Livraison à soi-même – Suppression partielle – Article 17 du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises – adoption par le Sénat
Livraison à soi-même – Suppression partielle – Article 17 du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises
L’article 17 du projet de loi vise à supprimer l’obligation de déclarer la livraison à soi-même d’immeubles neufs ou de travaux lorsque la TVA relative à ce bien ou à ce service est récupérable à 100% par celui qui fait construire l’immeuble ou qui fait réaliser les travaux.
Une livraison à soi-même d’immeubles neufs continuera à devoir être déclarée dans le cadre de la politique sociale du logement ou, plus généralement, lorsque le constructeur n’est pas en mesure de récupérer 100 % de la TVA relative à cet immeuble.
Ainsi, à titre d’exemple, ne seront plus soumis à la déclaration de la livraison à soi-même d’immeubles neufs, les promoteurs ou les bailleurs d’immeubles intégralement soumis à la TVA.
En revanche, les bailleurs qui ne sont pas intégralement soumis à la TVA (sauf à bénéficier de la tolérance doctrinale aujourd’hui prévue au BOFIP), les cliniques, les exploitants d’EHPAD, les écoles, notamment, demeureront soumis à cette obligation, y compris lorsque l’immeuble est vendu dans les deux ans qui suivent son achèvement (ce qui constitue un cas nouveau de taxation de livraison à soi-même par rapport au régime actuel)
En ce qui concerne la livraison à soi-même de travaux, il en est de même sous réserve des commentaires doctrinaux qui permettent aux non-récupérateurs ainsi qu’aux marchands de biens de ne pas déclarer ces opérations.
S’agissant des modalités de taxation des livraisons à soi-même d’immeubles neufs, on notera que l’article 17 du projet de loi maintient un fait générateur au dépôt de la DAACT et une date limite de liquidation au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’achèvement de l’immeuble. Les difficultés soulevées par les règles actuelles laissaient pourtant à penser une évolution sur ces deux points (i.e. retour au critère de l’habitabilité s’agissant du fait générateur de la livraison à soi-même et diminution du délai limite de liquidation).
En ce qui concerne l’entrée en vigueur, le projet prévoit que le nouveau régime serait applicable aux livraisons à soi-même dont le fait générateur interviendrait à compter de après la publication de la loi (amendement CS 72 adopté par la commission spéciale).
En supprimant l’obligation de déclarer une livraison à soi-même chez les 100 % récupérateurs de TVA, le législateur cherche à simplifier les obligations des assujettis. Nous reviendrons prochainement sur les documents que les entreprises devront à présent établir en interne afin d’être en mesure de calculer d’éventuelles régularisations de TVA ou d’établir la documentation à remettre à l’acheteur lors d’une vente relevant de la dispense prévue par l’article 257 bis pour vérifier si, en pratique, cette réforme constitue une véritable simplification.
Autres points de détails : nous surveillerons (i) le lien entre la déclaration n° 940 et l’engagement de construire chez les 100% récupérateurs et (ii) le timing de l’option à la TVA des baux de locaux nus à usage professionnel en cours de construction.
Pour conclure, à ce stade de l’analyse, il convient de rappeler que la taxation d’une livraison à soi-même chez un 100 % récupérateur soulevait une question de compatibilité avec le droit communautaire.
Assemblée nationale – adoption en première lecture – p. 15
Article 257I. – Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent.[…]3. Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée :1° Les livraisons à soi-même de travaux immobiliers mentionnés au IV de l’article 278 sexies et à l’article 278 sexies A réalisées par des personnes assujetties au sens de l’article 256 A ;2° Les livraisons à soi-même d’immeubles mentionnés au II de l’article 278 sexies réalisées hors d’une activité économique au sens de l’article 256 A par toute personne dès lors assujettie à ce titre.II. – Les opérations suivantes sont assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux.
1. Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux :
1° Le prélèvement par un assujetti d’un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l’entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons. Le montant à retenir pour l’imposition des prélèvements correspondant aux cadeaux de faible valeur est fixé par arrêté. Cette limite s’applique par objet et par an pour un même bénéficiaire ;
2° L’affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté, importé ou ayant fait l’objet d’une acquisition intracommunautaire dans le cadre de son entreprise lorsque l’acquisition d’un tel bien auprès d’un autre assujetti, réputée faite au moment de l’affectation, ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète ;
[…]
Article 266
6. En ce qui concerne les livraisons à soi-même de travaux immobiliers mentionnées au 1° du 3 du I de l’article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise sur le prix de revient total des travaux.
Article 269
1 Le fait générateur de la taxe se produit :
[…]
b. Pour les livraisons à soi-même d’immeubles neufs taxées en application du 2° du 1 du II de l’article 257, au moment où le dépôt à la mairie de la déclaration prévue par la réglementation relative au permis de construire est exigé ;
[…]
d) Pour les livraisons à soi-même de travaux immobiliers mentionnées au 1° du 3 du I de l’article 257, au moment de l’achèvement de l’ensemble des travaux.
Toutefois, par dérogation au précédent alinéa, le fait générateur de la taxe intervient au dernier jour de chaque trimestre pour les livraisons à soi-même de travaux d’entretien effectués au cours de ce trimestre.Article 270
[…]
II.-La liquidation de la taxe exigible au titre des livraisons à soi-même d’immeubles neufs
lorsqu’elles sont imposablestaxées en application du 2° du 1 du II de l’article 257 peut être effectuée jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle est intervenu l’achèvement de l’immeuble. Elle est déclarée sur la déclaration mentionnée à l’article 287 dans les conditions fixées par un décret en Conseil d’Etat.
Baux soumis à la TVA sur option – publication des commentaires administratifs
L’administration fiscale vient de commenter au BOFIP le changement de date d’effet de l’option à la TVA formulée au titre des locations de locaux nus à usage professionnel (art. 260, 2° du CGI). Pour mémoire, le décret n° 2014-44 du 20 janvier 2014, qui a modifié l’article 194 de l’annexe II au CGI, prévoit désormais que l’option produit effet à compter du 1e jour du mois au cours duquel elle est formulée (voir sur ce point notre article du 22 janvier) .
Le BOI-TVA-CHAMP-50-10-20140404 prend donc acte de cette modification.
Ces commentaires présentent un intérêt en ce qu’ils continuent de prévoir que :
– l’option peut être formulée alors même que celui qui opte n’est pas encore propriétaire de l’immeuble ou n’en a pas encore la jouissance (§ 230),
– l’option peut être transférée à l’occasion d’une substitution ou d’une transmission d’universalité (§ 240).
Dispense de TVA – Art. 257 bis du CGI – Locaux donnés en location sans TVA
En résumé : La location d’une partie des locaux sans TVA ne bloque pas la dispense de TVA de l’article 257 bis du CGI chez un vendeur « immobilisé ». En revanche, la destination locative doit être totale.
Lorsqu’un immeuble est cédé avec une activité économique, le droit commun de la TVA s’efface obligatoirement au profit d’un mécanisme spécifique prévu par l’article 257 bis du CGI en faveur des transmissions d’« universalité ». Dans les dossiers, toute la question est donc de savoir si l’immeuble est ou non cédé avec une « activité économique » au sens de la TVA.
La notion d’« activité économique » est une notion particulièrement large, qui ignore la distinction traditionnelle entre activité civile et activité commerciale, et qui inclut la location d’un immeuble (« exploitation d’un bien […] en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence »). Par suite, l’immeuble qui est cédé avec une activité locative devrait donc logiquement entrer dans les prévisions de l’article 257 bis du CGI. En cela, on peut considérer que les rescrits publiés de l’administration fiscale ne sont venus que confirmer la lettre du texte.
Deux questions pratiques reviennent cependant régulièrement.
- La location doit-elle être taxée à la TVA ?
- L’immeuble doit-il être intégralement affecté à l’activité locative ?
S’agissant de la première question, le code général des impôts (art. 257 bis) et l’administration fiscale (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10-20121001 § 50) donnent actuellement la réponse suivante. La dispense de TVA ne bénéficie qu’aux transferts entre assujettis redevables, ce qui exclurait les assujettis non redevables. En revanche, elle bénéficie aux « redevables partiels », c’est-à-dire, appliqué au domaine de l’immobilier, ceux qui taxent une partie de leurs loyers à la TVA au titre d’un immeuble donné (chaque immeuble étant considéré comme une activité distincte ou, techniquement, un « secteur distinct d’activité »). La location d’une partie de l’immeuble en exonération de TVA (e.g. habitation ou preneur non assujetti ayant refusé l’option du bailleur) ne vient pas bloquer le mécanisme de la dispense applicable à la cession de l’immeuble concerné dès lors qu’une partie des loyers est valablement taxée à la TVA, de plein droit ou sur option.
Ce régime mixte ne contrevient pas non plus à la condition d’affectation intégrale à une activité locative, qui a été posée en 2008 par l’administration fiscale. En effet, cette condition vise à exclure du bénéfice de la dispense des immeubles qui sont en partie utilisés pour une autre activité (et non pas des immeubles en partie vacant dès lors que l’affectation à une activité locative peut être prouvée). L’exemple le plus éclairant est celui d’une société industrielle qui donne en location une partie des bureaux qu’elle occupe à une filiale du groupe. Dans cette hypothèse, l’immeuble est en partie affecté à une activité industrielle et en partie à une activité locative. Ainsi, en cas de cession isolée de l’immeuble (i.e. sans l’activité industrielle), l’administration fiscale considère que la dispense ne s’applique pas même si une partie de l’immeuble est affectée à une activité locative. On sait que cette condition soulève de nombreuses difficultés pratiques qui ont été résolues dans des rescrits nominatifs qui pourraient utilement donner lieu à des publications officielles (l’exemple le plus pertinent étant, à notre avis, celui de l’immeuble affecté à une activité d’hôtel et de restaurant).