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18
Fév

Charges locatives et TVA – Field Fisher Waterhouse LLP (C392/11)

 

Un arrêt rendu par la CJUE dans une affaire britannique Field Fisher Waterhouse LLP (FFW) permet de faire le point sur le régime de TVA applicable aux charges locatives.

L’affaire était très particulière. Il s’agissait d’une location de bureaux qui était exonérée de la TVA et qui avait été conclue avec un locataire récupérateur de la taxe. L’exonération avait été appliquée sur le loyer et sur les charges locatives (aucune TVA n’était donc facturée par le bailleur), ce qui soulevait une difficulté pour le locataire puisque le bailleur lui répercutait la TVA qu’il ne pouvait pas récupérer sur les charges locatives.

Le locataire avait donc demandé à l’administration britannique le remboursement de la TVA que le bailleur aurait dû lui facturer.

Au premier abord, cette demande apparaît étonnante. Les charges locatives sont généralement considérées comme un accessoire du loyer. Le locataire avait toutefois un excellent argument. En effet, un arrêt rendu par la CJUE en juin 2009 (RLRE TELLMER C-572/07) avait indiqué que le nettoyage des locaux devait, dans certaines circonstances, être distingué de la location alors même que le nettoyage était fourni par le bailleur.

Dans l’affaire FFW, le locataire demandait donc l’extension de cette jurisprudence à l’ensemble des charges locatives.

La CJUE rejette toutefois cette analyse et semble considérer que, sauf cas particuliers, les charges locatives devraient être indissociables du loyer et suivre le même régime de TVA.

D’un point de vue français, cet arrêt appelle deux remarques :

  1. Ceux qui pensent qu’une option à la TVA sur le loyer aurait résolu toutes les difficultés, doivent avoir en tête qu’une telle option vise l’intégralité des locaux non affectés à l’habitation situé dans un même immeuble. Dans l’hypothèse où une partie des locaux est donnée en location à un locataire non récupérateur de TVA (e.g. une banque, une administration), une telle option peut avoir des conséquences négatives pour le bailleur s’il ne peut pas répercuter la TVA aux locataires.
  2. Les charges locatives connaissent un régime de TVA particulier en France. Celles-ci suivent, en principe, le régime du loyer. Toutefois, l’administration admet, sous certaines conditions particulièrement difficiles à remplir, que les charges locatives soient déconnectées du loyer pour être refacturées séparément au locataire avec leur régime de TVA propre, via les débours (voir § 240 & s. du BOI-TVA-BASE-10-10-30-20120912). En pratique, cependant, les conditions d’application de cette tolérance administrative sont telles que ne peuvent pas relever de ce régime, les baux qui prévoient la répercussion au locataire de la totalité des dépenses liées à l’immeuble (e.g. les baux « triple net »).

 

Article rédigé avec la participation de Mélanie Michenot, avocat, Taj

 

11
Fév

Les nouvelles règles de liquidation des droits d’enregistrement lors de la cession de titres de « sociétés à prépondérance immobilière » 

 

Les dispositions de l’article 726, II-2° du CGI (issues de la première loi de finances rectificative pour 2012), ont profondément aménagé les règles d’assiette des droits d’enregistrement dus lors de la cession de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière (SPI). Désormais, l’assiette desdits droits est déterminée à partir de la valeur réelle des biens et droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société, après déduction du seul passif afférent à l’acquisition de ces biens ou droits immobiliers, ainsi que la valeur réelle des autres éléments d’actifs bruts. A défaut de commentaires administratifs publiés ou mis en consultation à ce jour, la portée générale et le manque de précision de ces dispositions risquent de détourner ce nouveau dispositif de sa finalité tendant à mettre fin à des schémas d’optimisation et de produire, par voie de conséquence, des effets collatéraux tant inattendus que néfastes sur des cessions de titres inscrites, pourtant, dans une pure logique économique.

A la lumière de l’exposé des motifs ayant conduit à l’adoption de ces nouvelles modalités de calcul, il apparait que l’objectif du législateur a été celui d’éviter les « comportements d’optimisation fiscale » consistant en « l’apport de dettes au compte courant de la société, à seule fin de minorer l’assiette du droit d’enregistrement ». Or, cet objectif législatif ne transparait pas naturellement des dispositions de l’article 726, II-2° dont la rédaction leur confère une portée assez large sans permettre de préciser leurs modalités pratiques d’application. Cet état de droit ne manque pas de susciter avec acuité la question de savoir si ce dispositif demeurera circonscrit aux seuls schémas « optimisant » ou sera, de facto, étendu aux dépenses dont la substance économique est pourtant établie.

Incertitudes relatives à la nature des dépenses admises en déduction de l’assiette

Au nombre des dépenses dont la substance économique est incontestable figurent, notamment, celles liées au financement de la construction, des travaux d’entretien, de réparation et d’amélioration. A cet égard, le texte vise le « seul passif afférent à l’acquisition des biens et droits immobiliers » et n’évoque pas le cas des immeubles, non pas acquis, mais construits par le contribuable. Sauf à instaurer une inégalité des contribuables devant les charges publiques, il paraît légitime de considérer qu’au même titre que le passif lié à l’acquisition d’un immeuble, celui afférent à sa construction devrait être admis en déduction. S’agissant des dettes liées au financement des travaux et bien qu’elles ne soient pas stricto sensu liées à l’acquisition de l’immeuble, il n’en demeure pas moins qu’elles sont engagées dans le cadre de l’activité économique exercée par le contribuable et ne figurent pas au nombre de celles destinées à la réduction de l’assiette des droits d’enregistrement telles que visées par le législateur. A ce titre, une tolérance administrative admettant leur déduction permettrait d’éviter aux nouvelles dispositions tout effet « anti-économique » qui serait contraire à l’intention du législateur.

Par ailleurs, force est de constater qu’en pratique un certain nombre de contribuables procèdent à un refinancement de dette pour rembourser les dettes actuelles et les remplacer par de nouvelles obtenues dans de meilleures conditions. La dette servant au refinancement sert les mêmes objectifs et porte sur les mêmes actifs que la dette initiale. A ce titre, et comme l’administration a semblé l’admettre lors de plusieurs colloques, le refinancement de la dette contractée pour l’acquisition de l’actif ne devrait pas remettre en cause sa déduction pour le calcul de l’assiette des droits d’enregistrement.

Incertitudes relatives à la nature des titres devant être placés sous le régime des nouvelles règles

La rédaction des nouvelles dispositions qui excluent explicitement les titres de SCPI offerts au public, ne permettent pas de clarifier le régime applicable aux cessions de parts d’OPCI (Sppicav et FPI). En effet, cette exclusion a été spécifiquement prévue « compte tenu des échanges fréquents auxquels donnent lieu de telles titres ». Il pourrait être légitime de penser que les OPCI qui présentent globalement les mêmes caractéristiques que les SCPI pourraient bénéficier du même régime. Or, il n’est pas exclu que l’administration ou le juge présument qu’à défaut d’être cotés en bourse, les OPCI ne remplissent pas la condition liée à la fréquence des échanges sur les titres. Si tel était le cas, la question se poserait de savoir si les OPCI seront admis à apporter la preuve contraire pour justifier, au cas par cas, leur exclusion du champ d’application des dispositions de l’article 726, II-2° du CGI.

Incertitudes relatives aux modalités de détermination de l’assiette des droits d’enregistrement en cas de détention « en chaine » de SPI

Il s’agit, dans sa configuration la plus simpliste, d’une opération portant sur les parts d’une SPI « A » ayant un actif composé de 100% des titres d’une SPI « B » laquelle détient, pour actif majoritaire, un immeuble. La dette d’acquisition de l’immeuble contracté par la SPI « B » est déductible de l’assiette des droits d’enregistrement applicables à la cession de titres de la SPI « A ». En revanche, qu’en est-il de la dette contractée par la SPI « A » pour l’acquisition des titres de la SPI « B » ? Il nous semble que dans la mesure où le régime de droits d’enregistrement applicable aux immeubles est transposé à celui des titres de SPI, le passif afférent à l’acquisition des titres de SPI devrait, au même titre que celui afférent à l’acquisition des immeubles sous-jacent, être admis en déduction.

S’agissant de l’actif qui doit être pris en compte pour la détermination de l’assiette des droits d’enregistrement, la question se pose de savoir si les nouvelles dispositions n’amèneraient pas, en pratique, à retenir à l’actif de la SPI « A » aussi bien la valeur réelle des titres de la SPI « B » que celle de l’immeuble sous-jacent. Si tel était le cas, cela se traduirait par une situation de double imposition, dans la mesure où la valeur réelle des titres de la SPI « B » intègre celle de l’immeuble sous-jacent.

Il serait, dès lors, opportun que des commentaires administratifs viennent éclaircir les modalités d’application des nouvelles dispositions qui ne permettent pas, en l’état, d’appréhender de manière précise les notions d’ « actif » et de « passif » pourtant essentielles à la détermination de la nouvelle assiette d’imposition aux droits d’enregistrement.

Conséquences collatérales de la nouvelle base des droits d’enregistrement sur les sociétés opérationnelles en difficulté financière

La définition actuelle des SPI axée sur la proportion de la valeur des immeubles par rapport à la valeur des autres actifs détenus amène, en pratique, à pénaliser les sociétés opérationnelles connaissant des difficultés économiques qui peuvent se voir qualifier de SPI au sens des droits d’enregistrement du seul fait de la perte de valeur du « fonds de commerce » par rapport aux actifs immobiliers.

Alors qu’en vertu des anciennes règles de calcul de la base soumise aux droits, l’effet de cette qualification était atténué par la prise en compte de l’ensemble des dettes sociales (de sorte qu’en pratique seule la valeur nette de l’actif se trouvait soumise aux droits), les nouvelles règles conduisent désormais, en pratique, à inclure dans la base des droits d’enregistrement l’ensemble des dettes d’exploitation relatives à l’activité opérationnelle.

Cette conséquence est particulièrement défavorable aux opérations de reprise d’entreprises en difficulté par des repreneurs souhaitant relancer l’activité. Il semble, à cet égard, primordial que soit admise, par voie de tolérance administrative ou d’évolution législative, la possibilité de déduire les dettes d’exploitation pour la détermination de l’assiette des droits d’enregistrement des sociétés utilisant les immeubles pour les besoins de leur exploitation.

En définitive, force est de constater que les nouvelles dispositions de l’article 726, II-2° du CGI, ravivent la nécessité de repenser, dans le cadre d’une évolution législative, la définition des SPI, en tenant compte notamment, de l’insécurité juridique induite par la multiplicité et l’hétérogénéité des critères qualifiant la « prépondérance immobilière » au gré des impôts concernés mais également de l’ineptie d’une telle qualification à l’égard de sociétés opérationnelles qui ne doivent leur prépondérance « immobilière » qu’à leur décadence « financière ».

 

Sarvi Keyhani, avocat associé et Soufiane Jemmar, avocat manager, TAJ société d’avocats, membre de Deloitte Touche Tohmatsu limited

 

5
Fév

Echange d’un terrain contre des constructions – méthode des « tantièmes » – assiette et exigibilité de la TVA

 

A la suite d’une question préjudicielle posée par la Bulgarie (C-549/11 ORFEY), la Cour de Justice de l’Union européenne a eu l’occasion d’indiquer le régime de TVA applicable à une opération qui n’est pas sans rappeler la méthode des « tantièmes ».

En effet, les propriétaires d’un terrain avaient constitué un droit de superficie au profit d’une société qui devait y construire un bâtiment.

En paiement de ce droit de superficie, la société devait remettre des locaux situés dans ce bâtiment aux propriétaires d’origine qui, d’un point de vue technique, avaient conservé des droits de superficie au titre de ce terrain.

Dans ce contexte, le juge communautaire a tout d’abord indiqué que la TVA sur les services de construction devait, en principe, être exigible dès le moment auquel le droit de superficie était constitué (i.e. avant même que cette prestation ne soit effectuée), dès lors que, au moment de la constitution de ce droit, tous les éléments pertinents de cette prestation de services sont déjà connus et donc, en particulier, les services en cause sont désignés avec précision, et que la valeur dudit droit est susceptible d’être exprimée en argent.

Ainsi, la TVA due au titre des travaux immobiliers peut devoir être reportée sur la déclaration de TVA déposée au titre du mois au cours duquel le droit de superficie est constitué. Pour comparer, rappelons que cette analyse est soutenue par l’administration fiscale s’agissant des dations d’immeubles à construire (voir à cet égard, BOI-TVA-IMM-10-20-20-20120912 § 30).

S’agissant de l’évaluation de la prestation de travaux, le juge communautaire a rappelé qu’il convenait d’écarter une « valeur normale » au profit d’une analyse plus fine prenant en considération les circonstances de l’espèce.

Bien que cet aspect de l’analyse demeure assez théorique, l’arrêt permet cependant de rappeler les principes suivants :

  • La TVA est due sur la contrepartie réellement reçue par l’assujetti et non sur une valeur estimée selon des critères objectifs ;
  • Afin de prévenir la fraude ou l’évasion fiscale, l’article 80 de la directive permet toutefois aux Etats membres de prévoir que la TVA est due sur la valeur normale d’une opération ;
  • Ce recours à la valeur normale n’est toutefois envisageable que lorsqu’il existe entre les parties des liens familiaux ou d’autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d’affiliation, financiers ou juridiques tels que définis par l’Etat membre.

A cet égard, on comprend de la décision que les parties à une opération d’échange ne sont pas considérées, en tant que telles, comme entretenant des liens « qualifiant » au sens du mécanisme anti-fraude offert par l’article 80 de la directive TVA.

Par ailleurs, on rappelle que la France n’a pas transposé l’article 80 de la directive (il ne s’agit que d’une option ouverte aux Etats membres). La France dispose en revanche d’un outil spécifique permettant d’assoir la TVA sur la valeur vénale. Cet outil est cependant limité aux ventes d’immeubles (les travaux immobiliers ne sont donc pas concernés) et ne peut être mis en œuvre que lorsque l’administration établit que la différence entre la valeur vénale et le prix stipulé dans l’acte résulte de la fraude ou de l’évasion fiscale.

30
Jan

Marchands de biens – importance de la qualification fiscale des travaux

 

Un arrêt rendu le 15 janvier 2013 par la CAA de Marseille rappelle l’importance de la qualification fiscale des travaux s’agissant d’une opération de marchand de biens.

Cette qualification permet de déterminer :
– l’engagement qui pourra utilement être pris lors de l’acquisition pour ramener les droits d’enregistrement de 5,09% à 0,715% (revendre dans les 5 ou 2 ans) ou 125 euros (construire dans les 4 ans),
– le taux de TVA sur les travaux de rénovation : 7% versus 19,60%,
– le régime de la revente : exonération de TVA sauf option versus taxation obligatoire sur le prix total au taux normal de 19,60%.

La qualification fiscale des travaux peut s’avérer délicate. L’obtention d’un rescrit permet alors de sécuriser l’analyse sous réserve que la demande contienne l’ensemble des informations nécessaires à l’analyse de l’administration fiscale.

Dans l’affaire soumise à la CAA de Marseille, le juge fiscal a confirmé le rappel de TVA opéré par l’administration fiscale qui après avoir considéré que les travaux conduisaient à un immeuble neuf, avait réclamé la différence entre la TVA sur le prix et la TVA sur marge encore applicable. Le marchand de biens invoquait un rescrit nominatif en sa faveur mais celui-ci s’est révellé inefficace, le juge ayant considéré la demande comme incomplète.