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10
Août

TVA – hôtellerie et para-hôtellerie courte et longue durée – nouveau(x) BOFIP

L’administration fiscale vient de commenter le nouveau régime de TVA applicable à l’hôtellerie et à la para-hôtellerie depuis le 1er janvier 2024 (voir notre article précédent).

On se souvient que ce nouveau régime fait suite à un avis rendu par le Conseil d’État le 5 juillet 2023 (voir notre article sur le sujet).

Compte tenu de la période estivale, nous avons résumé en quelques mots ce qui a principalement retenu notre attention. Ce commentaire ne remplace donc pas une lecture attentive des nouveaux commentaires.

1. Sous réserve d’une formalisation correcte de l’ensemble des documents affichés, communiqués ou signés entre (i) le bailleur et les occupants et (ii) le bailleur et ses éventuels prestataires, ces nouveaux commentaires favorisent – pour ceux qui le souhaitent (!) et qui s’organisent en amont – une taxation large de ces activités même si le texte de l’article 261 D, 4° du CGI continue d’exiger « trois services sur quatre » pour taxer le service d’hébergement (i.e. le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle).

[28/03/2025] Les nouveaux commentaires permettent à ceux qui ne souhaitent pas être taxés à la TVA ou qui souhaitent continuer à être exonérés après la modification du régime de la franchise en base (voir notre article), de trouver des pistes pour atteindre cet objectif.

Finalement, sous réserve des cas exceptionnels, chacun peut y trouver son compte s’il s’organise correctement en amont.

2. On relève une conception large de la réception de la clientèle (il n’est pas requis qu’elle soit offerte de manière permanente. Un prestataire d’hébergement peut proposer à ses clients un choix entre un accueil physique avec remise des clés en main propre et un accueil par l’intermédiaire d’un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés via une boîte à clés).

[28/03/2025] Cela étant, l’administration précise à présent que « la seule mise à disposition des clés via une boîte à clés, sans alternative proposée avec un accueil physique, ne saurait constituer une réception même non personnalisée de la clientèle » (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 § 100). Une location de deux nuits avec boîte à clés est donc exonérée sauf si l’exploitant propose l’alternative de l’accueil physique et choisit le bénéfice des tolérances concernant le renouvellement du linge et le ménage hebdomadaire (voir le 4 bis.). Ceux qui subiraient les modifications du régime de la franchise en base (voir notre article) peuvent donc trouver à cet égard le moyen de continuer à exonérer de TVA leur activité. 

3. Certains services doivent être effectivement fournis pour être retenus pour justifier la taxation à la TVA :
– la réception de la clientèle ;
– la fourniture du linge de maison en début de séjour ;
– le nettoyage des locaux en début de séjour.

4. D’autres services (i.e. petit-déjeuner, renouvellement hebdomadaire du linge et nettoyage hebdomadaire des locaux lorsque la durée du séjour est supérieure ou égale à une semaine) peuvent n’être proposés que sur option via un prix supplémentaire et ne doivent donc pas être obligatoirement fournis, sous réserve de pouvoir démontrer (i) d’avoir les moyens nécessaires permettant d’assurer la fourniture de ces services à l’ensemble des clients hébergés et (ii) l’effectivité de la proposition.

[28/03/2025] 4 bis. Lorsque la durée du séjour est inférieure à une semaine (c’est-à-dire, selon la mise à jour du BOFIP, un séjour comprenant un maximum de cinq nuits, ce qui est exclut donc les locations à la « semaine »), l’exploitant peut – l’administration précise à présent qu’il s’agit d’une tolérance (***) – considérer que sont satisfaites les conditions du renouvellement hebdomadaire du linge et du nettoyage hebdomadaire des locaux si le linge est renouvelé en début de séjour et que le nettoyage est effectué en début de séjour. Cette tolérance qui visent particulièrement les locations courtes (une à deux nuits, par exemple) devient d’une application délicate si, ponctuellement, la location dépasse cinq nuits. Dans ce cas, à défaut de pouvoir utiliser les tolérances, certaines locations seraient taxables (une ou deux nuits) et d’autres exonérées (sept nuits par exemple, s’il s’agit d’une location ponctuelle à la semaine) si les services n’étaient pas effectivement proposés. Dans cette hypothèse, le régime de TVA de la location à l’exploitant n’est pas prévue. Ces commentaires montrent également l’importance du critère de l’accueil pour des locations de très courte durée (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 § 80 et 90).

[2/04/2025] (***) : confirmation par la réponse ministérielle Daubié JO AN 1er avril 2025 N°1044, selon laquelle : « Toutefois, lorsque le séjour est d’une durée inférieure à une semaine, les remarques insérées dans les paragraphes précités ont pour objet de permettre à l’opérateur de considérer que ces conditions sont remplies du seul fait que le nettoyage des locaux est effectué au moins avant le début du séjour ou que le ligne de maison est au moins renouvelé au début du séjour. S’il le souhaite, l’opérateur peut ainsi s’en prévaloir pour considérer que le client a accès au service alors même que pendant la durée du séjour, le service ne sera pas proposé au client ou que ce dernier n’aura pas la possibilité d’en demander l’exécution. »

5. Certaines restrictions sont rappelées / précisées :
– petit déjeuner : le distributeur automatique ne suffit pas ; [28/03/2025] idem pour la recommandation d’adresses d’établissements de restauration ;
– nettoyage des locaux : la simple mise à disposition du client du matériel servant au nettoyage ne suffit pas ;
– fourniture du linge de maison : la mise à disposition d’une laverie, sans renouvellement du linge de maison, ne suffit pas.

6. Point important : Les mêmes commentaires sont applicables à la para-hôtellerie de courte durée ou de longue durée.

7. Le régime de la location des locaux à un exploitant est également précisé, s’agissant du taux de TVA applicable et du régime de taxation qui reprend, comme par le passé, un « découpage » du loyer : une partie du loyer est donc soumise de plein droit à la TVA au taux réduit applicable à l’opération d’hébergement alors qu’une autre partie du loyer est soumise à la TVA, selon les règles habituelles (e.g. l’option à la TVA), au taux de 20% (BOI-TVA-LIQ-30-20-10 § 10). « La location des locaux destinés à l’hébergement proprement dit ainsi que des locaux d’accueil, des parties communes et des locaux administratifs qui ne produisent pas d’autres recettes par eux-mêmes que les loyers acquittés par les clients au titre de l’hébergement ou de la location de logement en meublé sont à ce titre soumis au taux réduit. »

[28/03/2025] 7 bis. Financement par crédit-bail du bailleur – le principe de la taxation de plein droit de la location à l’exploitant est applicable « quel que soit le nombre d’intermédiaires s’interposant entre le propriétaire de locaux et le prestataire d’hébergement » (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 § 140). La question du taux de TVA applicable à cette location demeure délicate dans la mesure où le BOI-TVA-LIQ-30-20-10 § 10 n’a pas été modifié et continue à renvoyer à l’ancienne version du BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 § 140.

8. La tolérance prévue pour les EHPAD s’agissant des meubles des occupants est étendue aux résidences services.

Premières conclusions :
– nécessité de revoir ou d’adapter dès que possible l’ensemble des documents relatifs aux relations bailleurs-occupants et prestataires-bailleurs ; 
– La para-hôtellerie longue durée peut continuer à être soumise à la TVA sans révolution majeure sous réserve d’une revue / adaptation rapide dans chaque situation dans la mesure où le nouveau régime peut créer des pièges (e.g. renouvellement hebdomadaire du linge) ;

[28/03/2025] Ces deux premières conclusions demeurent d’actualité.

– le Airbnb d’une nuitée + boîte à clef peut être soumis à la TVA sauf application de la franchise en base.

[28/03/2025] Le Airbnb d’une nuit avec boîte à clés n’est plus soumis à la TVA sauf si l’exploitant s’organise avec la nouvelle définition de l’accueil ou avec un service de petit déjeuner pour être taxé à la TVA. Derrière ce changement de régime, nous sentons les conséquences des modifications du régime de la franchise en base (voir notre article).

Nous souhaitons à nos lecteurs un bel été.

Consulter les nouveaux commentaires au BOFIP.

5
Juil

Importance de la rédaction de l’acte pour la détermination du régime de TVA (suite)

La CAA de Bordeaux (CAA Bordeaux, 5ème Chambre, 25 juin 2024, 22BX02641) vient de rendre un arrêt intéressant à la suite de l’arrêt CE 11/10/2022, 8e et 3e ch., n° 46456, BH Concept, « Mentionné dans les tables du recueil Lebon » et de l’arrêt Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 02/04/2024, 466644, Inédit au recueil Lebon (voir notamment notre article du 9 avril 2024).

Si on essaie de retirer des enseignements de cet arrêt, on comprend que la qualification TVA du bien vendu s’opère en référence aux trois éléments suivants : (i) la référence cadastrale, (ii) la désignation du bien et (iii) le prix.

On constate ici à nouveau l’importance des clauses autres que la clause fiscale pour la qualification des biens vendus au regard de la TVA.

Bien évidemment, la qualification des biens vendus a ensuite une conséquence s’agissant de la détermination du régime de TVA applicable.

Conséquences pratiques à définitivement confirmer

– un immeuble et son terrain sur une seule parcelle cadastrale seraient considérés comme un seul bien, à savoir un immeuble bâti, peu importe l’importance du terrain (1)

– s’agissant du même immeuble et du même terrain, la situation serait identique s’il y avait deux parcelles mais un seul bien dans la clause désignation et un seul prix (2)

– toujours pour ces mêmes biens, la situation serait différente, s’il y avait deux parcelles, deux biens dans la clause désignation et deux prix (3)

Selon les cas, il y aurait de la TVA sur la cession du terrain (terrain à bâtir) (3) ou une exonération intégrale (sauf option) s’il s’agit d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans (s’agissant d’une vente par un assujetti agissant en tant que tel) (1) et (2).

On peut constater à quel point la subjectivité s’inviterait à présent dans les régimes de TVA qui devaient à l’origine reposer sur des qualifications objectives.

Il va sans dire que les commentaires de l’administration fiscale seront attendus avec intérêt, la jurisprudence s’écartant sensiblement de la volonté du législateur de 2010.

14
Avr

TVA – crise du logement

A noter le dépôt le 11 avril 2024 d’une proposition de loi portant mesures d’urgence visant à faire face à la crise du logement à l’Assemblée nationale.

L’article 8 de ce texte propose d’ouvrir aux investisseurs individuels le taux de TVA de 10 % pour la construction de logements intermédiaires (modification de l’article 279-0 bis A du CGI pour ajouter les personnes physiques aux personnes morales comme destinataires des livraisons de logements).

A noter également le rapport à venir le 30 avril prochain de la Mission d’information relative à la crise du logement au Sénat, dont nous recommandons fortement le visionnage des différentes auditions.

A suivre, par ailleurs, la question écrite déposée par Romain Daubié (question N° 15559). Pour mémoire, Romain Daubié est l’auteur de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements qui a été adoptée en première lecture le 7 mars 2024 par l’Assemblée nationale et dont l’étude par le Sénat devrait commencer le 7 mai. Cette proposition de loi prévoirait notamment, la soumission à la taxe d’aménagement, sur décision des collectivités locales, des opérations de transformation des bureaux en logement (art. 2 et 3) et exonérerait de la taxe annuelle bureau les « locaux à usage de bureaux qui font l’objet d’un projet de transformation en logements ayant fait l’objet d’un dépôt de permis de construire au cours de l’année précédant la déclaration de la taxe » (art. 3 bis A (nouveau)).

Enfin, le projet de loi concernant le logement devrait, quant à lui, être déposé au Sénat le 17 juin prochain.

 

 

 

9
Avr

TVA – TVA sur marge – importance de la rédaction de la clause désignation

Le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt important, même s’il est étonnamment classé « Inédit au recueil Lebon », concernant le régime de la TVA sur marge (Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 02/04/2024, 466644, Inédit au recueil Lebon).

Le régime de la TVA sur marge, prévu de manière optionnelle par l’article 392 de la Directive TVA 2006/112/CE, que la France est la seule à avoir choisi de transposer, a été la source d’un contentieux fourni qui a historiquement trouvé sa source dans des opérations de détachement de parcelles (i.e. achat d’une maison et de son jardin pour revendre séparément la maison et un ou plusieurs terrains à bâtir) et qui a trouvé son « apothéose » dans un contentieux issu du régime applicable avant la réforme de la TVA immobilière opéré par la loi de finances rectificative pour 2010 (loi n°2010-237 du 9 mars 2010).

Après de nombreux arrêts du Conseil d’Etat et un arrêt et une ordonnance de la cour de justice de l’union européenne, nous savons que la TVA sur marge, telle que nous la connaissons aujourd’hui, vit ses derniers jours en attendant le nouveau BOFIP qui viendra sonner l’hallali, et qu’elle ne survit aujourd’hui que grâce aux soins palliatifs apportés par la réponse ministérielle Grau N° 42486 (JO AN du 1er février 2022) qui permet, sous certaines conditions, de continuer d’appliquer le régime tel qu’il avait été initialement conçu par l’administration fiscale, sous réserve des retouches successives et parfois contraires apportées par différentes réponses ministérielles.

Compte tenu de ce diagnostic vital engagé, on pourrait s’interroger sur la motivation qui nous conduit au commentaire de cet énième arrêt du Conseil d’Etat.

La raison est simple. Nous pensons que ce nouvel arrêt précise les critères de qualification du bien vendu au regard de la TVA et par conséquent le régime de TVA applicable à la vente de ce bien.

Ainsi, lorsqu’un bien est composé d’un bâti et de plusieurs parcelles, ce nouvel arrêt permet de répondre à la question de savoir si le vendeur vend un bâti et un ou plusieurs terrains (qui peuvent, selon leur classification au PLU, être ou non à bâtir – article 257, I-2-1° du CGI) ou seulement un bâti et son terrain d’assiette sis sur plusieurs parcelles qui suivent dès lors le régime TVA du bâti.

Nous reprendrons les conclusions de la rapporteure publique Esther de Moustier (dont nous recommandons la lecture) comme fil d’ariane.

Les faits

« la société Echo 5, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis en 2011 à Reyrieux (Ain) un bien immobilier comprenant des constructions et composé de plusieurs parcelles. En 2014, elle a revendu quatre terrains à bâtir issus de divisions de cette propriété. Elle a placé ces cessions, pour leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sous le régime de la marge prévu par l’article 268 du code général des impôts. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration, estimant que ces terrains n’avaient pas été acquis par l’intéressée en qualité de terrains à bâtir, a remis en cause l’application de ce régime et a mis à la charge de la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.  »

On comprend donc que certaines parcelles revendues trouvent leur origine dans des parcelles sur lesquelles ne se trouvait aucune construction lors de leur achat (ce qui est confirmé par le point 5. de l’arrêt).

Rappelons dès à présent les règles posées par la CJUE (CJUE 30 septembre 2021, C-299/20, Icade Promotion SAS et CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS)

– Point qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de cet article : Le régime de marge requiert une condition d’identité « juridique » qui repose sur la comparaison de la qualification TVA de ce qui est acheté avec ce qui est revendu. Il faut donc acheter et revendre un terrain à bâtir si on veut appliquer la TVA sur marge sur la revente de ce terrain à bâtir.

– Le régime de marge ne requiert pas de condition d’identité « physique ». le découpage physique du terrain n’a pas de conséquence.

– Un terrain à bâtir qui fait l’objet de travaux de raccordement aux réseaux demeurent un terrain à bâtir et ne devient pas un bâtiment.

– Point qui marque la fin prochaine de la TVA sur marge telle que nous la connaissons et dont nous reparlerons pas dans cet article : La TVA sur marge s’applique soit lorsque l’acquisition des biens a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, soit lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. En dehors de ces deux hypothèses, la TVA sur marge ne s’applique pas aux opérations portant sur des biens dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA, soit qu’elle se trouve en dehors de son champ d’application, soit qu’elle s’en trouve exonérée.

Concernant le premier point de la condition d’identité « juridique », la CJUE rappelle que : « il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte des définitions prévues par la législation nationale et de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en cause au principal, si les biens acquis par les défenderesses au principal relèvent de la notion de « terrain à bâtir », au sens de l’article 12, paragraphe 3, de la directive TVA, et, ainsi, du champ d’application de l’article 392 de cette directive » (§ 29 de l’arrêt CJUE 10 février 2022, C-191/21, Les Anges d’Eux SARL, Echo 5 SARL, Cletimmo SAS).

A cet égard, la rapporteure publique rappelle les divergences d’interprétation entre les juges du fond, que nous avons déjà indiquées dans plusieurs articles. Certains juges retiennent en effet une analyse fondée sur les parcelles cadastrales sans tenir compte de la clause désignation de l’acte d’acquisition. D’autres, en revanche, recourent à la notion d’unité foncière « pour retenir, en substance, qu’une parcelle ne revêtait pas, à la date de son acquisition, le caractère de « terrain à bâtir » lorsque cette parcelle avait été acquise dans une unité foncière ou un ensemble immobilier contenant une autre parcelle sur laquelle était située un immeuble bâti, ajoutant qu’il en allait ainsi quand bien même cet ensemble avait fait l’objet, avant sa revente, d’une division parcellaire et que la parcelle revendue ne comportait pas, lors de son acquisition, d’immeuble bâti« . La CAA de Nantes s’est notamment illustrée sur une telle approche (voir notre article).

Interprétation du Conseil d’Etat 

Sur le sujet, nous avions en dernier lieu en tête un arrêt BH concept, dont la lecture n’était pas évidente mais qui laissait à penser que la parcelle avait une importance cruciale (CE 11/10/2022, 8e et 3e ch., n° 46456, BH Concept, « Mentionné dans les tables du recueil Lebon »). Ainsi, pour être considéré comme terrain (le cas échéant, à bâtir), il convenait de vérifier que le terrain était matérialisé, avant son acquisition, par une parcelle distincte sur laquelle aucun bâti n’était pas présent.

A la lecture de cet arrêt, il n’était toutefois pas totalement clair si la manière dont le terrain était désigné dans l’acte d’acquisition avait ou non une importance pour la qualification de ce bien au regard de la TVA.

L’arrêt du 2 avril 2024, rendue dans l’affaire Echo 5, apporte les précisions suivantes.

Point 4 : « Il résulte également des dispositions de l’article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive du 28 novembre 2006 dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l’objet d’une autorisation de division, ou d’une division effective, lors de l’acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l’acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment. »

Autrement dit, la désignation des biens à l’acte emporte tout et notamment les parcelles, et la nature objective du terrain à bâtir puisque la subjectivité de la clause « désignation » demeure dorénavant le principe.

A la lecture des conclusions, nous comprenons pourtant qu’il convient de « raisonner parcelle par parcelle pour apprécier l’identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien cédé, et de ne pas s’arrêter à l’unité foncière objet de l’acte d’acquisition, du moins au sens du droit de l’urbanisme c’est-à-dire, à l’ « îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE, 1/6 SSR, 27 juin 2005, Commune de Chambéry, n°264667, B – Rec. T. pp. 1070-1072-1134-1146)« .

Partant, il y a donc lieu de ne pas s’en tenir au caractère constructible des parcelles acquises nues, mais de rechercher si celles-ci ont été acquises en vue d’être cédées en qualité de terrain à bâtir, c’est-à-dire en vue de l’édification de constructions et non en qualité de terrains d’agrément de la construction existante. Et, selon la rapporteure publique, les commentaires publiés au BOFIP iraient dans le même sens (BOI-TVA-IMM-10-10-10-40 § 10 sans pour autant relever le « en règle générale » ni les commentaires contradictoires au § 20)  (page 4 des conclusions).

Toujours selon la rapporteure publique : « Cette recherche de l’intention de l’acquéreur-revendeur est inhérente au régime de la TVA sur marge qui ne concerne que les terrains à bâtir achetés en vue de leur revente » , tout en reconnaissant que les implications de cette remarque dépassent les considérations spécifiques à ce régime dérogatoire puisqu’elle reconnaît que : « l’identification de la destination des parcelles dans l’acte de vente n’est pas sans conséquence sur le régime de TVA applicable à leur acquisition, seuls les terrains bâtis et non bâtis étant, à la différence des terrains à bâtir, exonérés de TVA.  »

Pour conclure : « Le ministre est donc fondé à soutenir qu’en l’espèce, la Cour a commis une erreur de droit en se fondant, pour qualifier les parcelles objet de l’opération litigieuse de terrains à bâtir au moment de leur acquisition, sur les seules possibilités réglementaires de construction prévues par le règlement du PLU alors applicable à ces parcelles et en écartant la circonstance que l’acte de vente ne visait qu’une propriété bâtie sans faire explicitement état de la vente de terrains à bâtir. »

En pratique, nous avons tendance à croire que :

– pour qualifier de TAB, il convient d’avoir une parcelle distincte (même si l’arrêt n’est pas totalement clair sur le sujet) ET d’en tirer les conséquences dans la clause désignation qui doit viser plusieurs immeubles, dont le terrain à bâtir.

– autrement, la présence du bâti, désigné comme un bien unique à l’acte, contaminera les différentes parcelles, y compris celles sur lesquelles aucune construction n’est présente au jour de leur mutation.

Ceci revient à accorder une importance particulière à l’intention des parties et à laisser de côté le principe du caractère objectif du terrain à bâtir tel que souhaité par le législateur lors de la réforme de la TVA immobilière.

La bonne nouvelle est que ceux qui avaient oublié d’identifier un terrain à bâtir dans leur désignation, et de le taxer, seront tranquillisés.

Pour les autres qui ont oublié de le viser dans la désignation alors qu’ils souhaitaient distinguer plusieurs immeubles, ce sera, en revanche, plus délicat. 

Dorénavant (la jurisprudence est cependant, par nature, rétroactive), il conviendra donc de prêter une attention particulière (i) aux parcelles, (ii) à la clause fiscale et (iii) à la désignation à l’acte. Dont acte !

Nota du 28 mai 2024 : voir CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 07/05/2024, 23VE00993