TVA sur marge – critères d’appréciation de la condition d’identité fiscale – changement des règles du jeu
La vente d’un TAB par un assujetti agissant en tant que tel est soumise à la TVA de plein droit. Selon les cas, la TVA est due sur la marge ou sur le prix total. La vente d’un immeuble achevé depuis plus de 5 ans peut, lorsque l’immeuble est vendu par un assujetti agissant en tant que tel, être soumise à la TVA sur option. A nouveau, cette TVA est due, selon les cas, sur la marge ou sur le prix total.
La détermination des conditions d’application de la TVA sur marge et de la TVA sur prix total a déjà fait l’objet de nombreuses discussions.
Dans ses premières communications, l’administration fiscale indiquait que la TVA sur prix était le principe et que la TVA sur marge était l’exception. Les parties avaient donc le choix d’appliquer la TVA sur le prix, y compris par pure convenance. L’instruction 3 A-9-10 reprise au BOFIP n’a cependant pas officialisé cette thèse. La TVA doit être donc être calculée pour son montant exact sauf lorsque les tolérances spécifiques prévues par le BOFIP, peuvent être appliquées.
S’agissant des conditions à remplir pour déterminer si la TVA sur la marge est applicable, deux conditions cumulatives ont été finalement retenues par l’administration fiscale. La première, une acquisition non grevée de TVA (TVA sur prix, TVA sur marge ou encore TVA d’attestation de l’article 207, III-3 de l’annexe II au CGI). La seconde, une condition d’identité : « revendre ce qui a été acquis ». L’objectif était d’éviter une TVA sur marge lorsqu’un terrain était revendu à la suite de l’acquisition d’un bâtiment démoli par le vendeur. La TVA sur le prix devait dans cette hypothèse, être applicable. Pour autant, après réflexion, la TVA sur marge jouait déjà son rôle de manière efficace dans la mesure où un tel opérateur est sensé revendre plus cher ce qu’il a acquis, y compris après démolition. Pour remplir ce cahier des charges, la condition d’identité devait être appréciée de manière « physique ». Dit autrement, le terrain revendu (ou la partie du terrain revendue) ne devait pas supporter de construction (au sens de la TVA) lors de son acquisition. Au demeurant, cette appréciation physique était totalement en ligne avec la notion objective de TAB. Un TAB est un terrain, qui n’est donc pas le terrain d’emprise de constructions au sens de la TVA, qui est situé dans une zone constructible du PLU.
A la suite de contentieux concernant des opérations de marchands de biens portant sur des détachements de parcelles, des services vérificateurs ont considéré que la condition d’identité n’était pas remplie au motif que la division cadastrale avait été opérée postérieurement à l’acquisition. La TVA sur marge était donc contestée et la TVA sur le prix était exigée.
Une analyse fondée sur l’appréciation physique de la condition d’identité aurait dû mettre fin à ces redressements dès lors que la parcelle détachée ne comportait pas de constructions au sens de la TVA. Au regard de l’analyse objective du TAB au sens de la TVA, la parcelle détachée constituait un TAB au moment de l’acquisition et lors de la revente.
Une réponse ministérielle qui vient d’être publiée, cherche à justifier ces redressements en modifiant les modalités d’appréciation de la condition d’identité.
L’administration précise à présent que le bien revendu doit être identique au bien acquis « quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique ». Premières remarques. Nous comprenons le renvoi aux caractéristiques physiques dans la mesure où il est cohérent avec la notion objective de TAB. En revanche, quelle est la logique du renvoi à une « qualification juridique » alors que l’objectif de la réforme était de mettre en place une définition objective du TAB, indépendante de la volonté des parties ? Au-delà, on peut s’interroger sur le droit applicable pour déterminer cette qualification juridique, par exemple en cas de modification du PLU.
L’administration poursuit. « Ainsi, en cas de division parcellaire intervenue entre l’acquisition initiale et la cession ayant entraîné un changement de qualification ou un changement physique telle une modification des superficies vendues par rapport à l’acte d’acquisition, la taxation doit se faire sur le prix de vente total en application des articles 266 et 267 du CGI ». Seconde remarque. Le changement physique n’est plus seulement un changement lié à la qualification TVA, basée sur des critères objectifs (existence ou non de constructions) mais est étendu à une simple modification des superficies. L’ensemble des opérations de découpe de terrains (mais nous comprenons également de bâtiment) ne peuvent donc plus être soumises à la TVA sur marge, sauf dans la limite que l’administration fiscale indique ci-après. Lorsqu’on se souvient que le cahier des charges de la réforme de la TVA immobilière incluait la préservation des équilibres économiques de l’ancien régime, une telle solution s’en écarte radicalement.
L’administration précise enfin que continueront à relever de la TVA sur la marge, les opérations suivantes : « lorsque la division parcellaire est antérieure à l’acte d’acquisition initial ou qu’un document d’arpentage a été établi pour les besoins de la cession, permettant d’identifier les différentes parcelles dans l’acte, la taxation sur la marge s’applique dès lors qu’aucun changement physique ou de qualification juridique des parcelles cédées n’est intervenu avant la revente ».
Cette évolution, si elle devait être confirmée, nous paraît très critiquable dans la mesure où elle empêche l’application du régime de TVA sur marge dans des hypothèses où il a précisément vocation à s’appliquer, c’est-à-dire des opérations de marchands de biens et des opérations de lotisseurs / aménageurs.
A noter que ce changement de règles du jeu ne s’accompagne d’aucune mesure transitoire.
Consulter le texte de la réponse ministérielle
Dispense de TVA – demandes de rescrit déposées à la suite des décisions du 23 novembre 2015
Nous avons déposé les demandes de rescrit suivantes afin de demander à l’administration fiscale les suites qu’elle entend donner aux décisions du 23 novembre 2015, sur lesquelles nous vous avons déjà alertées (voir notre article) :
– vente par un marchand de biens d’un immeuble donné en location avec TVA à un investisseur long terme ;
– levée d’option dans le cadre d’un contrat de crédit-bail (avec engagement de revendre) lorsqu’elle précède la revente de l’immeuble accompagnée du transfert de l’activité locative soumise à TVA à un investisseur long terme ;
– levée d’option dans le cadre d’un contrat de crédit-bail (avec engagement de revendre) immédiatement suivie de la revente de l’immeuble à un autre crédit-bailleur aux fins de la mise en place d’une cession-bail, par un opérateur qui a donné en location avec TVA l’immeuble et qui entend continuer cette location après l’opération ;
– idem mais l’opération est précédée de l’achat de la position de crédit-preneur.
TVA – opérations de marchand de biens – timing de la récupération de la TVA d’acquisition
Le tribunal administratif de Paris vient de juger qu’un marchand de biens n’est pas en droit de récupérer la TVA grevant l’acquisition d’un immeuble achevé depuis plus de 5 ans au moment de l’acquisition. L’opérateur doit en effet attendre la revente de l’immeuble, soumise à la TVA sur option. Le fait que l’immeuble soit donné en location avec TVA dans l’attente de sa revente ne modifie pas l’analyse. L’indication dans l’acte d’acquisition de l’intention d’opter lors de la revente est également sans conséquence.
Le marchand de biens est donc contraint de porter la TVA grevant l’acquisition de l’immeuble pendant toute la durée de l’opération.
Nous avons déjà évoqué cette problématique dans un article co-signé avec notre confrère Pierre Appremont.
Marchands de biens – timing de la récupération de la TVA ayant grevé l’acquisition d’un immeuble destiné à la revente
Certains marchands de biens sont actuellement confrontés à une problématique de « portage de TVA ». En effet, l’administration fiscale considère qu’une société qui acquiert un immeuble achevé depuis plus de 5 ans et l’inscrit en stock, ne peut pas déduire et/ou obtenir le remboursement de la TVA ayant grevé les coûts de l’opération avant que cet immeuble ne soit revendu avec TVA, sur option exercée par le marchand de biens dans l’acte de revente.
Cette problématique concerne tout particulièrement la TVA ayant grevé l’acquisition de l’immeuble, ou encore les travaux de rénovation lorsque ceux-ci ne conduisent pas à un immeuble neuf.
En pratique, un marchand de biens qui acquiert avec TVA (due sur option du vendeur) un immeuble à usage professionnel (bureaux, commerces, locaux d’activité,…) achevé depuis plus de 5 ans, doit donc attendre, selon l’administration fiscale, la revente de l’immeuble soumise à la TVA (due sur option exercée par le marchand de biens) pour pouvoir « récupérer » la TVA d’acquisition. Cette récupération s’effectuera par imputation de la TVA d’acquisition sur la TVA collectée au titre de la revente, le solde éventuel faisant l’objet d’une demande de remboursement.
Cette position de l’administration génère évidemment des coûts financiers pour le marchand de biens qui doit « porter » cette TVA tout au long de l’opération.
A noter également que selon cette approche, le fait que l’immeuble soit donné en location avec TVA (en vertu de l’option exercée par le marchand de biens au titre de location de locaux nus à usage professionnel) ne permet pas de récupérer la TVA ayant grevé l’acquisition dès lors que l’achat du bien est destiné à la revente et non pas à la location (bien inscrit en stock versus bien inscrit en immobilisation).
A l’occasion d’une affaire particulière, l’administration fiscale a pris cette position et depuis des rectifications ont été opérées sur ce fondement. Au moins un contentieux a été porté devant les tribunaux qui devront apprécier la compatibilité de cette interprétation avec la directive TVA et le principe de neutralité de la TVA.
Un mécanisme d’option exercée « par avance », dès l’acte d’acquisition, avait été proposé à l’administration afin de permettre une récupération dans les conditions habituelles. Cette proposition a toutefois été rejetée.
A ce stade, le financement et le coût de portage de la TVA doivent être pris en considération pour calculer la rentabilité de l’opération. Par ailleurs, lorsque des travaux importants sont prévus, les opérateurs veilleront, autant que possible, à ce que ces travaux conduisent à un immeuble neuf pour revendre en « droits réduits » mais également pour éviter cette position financièrement pénalisante.
Article rédigé en collaboration avec Pierre Appremont également publié sur http://www.fiscalimmo.fr/