
Echange d’un terrain contre des constructions – méthode des « tantièmes » – assiette et exigibilité de la TVA
A la suite d’une question préjudicielle posée par la Bulgarie (C-549/11 ORFEY), la Cour de Justice de l’Union européenne a eu l’occasion d’indiquer le régime de TVA applicable à une opération qui n’est pas sans rappeler la méthode des « tantièmes ».
En effet, les propriétaires d’un terrain avaient constitué un droit de superficie au profit d’une société qui devait y construire un bâtiment.
En paiement de ce droit de superficie, la société devait remettre des locaux situés dans ce bâtiment aux propriétaires d’origine qui, d’un point de vue technique, avaient conservé des droits de superficie au titre de ce terrain.
Dans ce contexte, le juge communautaire a tout d’abord indiqué que la TVA sur les services de construction devait, en principe, être exigible dès le moment auquel le droit de superficie était constitué (i.e. avant même que cette prestation ne soit effectuée), dès lors que, au moment de la constitution de ce droit, tous les éléments pertinents de cette prestation de services sont déjà connus et donc, en particulier, les services en cause sont désignés avec précision, et que la valeur dudit droit est susceptible d’être exprimée en argent.
Ainsi, la TVA due au titre des travaux immobiliers peut devoir être reportée sur la déclaration de TVA déposée au titre du mois au cours duquel le droit de superficie est constitué. Pour comparer, rappelons que cette analyse est soutenue par l’administration fiscale s’agissant des dations d’immeubles à construire (voir à cet égard, BOI-TVA-IMM-10-20-20-20120912 § 30).
S’agissant de l’évaluation de la prestation de travaux, le juge communautaire a rappelé qu’il convenait d’écarter une « valeur normale » au profit d’une analyse plus fine prenant en considération les circonstances de l’espèce.
Bien que cet aspect de l’analyse demeure assez théorique, l’arrêt permet cependant de rappeler les principes suivants :
- La TVA est due sur la contrepartie réellement reçue par l’assujetti et non sur une valeur estimée selon des critères objectifs ;
- Afin de prévenir la fraude ou l’évasion fiscale, l’article 80 de la directive permet toutefois aux Etats membres de prévoir que la TVA est due sur la valeur normale d’une opération ;
- Ce recours à la valeur normale n’est toutefois envisageable que lorsqu’il existe entre les parties des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques tels que définis par l’Etat membre.
A cet égard, on comprend de la décision que les parties à une opération d’échange ne sont pas considérées, en tant que telles, comme entretenant des liens « qualifiant » au sens du mécanisme anti-fraude offert par l’article 80 de la directive TVA.
Par ailleurs, on rappelle que la France n’a pas transposé l’article 80 de la directive (il ne s’agit que d’une option ouverte aux Etats membres). La France dispose en revanche d’un outil spécifique permettant d’assoir la TVA sur la valeur vénale. Cet outil est cependant limité aux ventes d’immeubles (les travaux immobiliers ne sont donc pas concernés) et ne peut être mis en œuvre que lorsque l’administration établit que la différence entre la valeur vénale et le prix stipulé dans l’acte résulte de la fraude ou de l’évasion fiscale.

Marchands de biens – importance de la qualification fiscale des travaux
Un arrêt rendu le 15 janvier 2013 par la CAA de Marseille rappelle l’importance de la qualification fiscale des travaux s’agissant d’une opération de marchand de biens.
Cette qualification permet de déterminer :
– l’engagement qui pourra utilement être pris lors de l’acquisition pour ramener les droits d’enregistrement de 5,09% à 0,715% (revendre dans les 5 ou 2 ans) ou 125 euros (construire dans les 4 ans),
– le taux de TVA sur les travaux de rénovation : 7% versus 19,60%,
– le régime de la revente : exonération de TVA sauf option versus taxation obligatoire sur le prix total au taux normal de 19,60%.
La qualification fiscale des travaux peut s’avérer délicate. L’obtention d’un rescrit permet alors de sécuriser l’analyse sous réserve que la demande contienne l’ensemble des informations nécessaires à l’analyse de l’administration fiscale.
Dans l’affaire soumise à la CAA de Marseille, le juge fiscal a confirmé le rappel de TVA opéré par l’administration fiscale qui après avoir considéré que les travaux conduisaient à un immeuble neuf, avait réclamé la différence entre la TVA sur le prix et la TVA sur marge encore applicable. Le marchand de biens invoquait un rescrit nominatif en sa faveur mais celui-ci s’est révellé inefficace, le juge ayant considéré la demande comme incomplète.

TVA – Location consentie pour un loyer très faible
Un arrêt récent de la CAA de Nantes nous donne l’occasion de rappeler les conséquences TVA d’une location consentie pour un loyer très faible.
Une SCI donnait en location un local nu à usage professionnel à une EURL. L’associé unique de l’EURL était également associé de la SCI.
La SCI avait opté pour l’imposition des loyers à la TVA et avait récupéré la TVA grevant des travaux réalisés dans ce local.
A la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a constaté que trois années après l’acquisition de l’immeuble, le loyer mensuel avait été progressivement ramené de 890 euros à 50 euros, soit un prix de 0,62 euro le m2 alors que le loyer de marché s’établissait à 12 euros le m2.
L’administration a notifié à la SCI un rappel de la TVA précédemment déduite au titre des travaux.
La CAA de Nantes confirme le rappel. Un tel loyer est assimilable à une libéralité. Dans ces conditions, la SCI ne peut plus être considérée comme réalisant une activité économique, son option pour la taxation à la TVA des loyers devient inopérante et la déduction de la TVA grevant les dépenses est remise en cause.

Suppression de la TVA immobilière des particuliers et des « frais de notaire réduits » – Publication des mesures transitoires
Les mesures transitoires viennent d’être publiées au BOFIP.
Ces mesures sont exposées aux paragraphes 260 et suivants du BOI-TVA-IMM-10-10-20-20130123.
En substance, les parties qui disposent d’une promesse de vente signée avant le 31 décembre 2012 peuvent continuer à appliquer le régime antérieur, à savoir revente en TVA et avec frais de notaire réduits, même si l’acte authentique est signé postérieurement au 31 décembre 2012.
Les parties peuvent cependant décider d’appliquer le nouveau régime, c’est-à-dire non taxation à la TVA mais à la taxe de publicité foncière au taux global de 5,09 %.
L’administration fiscale indique que la preuve de la date de cette promesse de vente peut être apportée par tous moyens.
Nota du 24/01 : L’enregistrement ou le dépôt au rang des minutes d’un notaire des promesses synallagmatiques de ventes ou « compromis » n’est donc pas exigé par l’administration fiscale pour bénéficier de ces mesures.
A noter que l’administration prévoit une mesure identique pour la cession d’un contrat de VEFA (voir le paragraphe 270).