certains locataires locomotives ou prestigieux de centres commerciaux peut parfois donner lieu à de tels échanges.
En pratique, même s’il apparaît qu’une franchise de loyer ne devrait donner lieu à collecte de TVA que dans des circonstances exceptionnelles, la revue TVA des projets de contrats apparaît indispensable pour préserver la sécurité juridique des parties. Une telle analyse prendra également en considération les conditions de marché au moment de la conclusion du bail.
Nota : lorsque l’immeuble est vendu alors que la franchise de loyers est encore d’une durée significative, il conviendra également de revoir les conséquences comptables et fiscales de l’accord des parties quant à celle qui en supportera la charge définitive.
BOFIP : qualification fiscale des travaux
Nous venons de vérifier le contenu de la base BOFIP s’agissant de la qualification fiscale des travaux.
La qualification fiscale des travaux est un élément clef des dossiers de rénovation ou de transformation d’immeubles. En effet, selon que les travaux conduisent ou non à un immeuble neuf, les règles applicables sont totalement différentes.
En pratique, cet exercice de qualification doit être mené :
- Lors de l’acquisition d’un immeuble par un assujetti afin de déterminer si un engagement de construire peut ou non être rempli ;
- Lors de la vente par un assujetti d’un immeuble qui vient d’être rénové pour déterminer : du côté vendeur, si la TVA est ou non applicable de plein droit (en dehors des cas de dispense) et, du côté acheteur, si le taux de taxe de publicité foncière est de 0,715% ou de 5,09%.
Cette qualification a également une importance pour déterminer si les travaux de rénovation peuvent ou non bénéficier du taux réduit de la TVA lorsqu’ils portent sur un immeuble d’habitation achevé depuis plus de 2 ans.
A noter enfin, pour être complet, que les critères fiscaux de qualification des travaux sont également utilisés par les juristes afin de distinguer la VEFA de la VIR.
On aura donc compris qu’il s’agit d’une notion centrale et les commentaires de l’administration fiscale sont donc d’une importance particulière.
L’analyse de la base BOFIP met en lumière les éléments suivants :
1. La définition des travaux conduisant à la production d’un immeuble neuf ne change pas fondamentalement. Sont ainsi confirmées les modifications opérées par les instructions 3 A-3-10 et 3 A-9-10. Rappelons que depuis cette évolution majeure, les travaux qui remettent à neuf les postes de second œuvre ne peuvent pas, en tant que tels, conduire à un immeuble neuf dès lors qu’il n’existe pas de plancher non porteur avant et après les travaux. Toutefois, par tolérance, lorsque les travaux en cause ne bénéficient pas du taux réduit de la TVA sur l’habitation, il demeure néanmoins possible de prendre un engagement de construire lors de l’acquisition et, sous certaines conditions, de vendre l’immeuble rénové en bénéficiant du taux réduit de TPF de 0.715% lorsque chacun des cinq autres postes de second œuvre est remis à neuf pour plus de 2/3.
2. La base BOFIP contient de nombreux commentaires inappropriés. L’instruction 3 A-9-10 a procédé à un renvoi « général » à l’instruction 3 C-7-06 commentant le taux réduit de la TVA dans l’habitation. Or, la mise en œuvre de ce renvoi général dans BOFIP a conduit à de nombreux « copier-coller » ou « couper-coller » n’ayant aucun sens et pouvant même porter atteinte à la sécurité juridique. Il apparaît dès lors indispensable que l’administration fiscale procède à une nouvelle rédaction de ces commentaires.
3. Point positif : l’administration confirme les règles applicables lorsque des travaux de rénovation sont conduits par plusieurs propriétaires successifs : l’instruction 3 A-9-10 avait procédé à un renvoi général en citant les paragraphes 156 à 177 de l’instruction 3 C-7-06. Une telle référence n’incluait pas les commentaires concernant l’hypothèse dans laquelle le vendeur puis l’acquéreur procèdent à des travaux sur l’immeuble, qui, pour une raison de présentation apparaissaient au paragraphe 184 de l’instruction 3 C-7-06. La reprise du rescrit 2007/36 corrige cet oubli.
Vous trouverez ci-dessous le fichier de travail indiquant les modifications et les erreurs relevées.