Le Conseil d’Etat met fin au débat entourant l’assujettissement des immeubles en cours de travaux à la taxe foncière sur les propriétés bâties
La réalisation de travaux de restructuration lourdes sur un immeuble a souvent suscité des divergences entre l’administration et les contribuables sur le point de savoir si l’immeuble en cours de travaux devait être soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Hormis les discussions portant sur un éventuel abattement devant s’appliquer à la valeur locative foncière d’un immeuble compte tenu de la dégradation de ses caractéristiques physiques de par les travaux en cours, la question de savoir si l’importance de tels travaux devait purement et simplement amener à exclure ledit immeuble du champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties a souvent été un sujet de contentieux nourri avec l’administration fiscale.
Plusieurs contentieux ont été ainsi menés par le passé aux fins de contester, devant le juge administratif, les décisions par lesquelles l’administration fiscale rejetait les réclamations de contribuables qui tentaient d’obtenir un dégrèvement total de taxe foncière sur les propriétés bâties. Ces derniers considéraient qu’un immeuble faisant l’objet d’une restructuration lourde devenait impropre à toute utilisation et ne présentait plus, par voie de conséquence, les caractéristiques permettant son assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Dans un arrêt en date du 7 mars 2006 (n° 03-1219), la cour administrative d’appel de Versailles avait déjà jugé que, dès lors que l’immeuble est en cours de travaux de démolition suivie d’une reconstruction ou d’une restructuration entraînant une restauration complète et une augmentation très importante du volume ou de la surface de la construction ainsi que la création d’aménagements intérieurs neufs, il ne peut pas être regardé comme achevé et, par voie de conséquence, ne saurait être assujetti à la taxe (sur les propriétés bâties) ?
Or, les contribuables se prévalant d’une telle décision se sont souvent vus, en pratique, opposer l’argument selon lequel il ne s’agissait là que d’une décision d’espèce dont la portée devait être appréhendée de manière particulièrement restrictive.
Un tel argument devrait être, désormais, difficilement défendable par les services fiscaux au vu, notamment de la décision rendue le 16 février 2015 (n° 369862, SCI La Haie de Roses) par le Conseil d’Etat en la matière.
La Haute juridiction a, en effet, jugé qu’un immeuble nécessitant une démolition qui, sans être totale, affecte son gros œuvre d’une manière telle qu’elle le rend dans son ensemble impropre à toute utilisation, ne peut plus être regardé, jusqu’à l’achèvement des travaux, comme une construction assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Si cette décision est de nature à limiter, à l’avenir, les discussions avec l’administration sur les points de divergences évoqués ci-dessus, les contribuables devront demeurer vigilants quant à l’ensemble des diligences qu’il convient de mener en cours de réalisation de travaux de restructuration lourde. En effet, le fait générateur de la taxe foncière étant le 1er janvier de chaque année, il demeure essentiel d’être en mesure de justifier, par le biais d’un dossier documenté, de l’état de l’immeuble au 1er janvier de chacune des années au cours desquelles les travaux demeurent en cours. Autrement, les réclamations contentieuses qui seraient ainsi déposées risqueraient d’être rejetées sur la base d’une simple insuffisance de preuve quant à l’état de l’immeuble au moment du fait générateur.
Soufiane Jemmar, avocat, TAJ société d’avocats, membre de Deloitte Touche Tohmatsu limited
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