TVA sur marge – tableau de synthèse à l’usage des rédacteurs d’actes
Ce tableau de synthèse permet de faire le point à la suite de la modification du BOFIP, de la décision PROMIALP et des différentes réponses ministérielles.
Pour mémoire, lorsque la solution découle du BOFIP ou des réponses ministérielles, la clause fiscale de l’acte visera la référence utilisée.
Télécharger le tableau de synthèse (nouvelle version en date du 6 juillet 2020, incluant RGMB (v4))
TVA sur marge : condition d’identité – reprise de l’arrêt du Conseil d’Etat au BOFIP
L’administration fiscale vient de commenter la décision Promialp (CE 27 mars 2020, n° 428234, Promialp) (voir notre article précédent).
Commentaire à minima.
Reprise du considérant de principe et renvoi au BOFIP qui traite de la distinction entre terrain à bâtir et immeuble bâti.
Ce commentaire pose les difficultés suivantes :
– Il n’est pas fait référence aux réponses ministérielles qui ont traité du sujet. Ceci nous semble cependant indispensable pour indiquer si elles sont ou non rapportées et pour préciser comment, à présent, il convient de comprendre la condition d’identité dans sa composante juridique et dans sa composante physique.
– La condition d’identité serait-elle à présent définie par un simple renvoi aux critères TVA de distinction entre terrain à bâtir et immeubles bâtis. Un commentaire plus développé aurait permis de le confirmer et de comprendre pourquoi il n’est pas fait référence à la notion de terrain d’assiette qui est traitée dans une autre partie du BOFIP (BOI-TVA-IMM-10-10-10-40-2013010).
– La lecture « confinée » de ces nouveaux commentaires laisse à penser que le régime de TVA sur marge ne concerne dorénavant que les biens inscrits en stock en comptabilité alors que l’affaire Promialp ne portait pas sur ce point et que, jusqu’à présent, l’administration fiscale appliquait ce régime aux biens également inscrits en immobilisation.
Nous savons que le contentieux n’est pas terminé et que les juridictions auront encore l’occasion de préciser les contours des conditions d’application de la TVA sur marge. Dans ce contexte, on est désolé de constater que ce commentaire ne nous aide pas beaucoup 🙁
TVA sur marge : la condition d’identité est validée par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat vient de confirmer l’existence d’une condition d’identité pour l’application du régime de TVA sur marge prévu à l’article 268 du CGI (CE 27 mars 2020, n° 428234, Promialp).
En ce qui concerne l’assiette de la TVA, le principe est que la TVA est due sur le prix (et non pas sur la « valeur ajoutée » :-), celle-ci étant déterminée par le jeu du droit à déduction sur les achats engagés au titre de l’opération).
Par exception, dans certains cas, il est prévu que l’assiette de la taxe soit la « marge ».
En simplifiant, la marge correspond à la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition (les autres coûts tels que les travaux ne sont pas pris en compte).
Toujours en simplifiant, la TVA sur marge présente un intérêt lorsque l’achat principal n’est pas grevé de TVA et qu’il n’est donc pas possible de faire apparaître la « valeur ajoutée » par le jeu du droit à déduction.
La TVA sur marge serait donc une sorte de « valeur ajoutée » en « lecture directe » (mais ceci n’est pas totalement exact dans la mesure où celui qui relève de la TVA sur marge peut déduire la TVA grevant les autres dépenses encourues au titre de l’opération, telle que la TVA grevant les travaux et les études).
La TVA applicable aux immeubles connaît un cas de TVA sur marge. Celui-ci est prévu par l’article 268 du CGI s’agissant des terrains à bâtir et des immeubles achevés depuis plus de 5 ans (qui sont, bien évidemment, vendus par un assujetti à la TVA, agissant en tant que tel).
Un contentieux est né s’agissant des conditions d’application de la TVA sur marge dans la mesure où certains prétendaient qu’il suffisait que l’acquisition du terrain ou de l’immeuble bâti n’ait pas été soumise à la TVA (sur la base d’une lecture littérale de l’article 268 du CGI qui ne contient aucune autre condition) alors que d’autres (l’administration fiscale) considéraient qu’une condition supplémentaire devait être remplie tenant à une identité des caractéristiques du bien acquis avec le bien revendu.
Le Conseil d’Etat vient de valider cette seconde thèse en procédant à la lecture de l’article 268 du CGI « à la lumière » de l’article de la directive TVA qu’il transpose, à savoir l’article 392 de la directive, et qui, selon le Conseil d’Etat, contient une condition d’identité :
« Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur. »
L’application du régime de la TVA sur marge requiert donc deux conditions cumulatives :
– Une acquisition qui n’a pas ouvert droit à déduction (i.e. une acquisition qui n’a pas été soumise à la TVA)
– Une condition d’identité tenant, selon le Conseil d’Etat, à l’absence de modification des caractéristiques physiques et de la qualification du bien en cause entre son acquisition et sa vente.
A présent que nous savons qu’une condition d’identité doit être remplie, il est nécessaire de définir ce qui doit être comparé entre l’acquisition et la revente. A notre sens, cet exercice ne peut être mené qu’à l’aune des seuls concepts de TVA et non pas la qualification juridique du bien (c’est-à-dire au regard de règles autres que la TVA) ou encore la mise en place d’une copropriété (voir sur ce point, notre précédent article). Afin d’avancer sur la définition de la condition d’identité, le commentaire de l’administration fiscale serait le bienvenu. Ce commentaire pourrait également idéalement confirmer la possibilité pour les assujettis de renoncer, lorsqu’ils le souhaitent, à ce régime pour appliquer le régime de la TVA sur prix, les travaux préparatoires de la directive TVA indiquant une telle possibilité (voir sur ce point, notre précédent article). Dans l’attente, la réponse Vogel du 17 mai 2018 demeure le meilleur mode d’emploi de la TVA sur marge même si celui-ci évoluera nécessairement.
TVA sur marge – Point d’étape
Rappelons que, depuis la réforme de la TVA immobilière, le régime de TVA sur marge concerne potentiellement tous les acteurs de l’immobilier, aménageurs, promoteurs, foncières aussi bien que les « marchands ». Les récents arrêts de CAA et réponses ministérielles (sur ce sujet voir notamment nos deux articles du 7 septembre 2016 et du 17 septembre 2019), n’ont pas répondu à toutes les questions relatives aux conditions d’application de ce régime, ce qui nous amène à faire un point d’étape, sous la forme d’un Q&A, sur ce contentieux difficile.
Q : La condition d’identité est-elle d’ores et déjà condamnée ?
R : La réponse est négative dans la mesure où le Conseil d’Etat n’a pas encore tranché la question.
Q : La condition d’identité pourrait-elle être confirmée ?
R : La réponse n’est pas évidente dans la mesure où sous l’empire des règles applicables avant le 11 mars 2010, le Conseil d’Etat a jugé que le régime de TVA sur marge était le régime applicable aux opérations de marchand de biens (CE 30 septembre 1992, n° 74640, 8e et 9e s.-s., SARL Véfrance Foncier), ce qui impliquait des opérations d’achat et de revente, en l’état (CE 13 mars 1996, n° 112291, 8e et 9e s.-s., ministre c/ SCI Le Mallory). Partant le Conseil d’Etat a considéré, dans cette seconde affaire, que le régime de la marge n’était pas applicable à la cession, par son constructeur, d’un immeuble achevé depuis plus de 5 ans.
Q : L’article 268 ne renvoie plus au régime des marchands de biens (rédaction antérieure au 11 mars 2010) et ne contient pas de condition d’identité. Cette condition serait-elle contenue dans un autre texte ?
R : L’article 268 du CGI transpose l’article 392 de la directive TVA. L’article 268 du CGI doit donc être interprété à la lumière de l’article 392 de la directive TVA (CE, 22 décembre 1989, n° 86113, Cercle militaire mixte de la Caserne Mortier).
Q : L’article 392 de la directive TVA contient-il une condition d’identité ?
R : L’article 392 vise les « bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente ». Cette notion n’a pas encore été interprétée par la CJUE. Cette juridiction pourrait être saisie par le Conseil d’Etat dans le cadre d’une question préjudicielle. En effet, la question se pose de savoir si, de manière implicite, ces dispositions requierent une absence de transformation de l’immeuble entre l’achat et la revente ?
Q : Que nous apprennent les travaux préparatoires de l’article 392 de la directive TVA (ancien article 28.3.f) de la 6e directive 77/388/CEE du 17 mai 1977) ?
A : Les travaux préparatoires nous montrent que le sujet de la TVA appliquée aux opérations immobilières a été un sujet délicat. Divergences de point de vue entre les Etats membres. Plusieurs notes techniques. Peu de documentation publique. Dernière version, différente de dernière version de travail, sans discussion publiée. Dans la proposition de 6e directive du 20 juin 1973 (COM(73)950), le régime de la TVA sur marge visait l’hypothèse de la revente, dans le cadre d’un circuit commercial, d’un immeuble d’habitation dit « ancien » acquis auprès d’un particulier par un professionnel de l’immobilier (voir page 5). Idem dans la Note technique concernant le régime TVA envisageable pour les opérations immobilières du 23 février 1976 (T/170/76) (voir page 3). Dans la proposition modifiée du 26 juillet 1974 (COM(1974)795), le régime de la marge est appelé le régime des « marchands de biens ». Le régime n’est en revanche, plus commenté dans la note du 29 septembre 1976 qui reprend les conclusions du Groupe des questions financières sur la TVA applicable aux opérations immobilières (T/736/76). Le régime de la marge semble donc être, par nature, le régime des marchands, i.e. de ceux qui achètent pour revendre. Il est donc possible que l’article 392 contienne une condition liée à l’inscription en stock (non transposée dans notre droit) ainsi qu’une condition d’identité. A notre sens, cette condition d’identité ne peut être que « juridique » (i.e. comparaison de la qualification au regard de la TVA (i.e. les catégories posées par le CGI) – et non pas au regard d’autres règles – du bien acquis avec le bien revendu) et non pas « physique » (i.e. impactée par les divisions « juridiques » du bien acquis) dans la mesure où la condition « physique » repose sur une interprétation qui bloquerait l’application du régime de la marge dans les hypothèses où il a précisément vocation à s’appliquer. L’application d’une condition d’identité « juridique » nécessiterait, à notre sens, que soit précisée la notion de terrain d’assiette d’un bâtiment. Compte tenu de la notion objective du TAB (« de l’herbe dans une zone constructible du PLU », peu importe la désignation du bien dans l’acte), la notion de terrain d’assiette pourrait être limitée au terrain qui supporte physiquement le bâtiment, ce qui conduirait à remplir la condition d’identité lors du détachement de parcelles représentant le jardin d’un maison.
Q : Le régime de la marge est-il obligatoire ?
R : Le régime de la marge est une option ouverte aux Etats membres. A notre connaissance, la France semble être le seul Etat membre à l’avoir transposé.
Q : Un assujetti peut-il renoncer au régime de la marge et appliquer la TVA sur prix ?
R : Dans la Note technique concernant le régime TVA envisageable pour les opérations immobilières du 23 février 1976 (T/170/76) (voir page 3), il est indiqué que le régime de la marge s’applique « au choix de l’assujetti », celui-ci pouvant donc décider d’appliquer le régime de la TVA sur prix (le régime de droit commun), ce qui avait été d’ailleurs précisé par l’administration fiscale lors de la réforme de la TVA immobilière, même si cette précision ne ressort pas expressément du BOFIP. La pratique des dossiers montre cependant que cette précision mériterait absolument d’y figurer.