TVA – Livraison à soi-même – régime applicable aux immeubles ayant déjà fait l’objet d’une précédente livraison à soi-même
Il faut bien avouer que la livraison à soi-même est déjà un concept un peu « radical » dans les hypothèses simples. Il devient vraiment « abrupt » dans les hypothèses compliquées.
Lorsque le constructeur d’un immeuble doit déclarer une livraison à soi-même, il est nécessaire de déterminer les éléments chiffrés à inclure dans la valeur à déclarer (i.e. la « base d’imposition »). Le principe est posé par l’article 266, 2-a du CGI : « […] la TVA est assise [pour les livraisons à soi-même d’immeubles neufs], sur le prix de revient total des immeubles, y compris le coût des terrains […] ».
S’agissant du coût du terrain, l’administration précise que sont à prendre à compte « les sommes versées à un titre quelconque par le redevable pour entrer en possession dudit terrain (prix, honoraires des notaires, droits de mutation) ».
Lorsque le nouvel immeuble résulte de la rénovation d’un immeuble ancien qui, en son temps, a fait l’objet d’une précédente livraison à soi-même par le même constructeur, l’administration prévoit une tolérance : « Toutefois, lorsque la livraison à soi-même intervient à l’occasion d’une réhabilitation lourde, et que le redevable avait déjà pris en compte le coût du terrain lors d’une précédente livraison à soi-même de l’immeuble objet de la réhabilitation, il est admis que le coût pour entrer en possession du terrain est nul. En revanche, toutes les dépenses exposées au titre de cette opération sont à reprendre dans la base d’imposition de la nouvelle livraison ». (BOI-TVA-IMM-10-20-10-20130123 § 230).
A tolérance apparaît cependant d’une portée pratique limitée pour deux raisons :
- Les constructeurs conservent rarement d’anciennes déclarations de TVA ayant plus de 10 ans : il n’est donc pas souvent possible de retrouver la preuve de la livraison à soi-même précédente et d’invoquer la tolérance,
- Les constructeurs qui auraient conserver ces documents seraient en peine de connaître la portée exacte de cette tolérance administrative qui ne vise que le terrain et qui n’inclut pas les constructions existantes pour partie conservées. Ces constructeurs devraient alors relire la jurisprudence communautaire déjà analysée dans TAXIMMO pour réfléchir à l’exclusion de ces constructions (voir https://taximmo.fr/livraison-a-soi-meme-cas-des-immeubles-neufs-ou-des-travaux-le-juge-communautaire-relance-les-debats-c-29911/ ).
Lue à contrario, cette doctrine peut enfin être génératrice d’erreur pour le constructeur qui penserait qu’en cas de « rénovation lourde » (i.e. conduisant à un immeuble neuf) d’un immeuble existant, seul le coût du terrain serait à prendre considération, à défaut de présenter la précédente déclaration de livraison à soi-même. En effet, ce constructeur rencontrerait des difficultés s’agissant du coût des constructions existantes.
Loyers soumis à la TVA sur option – date limite du 30 novembre pour les acquisitions de décembre
En principe, la location de locaux nus est exonérée de la TVA (art. 261 D, 2° du CGI).
Ce n’est que par l’effet d’une lettre option qu’il est possible de soumettre à la taxe les locations de locaux à usage professionnel (art. 260, 2° du CGI).
La date d’envoi de la lettre d’option est un point pratique important. En effet, depuis le 13 septembre 2010, il est prévu que « L’option […] prend effet à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel elle est formulée auprès du service des impôts » (art. 194 de l’annexe II au CGI).
S’agissant des acquisitions d’immeubles affectés à une activité locative soumise à la TVA sur option, pour lesquelles la signature de l’acte authentique est prévue pour le mois de décembre (i.e. les plus risquées au vu de cette problématique d’option), il est impératif que l’option soit formulée avant le 30 novembre 2013.
En cas d’oubli, seul l’acquéreur qui réalise une acquisition sous le régime de la dispense de TVA (257 bis) peut encore trouver une solution de repli en bénéficiant de la lettre d’option formulée par le vendeur, après, bien évidemment, s’être assuré que cette lettre comportait toutes les mentions obligatoires et notamment la désignation de l’immeuble concerné. Une telle transmission est, en effet, admise par l’administration fiscale (BOI-TVA-CHAMP-50-10-20120912 § 240). En pratique, la clause fiscale de l’acte comportera l’indication de cette transmission et le renvoi au BOFIP.
TVA et franchises de loyers – suite
Il s’agit d’un redressement de place que nous avons déjà évoqué.
Pour mémoire, les services vérificateurs considèrent que la franchise de loyers est la rémunération en nature d’un service qui serait rendu par le locataire au bailleur. Certains dossiers ont montré que les services vérificateurs ont majoritairement retenu les baux dont la rédaction faisait expressément apparaître que la franchise était accordée en contrepartie d’engagements pris par le locataire. Une telle approche ne semble toutefois pas être systématique.
Nous avons déjà relevé les nombreux arguments qui vont à l’encontre de ces redressements (article TAXIMMO du 24 octobre 2012 et article paru au JCP Notarial N° 45 du 9 novembre 2012)
D’après la position de l’administration fiscale :
- Le bailleur devrait collecter de la TVA dans les mêmes conditions que si le locataire lui avait versé un loyer. Cet aspect ne concerne donc que les loyers soumis à la TVA, sur option ou de plein droit.
- Le locataire devrait également collecter de la TVA s’agissant du service qu’il est censé avoir rendu au bailleur. Cette taxation est, quant à elle, systématique. Elle serait ainsi due même si le bail est exonéré de la TVA.
Jusqu’à présent, nous n’avions connaissance que de redressements concernant des bailleurs. Toutefois, selon nos informations et suivant la logique rappelée ci-dessus, l’administration fiscale effectuerait maintenant des redressements chez les locataires.
Lorsque le locataire et le bailleur récupèrent intégralement la TVA, l’émission de factures croisées faisant ressortir la TVA permet de limiter le redressement au montant des intérêts de retard, parfois significatif. En revanche, lorsque l’une des parties ne récupère pas la TVA, le coût fiscal d’un tel redressement devient alors prohibitif.
Dans les deux cas, les parties ne doivent pas non plus oublier le fait que l’acceptation de ces redressements pourrait avoir des conséquences négatives au niveau de la CVAE (augmentation mécanique des bases).
Enfin, au-delà de la question épineuse de l’utilité économique de ces redressements lorsque les deux parties récupèrent la TVA, nous espérons simplement que l’administration fiscale française, tout comme l’administration britannique en son temps, reviendra bientôt sur son analyse.
Marchands de biens – transformation d’un local non affecté à l’habitation en logement – TVA et autres taxes
Il s’agit d’une problématique complexe aux conséquences fiscales multiples. Néanmoins, le nombre croissant d’opérations tend à montrer qu’il s’agit d’un sujet d’actualité.
Le sujet peut être appréhendé de plusieurs façons possibles. Nous proposons de commencer par la qualification TVA des travaux de transformation dès lors qu’il s’agit d’un point fiscal crucial et qu’une analyse similaire sera également menée sur un plan juridique pour déterminer si la revente prendra, le cas échéant, la forme d’une VEFA ou d’une vente d’immeuble à rénover (VIR).
S’agissant de la fiscalité, les travaux de transformation doivent être analysés selon des critères spécifiques posés par l’article 257, I-2-2° du CGI. Selon leur importance, les travaux pourront être considérés comme conduisant à un immeuble neuf, au sens de la TVA, alors même qu’il n’y aura pas démolition et reconstruction.
A ce stade, il convient de garder à l’esprit que les critères posés par le CGI sont d’une lecture délicate dans la mesure où, d’une part, les mots peuvent avoir un sens différent du langage courant (i.e. le mot « façade ») ou encore parce que certaines subtilités conduisent à limiter les cas dans lesquels les travaux conduisent à un immeuble neuf (i.e. le critère de second œuvre des « planchers non porteurs »).
Lorsque les travaux conduisent à un immeuble neuf, les conséquences sont les suivantes :
- L’achat du local non affecté à l’habitation peut donner lieu à un engagement de construire afin de réduire les droits d’enregistrement de 5.09% à un droit fixe de 125 EUR,
- La TVA (au taux normal de 19,6% puis 20% à partir du 1er janvier 2014) grevant les travaux est récupérable par le marchand de biens,
- La vente du logement est, en principe, soumise au taux normal de la TVA et l’acquéreur bénéficie des « frais de notaire réduits », soit des droits d’enregistrement de 0.715% au lieu de 5.09%.
Au regard de la TVA et des droits d’enregistrement, il s’agit de la fiscalité applicable à la promotion immobilière.
Cette fiscalité est favorable lorsque l’acquéreur du logement est récupérateur de TVA (hypothèse correspondant à certaines formules de location). En revanche, lorsque l’acquéreur du logement ne récupère pas la TVA, ce qui correspond au cas le plus fréquent, il s’agit d’une fiscalité assez lourde puisque la TVA vient amputer le profit du marchand de biens.
Lorsque les travaux ne conduisent pas à un immeuble neuf, les conséquences fiscales sont les suivantes :
- L’achat du local non affecté à l’habitation peut donner lieu à un engagement de revendre afin de réduire les droits d’enregistrement de 5.09% à 0.715% (la différence avec un droit fixe de 125 EUR est minime),
- La TVA grevant les travaux n’est pas récupérable par le marchand de biens et constitue un coût qui peut, le cas échéant, être réduit lorsque ces travaux bénéficient du taux de réduit de la TVA, aujourd’hui fixé à 7%,
- La vente du logement n’est, en principe, pas soumise à la TVA. L’acquéreur ne bénéficie pas des « frais de notaire réduits » et paye des droits d’enregistrement au taux de 5.09%.
Prenons l’exemple chiffré suivant pour mettre en lumière les différences entre ces deux hypothèses.
Hypothèse 1 : les travaux conduisent à un immeuble neuf
· Achat du local : 1 000 000 EUR
· Droits sur l’acquisition : 125 EUR si un engagement de construire est pris
· Travaux : 400 000 EUR HT (TVA récupérable)
· Revente : 1 800 000 EUR TTC soit 1 505 016 EUR HT
· Acquéreur : 10 760 EUR « frais de notaire réduits », soit 0.715% de droits d’enregistrement
· Profit avant impôt sur le bénéfice : 104 891 EUR
Hypothèse 2 : les travaux ne conduisent pas à un immeuble neuf
· Achat du local : 1 000 000 EUR
· Droits sur l’acquisition : 7 150 EUR si un engagement de revendre est pris
· Travaux : 478 400 EUR : 400 000 EUR x 1.196 ou un coût moindre si le taux réduit de la TVA est applicable
· Revente : 1 800 000 EUR (non soumis à la TVA)
· Acquéreur : 86 531 EUR
· Profit avant impôt sur le bénéfice : 314 450 EUR diminuée à 227 919 EUR si le marchand de biens souhaite offrir les droits d’enregistrement
Cette simulation chiffrée part du postulat que l’acquisition du local non affecté à l’habitation n’est pas soumise à la TVA, de plein droit ou sur option, ou n’est pas accompagnée d’un transfert de TVA sur immobilisation. Ceci est un élément important qui doit être vérifié en amont, au moment de la qualification fiscale des travaux, afin ne pas remettre en cause la rentabilité de l’opération à raison d’une TVA non récupérable sur l’acquisition .
On notera par ailleurs que s’agissant de la transformation d’un local non affecté à l’habitation en logement, le régime de TVA favorable de l’hypothèse 2 peut également être associé, sous certaines conditions, à d’autres régimes incitatifs en faveur de l’investissement tels que le « Duflot » ou le « Malraux », ou en faveur de l’accession tels que le PTZ+.
Pour conclure, il nous semble également important de porter une attention particulière à d’autres sources d’économies et de gérer en temps utiles (i.e. dès le début des travaux et jusqu’à leur achèvement) les conséquences fiscales (i) du changement de destination et (ii) des travaux en ce qui concerne la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux et la taxe foncière. Un suivi des montants dus au titre de la taxe d’aménagement devra également être réalisé.