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Articles récents

12
Mai

TVA – terrain à bâtir – cession par un agriculteur

 

La pratique montre que certains services vérificateurs entendent redresser les agriculteurs qui cèdent des terrains agricoles devenus constructibles à la suite d’un changement de plan local d’urbanisme. Selon ces services vérificateurs, la cession de ces terrains à bâtir devrait être soumise à la TVA.

La TVA est une taxe qui frappe les activités économiques. La TVA ne doit donc normalement atteindre que la valeur donnée au bien par l’intervention active d’un entrepreneur. La TVA ne peut donc pas constituer un impôt sur les plus-values (selon une jurisprudence constante, « le simple exercice du droit de propriété par son titulaire ne saurait, en lui-même, être considéré comme constituant une activité économique », peu importe l’ampleur et le nombre des ventes) .

Si on applique ces principes aux agriculteurs, il est nécessaire de retenir une analyse au cas par cas afin de distinguer les opérations qui relèvent de la gestion patrimoniale (et du domaine de la plus-value), de celles qui relèvent d’une activité économique similaire à celle d’un lotisseur ou d’un marchand de biens.

Autrement dit, s’agissant d’un vendeur qui est déjà assujetti à la TVA (l’activité agricole est une activité économique au sens de la TVA), pour que la cession d’un terrain à bâtir soit taxable à la TVA encore faut-il que le vendeur, assujetti à la TVA, agisse en tant que tel.

S’agissant des agriculteurs, la difficulté tient au fait que le terrain a été utilisé dans le cadre de l’activité – économique – agricole et qu’en principe, la cession d’une immobilisation par l’assujetti qui l’a utilisée dans le cadre de son activité économique, entre dans le champ d’application de la TVA (l’article 261, 3-1°-a du CGI soumet à la TVA ces ventes).

Pourquoi en irait-il autrement s’agissant d’un agriculteur ?

Ceci tient au fait que le terrain a une nature particulière. Il s’agit d’un bien qui ne se consomme pas et qui perdure à l’activité agricole. Le caractère constructible du terrain ne résulte pas non plus de l’activité agricole. Le prix du terrain, s’il n’a pas été aménagé, ne résulte que des lois de l’offre et de la demande. Ainsi, si l’agriculteur n’a pas aménagé le terrain, la cession du terrain à bâtir déclenchera une plus-value et non pas une « valeur ajoutée » dans le cadre d’une activité économique. La TVA ne doit donc pas être appliquée.

Cette analyse est retranscrite dans les commentaires de l’administration fiscale (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10-20120912 § 80 & s.)

Une lettre envoyée par la DLF le 30 août à la FNSEA (RESCRIT_FNSEA_TAB) est également éclairante.

Selon cette lettre, les cessions de terrains réalisées par un assujetti dans le cadre de sa gestion patrimoniale ne sont pas soumises à la TVA.

Ainsi, la cession par un agriculteur d’un terrain de l’exploitation devenu constructible par modification du plan local d’urbanisme, est considérée comme réalisée dans le cadre de sa gestion patrimoniale. Cette opération n’est donc pas soumise à la TVA.

En revanche, la cession de terrains à bâtir sur lesquels l’agriculteur a développé une activité économique taxée à la TVA est reconnue dans les deux hypothèses suivantes :
– hypothèse n° 1 : l’agriculteur a réalisé des travaux de viabilisation conséquents et a mis en place des moyens de commercialisation avérés (il s’agit de conditions cumulatives) ;
– hypothèse n° 2 : l’agriculteur a acquis des terrains à bâtir en vue de leur revente.

On pourrait considérer que ce régime n’est pas satisfaisant dans la mesure où la cession de terrains à bâtir obéit à des régimes différents selon l’identité du vendeur. On aurait pu, au en effet, imaginer un système dans lequel, la cession d’un TAB aurait été systématiquement taxée, peu importe l’identité du vendeur (ou au contraire, jamais taxée à la TVA, compte tenu du caractère non consomptible du terrain, ce qui montre la difficulté d’envisager le régime applicable à la cession d’un tel bien).

Cela étant, ce n’est pas le système qui a été retenu par la directive TVA, et par la France, par voie de conséquence. Ainsi que la jurisprudence européenne le rappelle (CJUE 15 septembre 2011, C-180/10 et C-181/10, Slaby et Kuc), il est nécessaire que la vente du terrain intervienne dans le cadre d’une activité économique pour qu’elle soit soumise à la TVA, y compris lorsque l’Etat membre a choisi de taxer les activités économiques « occasionnelles », ce qui n’est plus le cas de la France.

A noter enfin que le juge communautaire retient s’agissant de la cession de TAB par des agriculteurs, des critères similaires à ceux de l’instruction pour départager ce qui relève d’une activité économique (soumise à la TVA) et ce qui appartient à la gestion patrimoniale (en dehors du champ de la TVA).

Article rédigé avec la collaboration de Gildas Aubril, fiscaliste FNSEA

5
Mai

Abandons de loyer – Bailleur – risques TVA

 

Un arrêt récent de la CAA de Nancy (20 avril 2017, nº 15NC02369, SCI Brunella) met en lumière les risques de TVA encourus par le bailleur à l’occasion d’abandon de loyers.

Premier risque : la mise à disposition à titre gratuit de l’immeuble

Dans les circonstances particulières de l’affaire et en présence d’un abandon de loyer d’un total de 2,5 ans, l’administration fiscale et le juge ont considéré qu’il y avait mise à disposition de l’immeuble à titre gratuit. Dans une telle hypothèse, la TVA déduite au titre de l’immeuble peut être partiellement, voire totalement, reprise par l’administration fiscale.

L’affaire montre qu’un souci particulier doit être attaché au formalisme de cet abandon afin de supporter, autant que possible, l’analyse réduction de prix et éviter la qualification de mise à disposition à titre gratuit.

Second risque (risque pratique) : la non restitution de la TVA initialement versée à l’État

Confirmant une analyse que nous avons de sérieuses difficultés à saisir, le juge refuse la restitution au bailleur de la TVA initialement versée à l’État lors de l’encaissement des loyers.

À notre sens, la TVA aurait dû être restituée au bailleur.

Toutefois, cette affaire montre que l’utilisation de l’avoir « net de taxe » aurait permis d’éviter ces difficultés. Pour mémoire, l’avoir « net de taxe » permet d’accorder une réduction de prix sans toucher aux comptes de TVA.

14
Avr

257 bis du CGI – dispense de TVA – droit d’entrée

 

Dans une affaire particulière, la CAA de Versailles vient de juger l’application de la dispense de TVA prévue par l’article 257 bis du CGI au versement d’un droit d’entrée (CAA de Versailles 23 mars 2017, n° 16VE00747, SARL LAND RIVER). Dans la mesure où la dispense de TVA présente un caractère obligatoire, la TVA facturée par le bailleur a été considérée comme facturée à tort. L’administration fiscale a donc rejeté la déduction de cette TVA chez le locataire.

L’administration fiscale et la CAA de Versailles ont ainsi refusé la qualification de compléments de loyers et ont considéré qu’il y avait cession d’une partie autonome d’une entreprise au sens des dispositions TVA.

La délimitation des frontières de la dispense de TVA est une tâche difficile.

La jurisprudence communautaire nous incite à retenir une interprétation large de ce mécanisme (voir notamment CJUE 10 novembre 2011, C-444/10, SCHRIEVER). Notre culture française tend toutefois à limiter son application à des hypothèses classiques de transmission d’entreprises (voir les commentaires du BOFIP). Cette conception stricte a déjà soulevé des difficultés lorsque l’on a découvert que la dispense devait également être appliquée, en matière immobilière, lors de la vente d’un immeuble accompagnée du transfert d’un bail. Cette découverte n’a cependant toujours pas été « digérée » dans la mesure où plus de 10 ans après cette reconnaissance, les opérateurs attendent encore des commentaires officiels qui viendraient préciser les cas d’application et de non application. Ces commentaires officiels permettraient d’éviter que la dispense de TVA ne se transforme en « machine à redressements » , comme au cas particulier, et demeure cantonnée à ses buts premiers, à savoir : simplification administrative et préservation de la trésorerie des entreprises.

Pour mémoire, les faits de l’affaire étaient les suivants :

– Aux termes du bail :  le bailleur met à la disposition du preneur un local dans un centre bénéficiant d’une attractivité commerciale préexistante. En conséquence le preneur est redevable envers le bailleur d’un droit d’entrée d’un montant unique et forfaitaire de 600 000 Euros HT. […]  Ce droit d’entrée restera définitivement acquis au bailleur, dès la prise d’effet du bail, en contrepartie des avantages de la propriété commerciale conférée au preneur […]
– Le locataire a porté en immobilisation à son bilan l’acquisition d’un fonds de commerce pour un montant de 600 000 euros, ce chiffre étant porté au tableau n°2050 à l’actif du bilan et au tableau n°2054 des immobilisations
– Le locataire ne s’est pas prévalu pas d’une erreur comptable

« Cette décision devra être confirmée »

Nota : annulation par CE 3e et 8e ch. réunies, 15 février 2019, n° 410796 « Mentionné aux tables du recueil Lebon »

Taxation à la TVA si le loyer est soumis à la TVA : « Le droit d’entrée dû lors de la conclusion d’un bail commercial doit, en principe, être regardé comme un supplément de loyer qui constitue, avec le loyer lui-même, la contrepartie d’une opération unique de location, et qui est soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au même titre que celui-ci, et non comme une indemnité destinée à dédommager le bailleur d’un préjudice résultant de la dépréciation de son patrimoine. La seule circonstance que le bail commercial se traduise, pour le preneur, par la création d’un élément d’actif nouveau, compte tenu du droit au renouvellement du bail que celui-ci acquiert, ne suffit pas pour caractériser une telle dépréciation. »

Pas de 257 bis : « Il résulte de l’interprétation que la Cour de justice de l’Union européenne a donnée du premier alinéa de l’article 19 de la directive 2006/112/CE dans son arrêt du 19 décembre 2018, Mailat e.a. (C-17/18), que la notion de  » transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit ou sous forme d’apport à une société, d’une universalité totale ou partielle de biens  » ne couvre pas l’opération par laquelle un bien immeuble qui servait à une exploitation commerciale est donné en location. »

Concept d’ « opération unique de location » – voir aujourd’hui l’article 257 ter du CGI

27
Mar

Résiliation anticipée d’un bail commercial – locataire – risques TVA

 

La CAA de Marseille (28 février 2017, n° 15MA01437, SARL PISTOU) vient de confirmer les deux redressements suivant effectués chez un locataire :
– Taxation à la TVA de l’indemnité reçue du bailleur dans la mesure où le locataire lui aurait rendu un service qui consisterait en la libération anticipée des locaux et la possibilité ainsi offerte au bailleur d’envisager une réaffectation économiquement plus viable des biens loués. Cette décision est dans le prolongement de l’arrêt CATLEYA du Conseil d’Etat. Nous avons toutefois relevé les pratiques contraires de certains services vérificateurs (voir notre article du 23 janvier dernier) ;
– Reversement d’une partie de la TVA précédemment déduite au titre des constructions sur sol d’autrui effectuées par le locataire. Alors même que l’immeuble en question est voué à disparaître à l’occasion de la réalisation d’une opération immobilière envisagée par le bailleur, la cour considère que le locataire doit, au titre des régularisations de TVA, reverser une partie de la TVA précédemment déduite.

Nota du 14/12/2020 : voir également sur le sujet CAA Bordeaux, 20 janvier 2020, 18BX02720, EURL LE PARADIS DE L’AUTO

« Il résulte de l’instruction qu’alors que la société bailleresse Joubal ne pouvait donner congé des lieux loués à la société Le Paradis de l’auto que le 30 novembre 2014, le protocole d’accord transactionnel daté du 9 décembre 2013 passé entre la société Le Paradis de l’auto et la SNC Vinci Immobilier Résidentiel prévoit un engagement de la société Le Paradis de l’Auto à quitter les locaux commerciaux au plus tard le 3 février 2014 en contrepartie d’une indemnité mise à la charge de la société Vinci Immobilier Résidentiel de 410 000 euros. L’anticipation de la date de congé a permis à la société Vinci Immobilier Résidentiel de disposer du terrain d’assiette lui permettant de réaliser dans un délai accéléré un programme immobilier. Par ailleurs, aux termes de l’acte d’acquisition des terrains appartenant à la société Joubal du 13 décembre 2013, cette société et la société Vinci Immobilier Résidentiel sont convenues des modalités de versement de l’indemnité d’éviction à la société Le Paradis de l’auto, à hauteur de 160 000 euros par la société Vinci Immobilier Résidentiel et de 250 000 euros par la société Joubal. En conséquence, le protocole d’accord transactionnel qui permet à la société Vinci Immobilier Résidentiel de disposer de la libre jouissance du local commercial pour une période couverte par le contrat initial de location rémunère un service individualisable fourni à la société Vinci par la société Le Paradis de l’auto à hauteur de 160 000 euros TTC.«