TVA – opérations de marchand de biens – timing de la récupération de la TVA d’acquisition (suite)
La CAA de Paris vient de préciser, dans deux décisions du 6 février 2019 (n° 18PA01278 et 18PA01279), SNC VEDF 1 et SNC VEDF 2, qu’un marchand de biens n’est pas en droit de récupérer la TVA grevant l’acquisition d’un immeuble achevé depuis plus de 5 ans au moment de l’acquisition (la solution serait différente pour un immeuble achevé depuis moins de 5 ans). L’opérateur doit en effet attendre la revente de l’immeuble, soumise à la TVA sur option.
Le fait que l’immeuble soit donné en location avec TVA dans l’attente de sa revente ne modifie pas l’analyse, y compris au bout d’une année, lorsque l’assimilation se produit.
Enfin, l’indication dans l’acte d’acquisition de l’intention d’opter lors de la revente est également sans conséquence.
Le marchand de biens est donc contraint de porter la TVA grevant l’acquisition de l’immeuble pendant toute la durée de l’opération.
Nous avions déjà évoqué cette problématique dans un article du 17 février 2016.
Dispense de TVA – article 257 bis – non incidence du régime de l’assimilation
Un rescrit a été émis par la DLF dans une affaire particulière indiquant que le régime de l’assimilation est sans incidence sur la qualification des opérateurs au regard de l’article 257 bis du CGI.
Ainsi, un acheteur-revendeur qui a inscrit en stock un immeuble achevé depuis plus de 5 ans et qui l’a donné en en location pendant plus d’un an (immeuble en stock dès lors assimilé à une immobilisation pour les seuls besoins des régularisations de TVA), ne devient pas, pour autant, un bailleur pour l’application de l’article 257 bis.
Cet acheteur-revendeur n’est donc pas en mesure de vendre l’immeuble en dispense de TVA à un bailleur qui indiquerait remplir, quant à lui, les conditions d’application posées par l’article 257 bis du CGI.
Ce rescrit complète utilement la réponse Grau du 10 juillet 2018.
Pour mémoire, le régime de l’assimilation est posé par l’article 207, IV-3 de l’annexe II au CGI.
Dispense de TVA – article 257 bis – Crédit-bail et marchands de biens – modification du BOFIP
L’administration fiscale vient d’apporter les précisions officielles suivantes concernant la dispense de TVA applicable au secteur immobilier.
1. Le régime de TVA applicable aux opérations effectuées par les « acheteurs-revendeurs » n’est pas modifié. Ainsi, selon l’administration fiscale, l’article 257 bis ne s’applique toujours pas à la vente d’un immeuble donné en location avec TVA par un opérateur ayant inscrit l’immeuble en stock, i.e. marchands de biens ou promoteurs, à un opérateur qui va immobiliser l’immeuble et le donner en location avec TVA, e.g. foncières (voir l’actualité du 3 janvier 2018). Cette précision évitera, on l’espère, l’émission de nouveaux rescrits contraires par certains services fiscaux.
2. L’administration fiscale confirme l’application de la dispense de TVA à la revente, dès son acquisition, d’un immeuble par un crédit preneur ayant préalablement levé l’option d’achat auprès du crédit bailleur, lorsque le nouvel acquéreur poursuit l’activité de location des locaux. Il s’agit de la confirmation des décisions du Conseil d’Etat du 23 novembre 2015, n° 3750544 et n° 375055) (§ 286 du BOI-TVA-DED-60-20-10-20180103) (voir sur le sujet https://taximmo.fr/257-bis-cbi-levee-doption-suivie-dune-revente-rapide-arrets-du-conseil-detat/)
3. L’administration fiscale confirme également l’application de la dispense de TVA au refinancement via la mise en place d’un nouveau crédit-bail, d’un immeuble donné en location avec TVA (RES N° 2018/02 (TCA) du 03 janvier 2018).
4. L’application de la dispense de TVA est également confirmée lorsqu’un immeuble, donné en location dans le cadre d’un contrat de crédit-bail immobilier soumis à la TVA, est cédé au crédit-preneur lors de sa levée d’option d’achat et que celui-ci, qui affectait l’immeuble à une activité de sous-location taxée, entend continuer à affecter l’immeuble à une telle activité locative soumise à la TVA (RES N° 2018/02 (TCA) du 03 janvier 2018), y compris, nous comprenons, si cette continuation n’est effectuée qu’un instant de raison, l’administration précisant en effet que « Le fait que la revente n’intervienne pas le même jour que la levée d’option est sans incidence » (§ 286 du BOI-TVA-DED-60-20-10-20180103). On regrettera cette rédaction trop complexe et l’absence d’exemples pratiques.
Cette modification officielle du BOFIP apparaît en ligne avec les rescrits non publiés qui avaient donné lieu à l’article du 7 juin 2017 (https://taximmo.fr/257-bis-cbi-levee-doption-suivie-dune-revente-rapide-par-un-investisseur-locatif-premiers-rescrits/).
Cette modification du BOFIP a également été accompagnée de l’envoi à certains opérateurs d’une lettre de l’administration fiscale leur indiquant que, compte tenu de la modification du BOFIP (crédit-bail) ou de son absence de modification (immeubles en stock), les demandes de rescrit envoyées ne feront pas l’objet d’une décision individuelle.
A noter que l’administration fiscale ne précise pas la situation des opérateurs qui auraient soumis à la TVA (de plein droit ou sur option ou encore via le transfert de « vingtièmes« ) des opérations qui, compte tenu des commentaires ci-dessus, auraient dû relever de la dispense de TVA.
DMTO – engagement de revendre – respect partiel – tolérance administrative – application aux achats antérieurs au 11 mars 2010
Une tolérance administrative introduite par l’instruction 7 C-2-11 du 18 avril 2011 (§14) permet, en cas de respect partiel de l’engagement de revendre, de limiter l’assiette des droits supplémentaires (5,09% ou 5,80% – 0,715%) à hauteur de la différence entre le prix d’achat du bien et le prix des parties revendues. Cette tolérance est reprise au BOFIP BOI-ENR-DMTOI-10-50-20140429 § 110.
Exemples : un marchand de biens achète un immeuble 500 000 EUR. Un engagement de revendre est pris afin de limiter le montant des droits à 0,715% au lieu de 5,80%. Par hypothèse, le délai pour revendre est de 5 ans. A l’expiration du délai imparti pour revendre, une partie de l’immeuble reste invendue.
Le prix des parties revendues atteint 510 000 EUR. Grâce à la tolérance, le marchand de biens ne doit aucun droit supplémentaire au titre de l’acquisition de l’immeuble.
Dans l’hypothèse où le prix des parties revendues atteint 480 000 EUR, les droits complémentaires sont dus sur une base de 20 000 EUR alors même que la valeur des parties non revendues serait de 100 000 EUR.
La Cour d’appel de Chambéry vient de juger que cette tolérance administrative s’applique également aux acquisitions intervenues avant le 11 mars 2010, c’est-à-dire avant la parution de l’instruction qui introduit cette tolérance.
CA Chambéry, 25-10-2016, n° 15 00202
Nota du 24 janvier 2024 : Voir en sens contraire Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 novembre 2023, n°21-20.978