Engagement de revendre dans l’habitation – 2 ans ou 5 ans ? nouvelle décision de la Cour de cassation
Lorsqu’un opérateur prend l’engagement de revendre prévu à l’article 1115 du CGI lors de l’achat d’un immeuble à usage d’habitation, notamment pour faire une opération de revente à la découpe ou en bloc, la question est de savoir si l’engagement de revendre doit être rempli dans les 2 ans ou les 5 ans de l’acquisition de l’immeuble.
Pour mémoire, l’article 1115 du CGI dispose que : « Pour les reventes consistant en des ventes par lots déclenchant le droit de préemption prévu à l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation ou celui prévu à l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, le délai prévu pour l’application de l’engagement de revendre visé au premier alinéa est ramené à deux ans. »
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2015, Com. 7 juillet 2015, pourvoi n° 13-23.366 Bull. 2015, IV, n° 51, certains ont cru un peu vite qu’il suffisait de revendre des locaux libres de toute occupation pour échapper au délai de 2 ans et relever du délai de 5 ans, peu importe la situation des locaux lors de leur acquisition.
Deux arrêts de 2024 nous ont montré que ce n’était pas si simple et qu’il était nécessaire de relire l’arrêt du 7 juillet 2015 avec de nouvelles lunettes.
En fait, l’arrêt du 7 juillet 2015 qui traitait d’une hypothèse de mise en copropriété d’un immeuble d’habitation nous indiquait simplement que « ni le fait de se placer sous le régime de l’article 1115 du code général des impôts, ni la division de l’immeuble par lots n’ont déclenché en eux-mêmes le droit de préemption des locataires qui occupaient les appartements au moment de l’acquisition de l’immeuble par la société » et donc ne déclenchaient en eux-mêmes le délai de 2 ans.
Au cas particulier, dans la mesure où les reventes avaient porté sur des lots libres de toute occupation, le délai imparti pour revendre était de 5 ans (4 ans à l’époque).
Un arrêt du 9 octobre 2024 (Pourvoi n° 22-20.175) nous indique, à présent, que le délai de 2 ans s’applique à tous les lots qui n’ont pas été revendus, deux ans après l’acquisition du bien immobilier, et qui sont susceptibles de faire l’objet d’une préemption par leurs occupants.
« Après avoir exactement énoncé que l’article 1115 du code général des impôts implique un engagement de revente dans le délai particulier de deux ans, si le bien est susceptible de faire l’objet d’un droit de préemption, et dans le délai de cinq ans, si le bien cédé est libre, l’arrêt retient que la société Nabu capital ayant pris l’engagement, le 31 décembre 2010, de revendre les biens occupés dans un délai de deux ans, elle n’a pas respecté l’engagement pris pour les lots concernés susceptibles de faire l’objet d’une préemption par leurs occupants. »
Le délai de 5 ans concerne donc les lots d’habitation libres avant la fin du délai de 2 ans qui suit l’acquisition de l’immeuble… pour lesquels, nous enseigne l’arrêt du 14 février 2024 déjà commenté (Com. 14 février 2024, pourvoi n° 22-17.541 Publié au bulletin), aucune offre de vente n’a été notifiée avant la fin de ce délai.
A suivre
TVA – « no shows » – taxation à la TVA confirmée par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a confirmé que les « no shows » devaient être soumis à la TVA.
CE 9 octobre 2024, décisions n° 472257 et 489947
Cette problématique hôtelière traite d’une question intéressante d’un point de vue TVA.
Que se passe-t-il lorsque le prestataire met le client en mesure de bénéficier d’une prestation de services mais que le client n’en fait pas usage ?
Le Conseil d’Etat considère que le prestataire réalise la prestation et que les « no shows » doivent être soumis à la TVA.
Cette analyse s’inscrit dans une toute série d’arrêts, notamment rendus par la CJUE, dans des problématiques proches.
Pour ceux qui travaillent sur des baux en l’état futur d’achèvement (BEFA), cette nouvelle décision fera nécessairement écho avec les indemnités de non prise de possession et la garantie qui leur est associée.
Nota du 12/12/2024 : Ces deux décisions ont été reprises au BOFIP. BOI-TVA-BASE-10-10-50 – TVA – Base d’imposition – Règles applicables à l’ensemble des opérations imposables – Subventions et indemnités | bofip.impots.gouv.fr
TVA – hôtellerie et para-hôtellerie courte et longue durée – nouveau BOFIP
L’administration fiscale vient de commenter le nouveau régime de TVA applicable à l’hôtellerie et à la para-hôtellerie depuis le 1er janvier 2024 (voir notre article précédent).
On se souvient que ce nouveau régime fait suite à un avis rendu par le Conseil d’État le 5 juillet 2023 (voir notre article sur le sujet).
Compte tenu de la période estivale, nous avons résumé en quelques mots ce qui a principalement retenu notre attention. Ce commentaire ne remplace donc pas une lecture attentive des nouveaux commentaires.
1. Sous réserve d’une formalisation correcte de l’ensemble des documents affichés, communiqués ou signés entre (i) le bailleur et les occupants et (ii) le bailleur et ses éventuels prestataires, ces nouveaux commentaires favorisent une taxation large de ces activités même si le texte de l’article 261 D, 4° du CGI continue d’exiger « trois services sur quatre » pour taxer le service d’hébergement (i.e. le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle).
2. On relève une conception large de la réception de la clientèle (il n’est pas requis qu’elle soit offerte de manière permanente. Un prestataire d’hébergement peut proposer à ses clients un choix entre un accueil physique avec remise des clés en main propre et un accueil par l’intermédiaire d’un dispositif de communication électronique, avec mise à disposition des clés via une boîte à clés).
3. Certains services doivent être effectivement fournis pour être retenus pour justifier la taxation à la TVA :
– la réception de la clientèle ;
– la fourniture du linge de maison en début de séjour ;
– le nettoyage des locaux en début de séjour.
4. D’autres services (i.e. petit-déjeuner, renouvellement hebdomadaire du linge et nettoyage hebdomadaire des locaux lorsque la durée du séjour est supérieure ou égale à une semaine) peuvent n’être proposés que sur option via un prix supplémentaire et ne doivent donc pas être obligatoirement fournis, sous réserve de pouvoir démontrer (i) d’avoir les moyens nécessaires permettant d’assurer la fourniture de ces services à l’ensemble des clients hébergés et (ii) l’effectivité de la proposition.
5. Certaines restrictions sont rappelées / précisées :
– petit déjeuner : le distributeur automatique ne suffit pas ;
– nettoyage des locaux : la simple mise à disposition du client du matériel servant au nettoyage ne suffit pas ;
– fourniture du linge de maison : la mise à disposition d’une laverie, sans renouvellement du linge de maison, ne suffit pas.
6. Point important : Les mêmes commentaires sont applicables à la para-hôtellerie de courte durée ou de longue durée.
7. Le régime de la location des locaux à un exploitant est également précisé, s’agissant du taux de TVA applicable et du régime de taxation qui reprend, comme par le passé, un « découpage » du loyer : une partie du loyer est donc soumise de plein droit à la TVA à un taux réduit alors qu’une autre partie du loyer est soumise à la TVA, selon les règles habituelles (e.g. l’option à la TVA), au taux de 20%.
8. La tolérance prévue pour les EHPAD s’agissant des meubles des occupants est étendue aux résidences services.
Premières conclusions :
– nécessité de revoir ou d’adapter dès que possible l’ensemble des documents relatifs aux relations bailleurs-occupants et prestataires-bailleurs ;
– La para-hôtellerie longue durée peut continuer à être soumise à la TVA sans révolution majeure sous réserve d’une revue / adaptation rapide dans chaque situation dans la mesure où le nouveau régime peut créer des pièges (e.g. renouvellement hebdomadaire du linge) ;
– le Airbnb d’une nuitée + boîte à clef peut être soumis à la TVA sauf application de la franchise en base.
Nous souhaitons à nos lecteurs un bel été.
Consulter les nouveaux commentaires au BOFIP.
Importance de la rédaction de l’acte pour la détermination du régime de TVA (suite)
La CAA de Bordeaux (CAA Bordeaux, 5ème Chambre, 25 juin 2024, 22BX02641) vient de rendre un arrêt intéressant à la suite de l’arrêt CE 11/10/2022, 8e et 3e ch., n° 46456, BH Concept, « Mentionné dans les tables du recueil Lebon » et de l’arrêt Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 02/04/2024, 466644, Inédit au recueil Lebon (voir notamment notre article du 9 avril 2024).
Si on essaie de retirer des enseignements de cet arrêt, on comprend que la qualification TVA du bien vendu s’opère en référence aux trois éléments suivants : (i) la référence cadastrale, (ii) la désignation du bien et (iii) le prix.
On constate ici à nouveau l’importance des clauses autres que la clause fiscale pour la qualification des biens vendus au regard de la TVA.
Bien évidemment, la qualification des biens vendus a ensuite une conséquence s’agissant de la détermination du régime de TVA applicable.
Conséquences pratiques à définitivement confirmer
– un immeuble et son terrain sur une seule parcelle cadastrale seraient considérés comme un seul bien, à savoir un immeuble bâti, peu importe l’importance du terrain (1)
– s’agissant du même immeuble et du même terrain, la situation serait identique s’il y avait deux parcelles mais un seul bien dans la clause désignation et un seul prix (2)
– toujours pour ces mêmes biens, la situation serait différente, s’il y avait deux parcelles, deux biens dans la clause désignation et deux prix (3)
Selon les cas, il y aurait de la TVA sur la cession du terrain (terrain à bâtir) (3) ou une exonération intégrale (sauf option) s’il s’agit d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans (s’agissant d’une vente par un assujetti agissant en tant que tel) (1) et (2).
On peut constater à quel point la subjectivité s’inviterait à présent dans les régimes de TVA qui devaient à l’origine reposer sur des qualifications objectives.
Il va sans dire que les commentaires de l’administration fiscale seront attendus avec intérêt, la jurisprudence s’écartant sensiblement de la volonté du législateur de 2010.