
Frais de cession d’immeuble – récupération de la TVA
L’administration fiscale vient de modifier ses commentaires concernant la récupération de la TVA grevant les frais de cession d’immeuble en reprenant à son compte un arrêt de la CAA de Lyon du 15 mars 2012, Nº 11LY01195.
Il ressort de ces commentaires que cette récupération ne fait pas de doute lorsque la cession de l’immeuble est soumise à TVA, de plein droit ou sur option.
En revanche, lorsque la cession de l’immeuble est exonérée, la question est plus délicate. Sous certaines conditions, il est encore possible de récupérer la TVA grevant les frais de cession si l’immeuble a été affecté à une activité soumise à la TVA (la location soumise à la TVA sur option, par exemple).
A cet égard, au-delà de la question de savoir sur qui pèse la charge de la preuve, les deux conditions cumulatives suivantes sont à remplir :
– la non incorporation des frais dans le prix de cession de l’immeuble,
– la non utilisation du produit de la cession à des fins purement patrimoniales.
Le processus de détermination du prix de vente d’un immeuble immobilisé, donné en location par des investisseurs, permet généralement de démontrer que les frais de cession ne sont pas répercutés dans le prix de vente.
En revanche, le caractère patrimonial, peut soulever des difficultés chez certains opérateurs. En effet, selon l’administration fiscale et le juge français, il y aurait une opération à caractère patrimonial dès lors que le produit de la cession a été distribué.
A noter que la nouvelle instruction n’envisage pas expressément le cas des ventes relevant de la dispense de TVA de l’article 257 bis du CGI.

Redevables partiels – récupération de TVA – critère du prolongement direct, permanent et nécessaire – l’administration rapporte son instruction favorable
L’administration fiscale vient d’apporter une importante modification à ses commentaires concernant la récupération de TVA.
Afin de bien comprendre ces modifications, il est nécessaire de rappeler, de manière simplifiée, les principes suivants :
– un assujetti qui ne réalise que des opérations taxées à la TVA peut, sous réserve de certaines exclusions, récupérer intégralement la TVA,
– un assujetti qui ne réalise que des opérations exonérées, n’ouvrant pas droit déduction, ne peut pas récupérer la TVA grevant ses dépenses,
– En revanche, un assujetti qui réalise concurremment des opérations taxées à la TVA, des opérations exonérées, n’ouvrant pas droit déduction, voire des opérations en dehors du champ de la TVA ne peut récupérer qu’une partie de la TVA grevant ses dépenses.
Dans ce dernier cas, la détermination du montant de la TVA récupérable est un exercice difficile. Plusieurs outils sont à la disposition des assujettis. Les assujettis peuvent soit affecter leurs dépenses soit utiliser un prorata qui tient compte de leur chiffre d’affaires. Dans certains cas, l’utilisation du prorata est même obligatoire (cas des dépenses mixtes utilisées concurremment pour des opérations taxées à la TVA et des opérations exonérées, n’ouvrant pas droit à déduction).
Le prorata est un outil approximatif. Il ne tient pas compte, en effet, de la proportion des dépenses utilisées pour telle ou telle opération. Par ailleurs, sauf exceptions, son calcul ne prend en compte que le montant brut des produits financiers et non pas leur montant net.
Pour palier ce défaut, la directive TVA et le code général des impôts français ont prévu de ne pas tenir compte des opérations financières et immobilières accessoires.
Cette dernière notion est d’une grande importance pratique. Celle-ci permet, en principe, à un assujetti qui réalise des opérations taxables à la TVA de continuer à intégralement récupérer la TVA même s’il perçoit par ailleurs des intérêts financiers exonérés de la gestion de sa trésorerie.
Dans un arrêt « Régie Dauphinoise » du 11 juillet 1996, la CJCE a jugé que les produits financiers perçus par un syndic de gestion immobilière s’analysaient comme le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable et qu’ils ne pouvaient, en conséquence, jamais présenter un caractère accessoire.
Dans la mesure où la notion de prolongement direct, permanent et nécessaire est d’une application pratique délicate et que cette notion amplifie les défauts du prorata, l’administration fiscale a limité l’application de cette notion aux seuls syndics de gestion immobilière dans une instruction du 10 janvier 2006 (3 A-1-06).
En revanche, le juge communautaire et le juge français ont continué, après quelques hésitations, à appliquer cette notion.
Alors que rien ne l’y obligeait, à l’occasion du commentaire d’un arrêt SNC Ariane rendu par le conseil d’État le 21 octobre 2011, Nº 315469, l’administration fiscale vient de rapporter, à compter du 15 février, la tolérance contenue dans l’instruction du 10 janvier 2006.
Dans la mesure où cette notion est empreinte d’une grande subjectivité, les risques de redressement sont réels et la modification qui vient d’être opérée a précisément pour but de les favoriser.
Tous les assujettis sont concernés, y compris les bailleurs d’immeubles ainsi que le montre l’arrêt SNC Ariane. Les sociétés holdings sont également particulièrement visées.
Les assujettis doivent donc réfléchir et mettre en place les solutions qui, dans leur situation particulière, leur permettront de contourner cette problématique et de conserver une récupération de TVA cohérente avec leur activité.

Charges locatives et TVA – Field Fisher Waterhouse LLP (C392/11)
Un arrêt rendu par la CJUE dans une affaire britannique Field Fisher Waterhouse LLP (FFW) permet de faire le point sur le régime de TVA applicable aux charges locatives.
L’affaire était très particulière. Il s’agissait d’une location de bureaux qui était exonérée de la TVA et qui avait été conclue avec un locataire récupérateur de la taxe. L’exonération avait été appliquée sur le loyer et sur les charges locatives (aucune TVA n’était donc facturée par le bailleur), ce qui soulevait une difficulté pour le locataire puisque le bailleur lui répercutait la TVA qu’il ne pouvait pas récupérer sur les charges locatives.
Le locataire avait donc demandé à l’administration britannique le remboursement de la TVA que le bailleur aurait dû lui facturer.
Au premier abord, cette demande apparaît étonnante. Les charges locatives sont généralement considérées comme un accessoire du loyer. Le locataire avait toutefois un excellent argument. En effet, un arrêt rendu par la CJUE en juin 2009 (RLRE TELLMER C-572/07) avait indiqué que le nettoyage des locaux devait, dans certaines circonstances, être distingué de la location alors même que le nettoyage était fourni par le bailleur.
Dans l’affaire FFW, le locataire demandait donc l’extension de cette jurisprudence à l’ensemble des charges locatives.
La CJUE rejette toutefois cette analyse et semble considérer que, sauf cas particuliers, les charges locatives devraient être indissociables du loyer et suivre le même régime de TVA.
D’un point de vue français, cet arrêt appelle deux remarques :
- Ceux qui pensent qu’une option à la TVA sur le loyer aurait résolu toutes les difficultés, doivent avoir en tête qu’une telle option vise l’intégralité des locaux non affectés à l’habitation situé dans un même immeuble. Dans l’hypothèse où une partie des locaux est donnée en location à un locataire non récupérateur de TVA (e.g. une banque, une administration), une telle option peut avoir des conséquences négatives pour le bailleur s’il ne peut pas répercuter la TVA aux locataires.
- Les charges locatives connaissent un régime de TVA particulier en France. Celles-ci suivent, en principe, le régime du loyer. Toutefois, l’administration admet, sous certaines conditions particulièrement difficiles à remplir, que les charges locatives soient déconnectées du loyer pour être refacturées séparément au locataire avec leur régime de TVA propre, via les débours (voir § 240 & s. du BOI-TVA-BASE-10-10-30-20120912). En pratique, cependant, les conditions d’application de cette tolérance administrative sont telles que ne peuvent pas relever de ce régime, les baux qui prévoient la répercussion au locataire de la totalité des dépenses liées à l’immeuble (e.g. les baux « triple net »).

Les nouvelles règles de liquidation des droits d’enregistrement lors de la cession de titres de « sociétés à prépondérance immobilière »
Les dispositions de l’article 726, II-2° du CGI (issues de la première loi de finances rectificative pour 2012), ont profondément aménagé les règles d’assiette des droits d’enregistrement dus lors de la cession de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière (SPI). Désormais, l’assiette desdits droits est déterminée à partir de la valeur réelle des biens et droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société, après déduction du seul passif afférent à l’acquisition de ces biens ou droits immobiliers, ainsi que la valeur réelle des autres éléments d’actifs bruts. A défaut de commentaires administratifs publiés ou mis en consultation à ce jour, la portée générale et le manque de précision de ces dispositions risquent de détourner ce nouveau dispositif de sa finalité tendant à mettre fin à des schémas d’optimisation et de produire, par voie de conséquence, des effets collatéraux tant inattendus que néfastes sur des cessions de titres inscrites, pourtant, dans une pure logique économique.
A la lumière de l’exposé des motifs ayant conduit à l’adoption de ces nouvelles modalités de calcul, il apparait que l’objectif du législateur a été celui d’éviter les « comportements d’optimisation fiscale » consistant en « l’apport de dettes au compte courant de la société, à seule fin de minorer l’assiette du droit d’enregistrement ». Or, cet objectif législatif ne transparait pas naturellement des dispositions de l’article 726, II-2° dont la rédaction leur confère une portée assez large sans permettre de préciser leurs modalités pratiques d’application. Cet état de droit ne manque pas de susciter avec acuité la question de savoir si ce dispositif demeurera circonscrit aux seuls schémas « optimisant » ou sera, de facto, étendu aux dépenses dont la substance économique est pourtant établie.
Incertitudes relatives à la nature des dépenses admises en déduction de l’assiette
Au nombre des dépenses dont la substance économique est incontestable figurent, notamment, celles liées au financement de la construction, des travaux d’entretien, de réparation et d’amélioration. A cet égard, le texte vise le « seul passif afférent à l’acquisition des biens et droits immobiliers » et n’évoque pas le cas des immeubles, non pas acquis, mais construits par le contribuable. Sauf à instaurer une inégalité des contribuables devant les charges publiques, il paraît légitime de considérer qu’au même titre que le passif lié à l’acquisition d’un immeuble, celui afférent à sa construction devrait être admis en déduction. S’agissant des dettes liées au financement des travaux et bien qu’elles ne soient pas stricto sensu liées à l’acquisition de l’immeuble, il n’en demeure pas moins qu’elles sont engagées dans le cadre de l’activité économique exercée par le contribuable et ne figurent pas au nombre de celles destinées à la réduction de l’assiette des droits d’enregistrement telles que visées par le législateur. A ce titre, une tolérance administrative admettant leur déduction permettrait d’éviter aux nouvelles dispositions tout effet « anti-économique » qui serait contraire à l’intention du législateur.
Par ailleurs, force est de constater qu’en pratique un certain nombre de contribuables procèdent à un refinancement de dette pour rembourser les dettes actuelles et les remplacer par de nouvelles obtenues dans de meilleures conditions. La dette servant au refinancement sert les mêmes objectifs et porte sur les mêmes actifs que la dette initiale. A ce titre, et comme l’administration a semblé l’admettre lors de plusieurs colloques, le refinancement de la dette contractée pour l’acquisition de l’actif ne devrait pas remettre en cause sa déduction pour le calcul de l’assiette des droits d’enregistrement.
Incertitudes relatives à la nature des titres devant être placés sous le régime des nouvelles règles
La rédaction des nouvelles dispositions qui excluent explicitement les titres de SCPI offerts au public, ne permettent pas de clarifier le régime applicable aux cessions de parts d’OPCI (Sppicav et FPI). En effet, cette exclusion a été spécifiquement prévue « compte tenu des échanges fréquents auxquels donnent lieu de telles titres ». Il pourrait être légitime de penser que les OPCI qui présentent globalement les mêmes caractéristiques que les SCPI pourraient bénéficier du même régime. Or, il n’est pas exclu que l’administration ou le juge présument qu’à défaut d’être cotés en bourse, les OPCI ne remplissent pas la condition liée à la fréquence des échanges sur les titres. Si tel était le cas, la question se poserait de savoir si les OPCI seront admis à apporter la preuve contraire pour justifier, au cas par cas, leur exclusion du champ d’application des dispositions de l’article 726, II-2° du CGI.
Incertitudes relatives aux modalités de détermination de l’assiette des droits d’enregistrement en cas de détention « en chaine » de SPI
Il s’agit, dans sa configuration la plus simpliste, d’une opération portant sur les parts d’une SPI « A » ayant un actif composé de 100% des titres d’une SPI « B » laquelle détient, pour actif majoritaire, un immeuble. La dette d’acquisition de l’immeuble contracté par la SPI « B » est déductible de l’assiette des droits d’enregistrement applicables à la cession de titres de la SPI « A ». En revanche, qu’en est-il de la dette contractée par la SPI « A » pour l’acquisition des titres de la SPI « B » ? Il nous semble que dans la mesure où le régime de droits d’enregistrement applicable aux immeubles est transposé à celui des titres de SPI, le passif afférent à l’acquisition des titres de SPI devrait, au même titre que celui afférent à l’acquisition des immeubles sous-jacent, être admis en déduction.
S’agissant de l’actif qui doit être pris en compte pour la détermination de l’assiette des droits d’enregistrement, la question se pose de savoir si les nouvelles dispositions n’amèneraient pas, en pratique, à retenir à l’actif de la SPI « A » aussi bien la valeur réelle des titres de la SPI « B » que celle de l’immeuble sous-jacent. Si tel était le cas, cela se traduirait par une situation de double imposition, dans la mesure où la valeur réelle des titres de la SPI « B » intègre celle de l’immeuble sous-jacent.
Il serait, dès lors, opportun que des commentaires administratifs viennent éclaircir les modalités d’application des nouvelles dispositions qui ne permettent pas, en l’état, d’appréhender de manière précise les notions d’ « actif » et de « passif » pourtant essentielles à la détermination de la nouvelle assiette d’imposition aux droits d’enregistrement.
Conséquences collatérales de la nouvelle base des droits d’enregistrement sur les sociétés opérationnelles en difficulté financière
La définition actuelle des SPI axée sur la proportion de la valeur des immeubles par rapport à la valeur des autres actifs détenus amène, en pratique, à pénaliser les sociétés opérationnelles connaissant des difficultés économiques qui peuvent se voir qualifier de SPI au sens des droits d’enregistrement du seul fait de la perte de valeur du « fonds de commerce » par rapport aux actifs immobiliers.
Alors qu’en vertu des anciennes règles de calcul de la base soumise aux droits, l’effet de cette qualification était atténué par la prise en compte de l’ensemble des dettes sociales (de sorte qu’en pratique seule la valeur nette de l’actif se trouvait soumise aux droits), les nouvelles règles conduisent désormais, en pratique, à inclure dans la base des droits d’enregistrement l’ensemble des dettes d’exploitation relatives à l’activité opérationnelle.
Cette conséquence est particulièrement défavorable aux opérations de reprise d’entreprises en difficulté par des repreneurs souhaitant relancer l’activité. Il semble, à cet égard, primordial que soit admise, par voie de tolérance administrative ou d’évolution législative, la possibilité de déduire les dettes d’exploitation pour la détermination de l’assiette des droits d’enregistrement des sociétés utilisant les immeubles pour les besoins de leur exploitation.
En définitive, force est de constater que les nouvelles dispositions de l’article 726, II-2° du CGI, ravivent la nécessité de repenser, dans le cadre d’une évolution législative, la définition des SPI, en tenant compte notamment, de l’insécurité juridique induite par la multiplicité et l’hétérogénéité des critères qualifiant la « prépondérance immobilière » au gré des impôts concernés mais également de l’ineptie d’une telle qualification à l’égard de sociétés opérationnelles qui ne doivent leur prépondérance « immobilière » qu’à leur décadence « financière ».