Livraison à soi-même – suppression partielle – article 32 (article 17 du projet de loi) de la loi de simplification de la vie des entreprises – publication de la loi
Depuis le 22 décembre 2014, date d’entrée en vigueur de la loi de simplification de la vie des entreprises, certaines livraisons à soi-même ne sont plus taxables à la TVA. En effet, en raison d’une incompatibilité avec le droit communautaire, l’article 32 de la loi susvisée a supprimé certains cas de taxation de livraison à soi-même.
On rappelle que la livraison à soi-même est un mécanisme correcteur qui repose sur une fiction de vente à soi-même. Plusieurs cas de taxation sont prévus par le code général des impôts.
En matière immobilière, les cas les plus fréquents sont les constructions d’immeubles neufs et les travaux commandés par les assujettis qui affectent ces biens à leur entreprise (usage propre ou exploitation locative). Il existe également des cas spécifiques de taxation dans le cadre de la politique sociale du logement.
L’article 32 de la loi de simplification de la vie des entreprises supprime la taxation des livraisons à soi-même résultant de la construction d’un immeuble neuf ou de la réalisation de travaux lorsque la TVA relative à ce bien est récupérable à 100% par l’assujetti qui fait construire l’immeuble ou par celui qui fait réaliser les travaux.
Tableaux synthétiques (hors politique sociale du logement)
Nota du 4 mars 2021 : les commentaires administratifs n’ont pas confirmé l’absence de taxatation de la LASM mais la taxation (voir notre article du 31 mars 2016).
Dans la mesure où nous comprenons que certains cas de livraison à soi-même n’étaient pas conformes avec le droit communautaire, les futurs commentaires administratifs pourraient utilement indiquer les règles à suivre, s’agissant des régularisations, en cas d’oubli / erreur de taxation d’une livraison à soi-même qui apparaît, à présent, non conforme. L’administration fiscale pourrait ainsi préciser s’il faut ou non reconstituer, a posteriori, un montant de TVA initiale comme si la livraison à soi-même avait été correctement taxée ?
Cette réforme est d’une grande importance pratique dans la mesure où les documentations remises par les entreprises à l’occasion des ventes d’immeubles reposent notamment sur la taxation des livraisons à soi-même.
Au-delà de la mise en conformité avec le droit communautaire, on pourrait se demander si une telle réforme constitue une véritable simplification pour les entreprises. Certes, des cas de taxation de livraisons à soi-même sont supprimés. La contrepartie de cette suppression est toutefois une organisation comptable permettant de suivre, dépense par dépense, la TVA relative à un immeuble immobilisé. La lecture directe du bilan ne permet pas, en effet, d’effectuer ce suivi en raison de la comptabilisation par composants. Cette organisation doit également être mise en place en sachant que le délai de régularisation est de vingt années en matière immobilière et que cette documentation peut être auditée et transmise, à l’occasion d’une vente, par les conseils de l’acheteur lorsque la vente relève des dispositions de l’article 257 bis du CGI ou déclenche un reversement de « vingtièmes » de TVA.
Les entreprises qui demeurent concernées par les livraisons à soi-même ont également intérêt à conserver les documents relatifs à la taxation de la livraison à soi-même (déclaration fiscales et documents de calcul) pendant une période tout aussi longue.
On ne peut donc pas véritablement parler de simplification. A partir du 22 décembre 2014, deux systèmes vont coexister avec des contraintes propres pour suivre des montants de TVA pendant vingt ans.
Nota du 4 mars 2021 : pour compléter cet article, il est nécessaire de se reporter à notre article concernant les commentaires administratifs qui ont été publiés postérieurement (voir notre article du 31 mars 2016).
Livraison à soi-même – Suppression partielle – Article 17 du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises – adoption par le Sénat
Livraison à soi-même – Suppression partielle – Article 17 du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises
L’article 17 du projet de loi vise à supprimer l’obligation de déclarer la livraison à soi-même d’immeubles neufs ou de travaux lorsque la TVA relative à ce bien ou à ce service est récupérable à 100% par celui qui fait construire l’immeuble ou qui fait réaliser les travaux.
Une livraison à soi-même d’immeubles neufs continuera à devoir être déclarée dans le cadre de la politique sociale du logement ou, plus généralement, lorsque le constructeur n’est pas en mesure de récupérer 100 % de la TVA relative à cet immeuble.
Ainsi, à titre d’exemple, ne seront plus soumis à la déclaration de la livraison à soi-même d’immeubles neufs, les promoteurs ou les bailleurs d’immeubles intégralement soumis à la TVA.
En revanche, les bailleurs qui ne sont pas intégralement soumis à la TVA (sauf à bénéficier de la tolérance doctrinale aujourd’hui prévue au BOFIP), les cliniques, les exploitants d’EHPAD, les écoles, notamment, demeureront soumis à cette obligation, y compris lorsque l’immeuble est vendu dans les deux ans qui suivent son achèvement (ce qui constitue un cas nouveau de taxation de livraison à soi-même par rapport au régime actuel)
En ce qui concerne la livraison à soi-même de travaux, il en est de même sous réserve des commentaires doctrinaux qui permettent aux non-récupérateurs ainsi qu’aux marchands de biens de ne pas déclarer ces opérations.
S’agissant des modalités de taxation des livraisons à soi-même d’immeubles neufs, on notera que l’article 17 du projet de loi maintient un fait générateur au dépôt de la DAACT et une date limite de liquidation au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’achèvement de l’immeuble. Les difficultés soulevées par les règles actuelles laissaient pourtant à penser une évolution sur ces deux points (i.e. retour au critère de l’habitabilité s’agissant du fait générateur de la livraison à soi-même et diminution du délai limite de liquidation).
En ce qui concerne l’entrée en vigueur, le projet prévoit que le nouveau régime serait applicable aux livraisons à soi-même dont le fait générateur interviendrait à compter de après la publication de la loi (amendement CS 72 adopté par la commission spéciale).
En supprimant l’obligation de déclarer une livraison à soi-même chez les 100 % récupérateurs de TVA, le législateur cherche à simplifier les obligations des assujettis. Nous reviendrons prochainement sur les documents que les entreprises devront à présent établir en interne afin d’être en mesure de calculer d’éventuelles régularisations de TVA ou d’établir la documentation à remettre à l’acheteur lors d’une vente relevant de la dispense prévue par l’article 257 bis pour vérifier si, en pratique, cette réforme constitue une véritable simplification.
Autres points de détails : nous surveillerons (i) le lien entre la déclaration n° 940 et l’engagement de construire chez les 100% récupérateurs et (ii) le timing de l’option à la TVA des baux de locaux nus à usage professionnel en cours de construction.
Pour conclure, à ce stade de l’analyse, il convient de rappeler que la taxation d’une livraison à soi-même chez un 100 % récupérateur soulevait une question de compatibilité avec le droit communautaire.
Assemblée nationale – adoption en première lecture – p. 15
Article 257I. – Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent.[…]3. Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée :1° Les livraisons à soi-même de travaux immobiliers mentionnés au IV de l’article 278 sexies et à l’article 278 sexies A réalisées par des personnes assujetties au sens de l’article 256 A ;2° Les livraisons à soi-même d’immeubles mentionnés au II de l’article 278 sexies réalisées hors d’une activité économique au sens de l’article 256 A par toute personne dès lors assujettie à ce titre.II. – Les opérations suivantes sont assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux.
1. Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux :
1° Le prélèvement par un assujetti d’un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l’entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons. Le montant à retenir pour l’imposition des prélèvements correspondant aux cadeaux de faible valeur est fixé par arrêté. Cette limite s’applique par objet et par an pour un même bénéficiaire ;
2° L’affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté, importé ou ayant fait l’objet d’une acquisition intracommunautaire dans le cadre de son entreprise lorsque l’acquisition d’un tel bien auprès d’un autre assujetti, réputée faite au moment de l’affectation, ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète ;
[…]
Article 266
6. En ce qui concerne les livraisons à soi-même de travaux immobiliers mentionnées au 1° du 3 du I de l’article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise sur le prix de revient total des travaux.
Article 269
1 Le fait générateur de la taxe se produit :
[…]
b. Pour les livraisons à soi-même d’immeubles neufs taxées en application du 2° du 1 du II de l’article 257, au moment où le dépôt à la mairie de la déclaration prévue par la réglementation relative au permis de construire est exigé ;
[…]
d) Pour les livraisons à soi-même de travaux immobiliers mentionnées au 1° du 3 du I de l’article 257, au moment de l’achèvement de l’ensemble des travaux.
Toutefois, par dérogation au précédent alinéa, le fait générateur de la taxe intervient au dernier jour de chaque trimestre pour les livraisons à soi-même de travaux d’entretien effectués au cours de ce trimestre.Article 270
[…]
II.-La liquidation de la taxe exigible au titre des livraisons à soi-même d’immeubles neufs
lorsqu’elles sont imposablestaxées en application du 2° du 1 du II de l’article 257 peut être effectuée jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle est intervenu l’achèvement de l’immeuble. Elle est déclarée sur la déclaration mentionnée à l’article 287 dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’Etat.
DMTO – Engagement de construire – Exonération de droits – Teneur de l’engagement
Est-il nécessaire d’être en mesure de prouver l’existence d’un projet de construction abouti pour valablement souscrire un engagement de construire ?
Sous réserve d’un droit fixe de 125 EUR, l’engagement de construire permet à un acquéreur assujetti à la TVA d’exonérer l’acquisition d’un immeuble de droits de mutation. L’exonération n’est cependant définitivement acquise que si le porteur de l’engagement justifie de son exécution à l’échéance, c’est-à-dire dans les 4 ans de l’acquisition sauf obtention d’éventuelles prorogations annuelles. Dans le cas où la justification n’est pas apportée, le porteur de l’engagement doit payer les droits de mutation dont il a été dispensés ainsi que l’intérêt de retard au taux de 0,4% par mois.
Le système est donc prévu pour dissuader les engagements de pure complaisance.
Comment faut-il dès lors traiter les dossiers dans lesquels l’acquéreur n’a soit pas l’intention de construire soit ne peut pas techniquement mener à bien un projet de construction ?
Ces cas ne sont pas rares et méritent que l’on s’y attarde un instant.
Il y a tout d’abord le cas pittoresque de l’engagement de construire pris sur un terrain non à bâtir.
Il y a plus fréquemment l’engagement pris sur un lot de copropriété dont les seuls droits qui y sont attachés ne permettent pas de réaliser le projet de construction objet de l’engagement.
Il y a ensuite l’engagement de construire pris par un non constructeur mais par un aménageur qui va démolir les constructions actuelles et préparer le terrain pour des constructions futures qui seront réalisées par des sous-acquéreurs.
Il y a enfin l’engagement de construire pris par un acquéreur assujetti qui n’a pas un projet arrêté concernant l’immeuble mais qui souhaite conserver la plus grande souplesse fiscale pour mener à bien tout projet de construction ou de revente dans les 4 ans de l’acquisition.
A la lecture de cette énumération, on comprend que ces cas recouvrent des acquéreurs aux intentions différentes :
– l’acquéreur qui fait un pari sur l’avenir. Il en va ainsi de l’acquisition du terrain non à bâtir ou de la première acquisition d’un lot de copropriété dont on souhaite acquérir ultérieurement le reste des lots ;
– l’acquéreur qui entend faire jouer à plein le transfert de l’engagement de construire au futur constructeur assujetti. Il en va notamment de l’aménageur.
– l’acquéreur expérimenté qui fait une application avisée des règles fiscales.
Dans la mesure où le code général des impôts (article 1594-0 G) ne prévoit pas de condition tenant :
– au caractère constructible du terrain. L’administration fiscale confirme à cet égard la possibilité expresse de prendre un engagement de construire sur un terrain non à bâtir sans indiquer qu’il s’agit d’une quelconque tolérance ;
– à l’obtention d’un permis de construire ou au dépôt d’une telle demande ;
– à l’intention de construire. Le texte vise les « acquéreurs » assujettis et non pas les « constructeurs » assujettis ;
Nous considérons que l’engagement de construire ne requiert pas une intention particulière au moment où il est pris.
A notre sens, cette réponse vaut lorsque l’engagement de construire est pris dans l’acte d’acquisition. Elle devrait d’ailleurs être identique lorsque l’engagement est pris dans un acte complémentaire ou à l’occasion d’une substitution à un engagement de revendre.
En effet, dans ces deux derniers cas, le code général des impôts n’ajoute aucune condition particulière tenant à l’obtention d’un permis de construire ou au début des travaux pour justifier de l’engagement pris postérieurement à l’acquisition.
L’engagement de construire ne requiert donc pas d’intention particulière ?
L’engagement de construire n’est pas l’ancien engagement de revendre des marchands de biens. Cet engagement, qui leur était réservé, nécessitait en effet la preuve de l’intention de revendre lors de l’acquisition ainsi que tout au long de la détention de l’immeuble.
L’engagement de construire n’est pas non plus l’engagement des promoteurs ou des constructeurs. Il s’agit simplement de l’engagement des assujettis. La qualité d’assujetti est donc la seule preuve à apporter.
Quant à ceux qui au final ne respectent pas leur engagement de construire, le législateur a prévu des intérêts de retard pour leur faire payer le prix du temps. Le système a donc été verrouillé.
Les acquéreurs expérimentés qui font une application avisée des règles fiscales pourraient-ils être inquiétés sur le terrain de l’abus de droit ?
Tout risque n’est pas exclu. Cependant, de notre point de vue, cet angle d’attaque n’est pas évident dès lors que, dans le pire des cas, le non respect d’un engagement ne permet pas, en principe, d’éluder le montant des droits mais simplement d’en décaler le paiement. Au vu du verrouillage mis en place, il n’est pas non plus évident de démontrer qu’une telle situation serait contraire à l’intention du législateur.
Pour comparer, une affaire d’échelonnement du paiement d’une TVA non déductible a pu être considérée comme non abusive par la Cour de justice de l’Union européenne dès lors que le montants de taxe en cause demeuraient identiques (CJUE 22 décembre 2010, aff. 103/09, Weald Leasing Ltd).
Enfin, des contrôles fiscaux récents ont pu mettre en lumière la validité de tels engagements.
Sur un plan pratique, il faudra néanmoins prendre garde à rédiger un engagement conforme aux prescriptions de l’article 266 bis de l’annexe III au CGI et indiquer l’objet et la consistance des travaux sur lesquels portent l’engagement.