Achat d’un immeuble de bureaux par un marchand de biens ou par un promoteur – gestion TVA des « vingtièmes »
La vente d’un immeuble de bureaux à un marchand de biens ou à un promoteur ne va pas sans soulever des difficultés en matière de TVA.
En effet, une telle vente ne relève pas de la dispense de TVA prévue par l’article 257 bis du CGI et est soumise aux règles de droit commun, à savoir :
– TVA de plein droit lorsque l’immeuble est achevé depuis moins de cinq ans,
– Exonération de TVA déclenchant le reversement d’une partie de la taxe antérieurement déduite, sauf option pour la taxation, s’agissant des immeubles achevés depuis plus de cinq ans.
Ce reversement s’explique par le fait que les règles de TVA permettent la déduction immédiate et intégrale de la TVA grevant les immobilisations. En revanche, si le bien vient à être cédé pendant la « période d’amortissement » de la TVA ou de « régularisation », la TVA non encore « amortie » doit être reversée. S’agissant d’un immeuble, la période de régularisation est de 20 ans, le vendeur de l’immeuble doit donc reverser les « vingtièmes » qui restent à courir.
Rappelons enfin que le droit français permet au vendeur de transférer la TVA reversée (les « vingtièmes ») à l’acquéreur via la remise d’une attestation.
La difficulté vient du fait que la TVA figurant sur l’attestation ne peut être déduite par l’acquéreur que si celui-ci immobilise le bien acquis. Or, tel n’est pas le cas du marchand de biens ou du promoteur.
En principe, la TVA figurant sur l’attestation qui serait remise, ne peut pas être déduite par cet acquéreur.
Toutefois, deux outils sont à la disposition des parties pour gérer au mieux cette situation.
Premier outil : l’option du vendeur pour la taxation
La TVA due sur option, contrairement à la TVA figurant sur l’attestation, peut-être récupérée, dans les conditions de droit commun, par un acquéreur qui inscrit le bien en stock.
Cet outil présente toutefois deux inconvénients. La TVA due sur option peut-être d’un montant largement supérieur au montant du reversement de TVA. Surtout, cette TVA ne pourra être récupérée lorsque l’acquéreur n’est pas en mesure de répercuter cette TVA lors de la revente. Il s’agit notamment de l’hypothèse d’un marchand de biens qui transforme des locaux de bureau en habitation lorsque les travaux ne conduisent à un immeuble neuf, ce qui n’est pas un cas d’école. Le cas contraire (e.g. immeuble neuf) ne pose, quant à lui, aucune difficulté.
Second outil : l’assimilation par le marchand de biens ou le promoteur
Il s’agit d’un régime particulièrement complexe qui est prévu par l’article 207, IV-3 de l’annexe II au CGI.
Pour faire simple, s’agissant d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans, le bien en stock est assimilé à une immobilisation pour les seuls besoins des régularisations de TVA lorsque ce bien est donné en location pendant plus d’une année. Ensuite, lorsque la location est soumise à TVA, la taxe figurant sur l’attestation est récupérable dès que l’assimilation se produit.
Dans cette hypothèse, l’administration fiscale considère que l’option pour la TVA exercée lors de la revente déclenche une TVA sur le prix total et non une TVA sur marge, même si le montant figurant sur l’attestation remise par le vendeur est non significatif.
Lorsque la revente intervient avant que l’assimilation ne se produise, la TVA figurant sur l’attestation ne peut donc pas être récupérée. Le fait que le marchand de biens opte pour le paiement de la TVA au titre de la revente ne modifie pas l’analyse. Cette TVA est perdue.
Conclusion : les reversements de TVA doivent être analysés, tant sur le calcul que sur le principe, avant le dépôt de la lettre d’offre pour l’acquisition initiale.
Marchands de biens – importance de la qualification fiscale des travaux
Un arrêt rendu le 15 janvier 2013 par la CAA de Marseille rappelle l’importance de la qualification fiscale des travaux s’agissant d’une opération de marchand de biens.
Cette qualification permet de déterminer :
– l’engagement qui pourra utilement être pris lors de l’acquisition pour ramener les droits d’enregistrement de 5,09% à 0,715% (revendre dans les 5 ou 2 ans) ou 125 euros (construire dans les 4 ans),
– le taux de TVA sur les travaux de rénovation : 7% versus 19,60%,
– le régime de la revente : exonération de TVA sauf option versus taxation obligatoire sur le prix total au taux normal de 19,60%.
La qualification fiscale des travaux peut s’avérer délicate. L’obtention d’un rescrit permet alors de sécuriser l’analyse sous réserve que la demande contienne l’ensemble des informations nécessaires à l’analyse de l’administration fiscale.
Dans l’affaire soumise à la CAA de Marseille, le juge fiscal a confirmé le rappel de TVA opéré par l’administration fiscale qui après avoir considéré que les travaux conduisaient à un immeuble neuf, avait réclamé la différence entre la TVA sur le prix et la TVA sur marge encore applicable. Le marchand de biens invoquait un rescrit nominatif en sa faveur mais celui-ci s’est révellé inefficace, le juge ayant considéré la demande comme incomplète.
Marchands de biens – régime applicable à compter du 11 mars 2010 – TVA récupérable et taxe sur les salaires – points d’attention après trois années de mise en œuvre
La réforme de la TVA immobilière qui est entrée en vigueur le 11 mars 2010, a eu des conséquences importantes pour les marchands de biens.
Le nouveau régime de la TVA immobilière a en effet marqué la fin de la TVA sur marge systématique pour les reventes d’immeubles achevés depuis plus de 5 ans.
En pratique, en simplifiant, les opérations des marchands de biens obéissent au régime de TVA suivant :
- Immeuble affecté à l’habitation : la vente d’un immeuble qui est achevé depuis moins de 5 ans est soumise à la TVA de plein droit. En revanche, la vente d’un immeuble qui est achevé depuis plus de 5 ans est exonérée de la TVA. En effet, sauf cas particulier, les marchands de biens n’exercent pas l’option ouverte par le nouveau régime pour soumettre de manière volontaire la vente à la TVA.
- Immeuble affecté à une activité professionnelle : la vente d’un immeuble qui est achevé depuis moins de 5 ans est soumise à la TVA de plein droit. La vente d’un immeuble achevé depuis plus de 5 ans connaît en revanche plusieurs régimes possibles : exonération de TVA avec ou sans transfert de droits à déduction des « vingtièmes » de TVA (conséquence du régime TVA de l’assimilation des biens en stock à des immobilisations) ou taxation volontaire à la TVA sur option expresse.
S’agissant plus particulièrement des immeubles qui sont achevés depuis plus de 5 ans, on peut donc garder en tête l’image d’Epinal suivante :
- Immeuble affecté à l’habitation : la vente est généralement exonérée de la TVA ;
- Immeuble affecté à une activité professionnelle : la vente peut être exonérée de la TVA ou bien soumise à la taxe. A cet égard, le régime qui est appliqué dépend du résultat des négociations des parties. On assiste souvent sur le terrain à un discussion entre un vendeur souhaitant opter et un acquéreur préférant une vente exonérée.
Il existe un principe fondamental en TVA : on ne peut récupérer la TVA grevant ses dépenses que si l’on soumet ses ventes à la taxe.
Ainsi, lorsqu’un marchand de biens ne réalise que des opérations exonérées de la TVA, la TVA grevant ses dépenses ne peut pas être récupérée. Par ailleurs, lorsqu’un marchand de biens soumet toutes ses opérations à la TVA, la TVA grevant ses dépenses peut être intégralement récupérée sous réserve des exclusions de droit commun (hôtel, certains véhicules, certains cadeaux, etc.).
En revanche, lorsqu’au titre d’une année civile donnée, un marchand de biens réalise des ventes qui ne sont pas toutes soumises à la TVA, la TVA grevant ses dépenses n’est pas entièrement récupérable. Le montant de la TVA qui ne peut pas être récupéré peut être calculé selon différentes méthodes. Plusieurs options sont en effet ouvertes par les règles du code générales des impôts. Certaines questions pratiques soulèvent également des difficultés techniques non résolues à ce jour (e.g aucune vente au titre d’une année civile donnée, dépenses mixtes engagées en N relatives à des ventes réalisées en N+1).
Enfin, un autre aspect doit également être gardé à l’esprit même s’il n’est pas systématique. Lorsqu’un opérateur ne soumet pas intégralement ses opérations à la TVA, cet opérateur est redevable de la taxe sur les salaires. Cette taxe consiste à appliquer un barême progressif au montant brut des rémunérations versées aux salariés et à certains mandataires sociaux tout en prenant en considération la proportion d’assujettissement à la TVA. Signalons à cet égard que l’article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale vient d’ajouter pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013, un taux majoré de 20% pour la part des rémunérations supérieures à 150 000 EUR et a inclut dans le champ de la taxe les nouveaux éléments suivants : l’intéressement, la participation et la contribution des employeurs aux prestations complémentaires de retraite et de prévoyance (sauf ARGIRC et ARCO) mais également les stock-options et les attributions gratuites d’actions en application de l’article 11 de la loi de finances pour 2013.
BOFIP – dispense de TVA (art. 257 bis du CGI) et biens en stock – FIN
L’administration vient de réparer les erreurs que nous avions relevées dans nos précédents billets des 14 et 20 septembre 2012 concernant la dispense de TVA en matière immobilière.
La version initiale du rescrit 2006/58 a donc été rétablie sous réserve d’un changement de terminologie (le marchand de biens est devenu un assujetti ayant une activité d’achat-revente d’immeubles).
Nous nous félicitons de cette mise à jour importante qui vient clore le débat.