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15 janvier 2025

TVA – TVA facturée à tort – nouveau BOFIP

En matière de TVA, il est important d’appliquer la TVA uniquement si elle est due, au bon taux et pour le bon montant. Autrement, la TVA est dite facturée à tort.

Une TVA facturée à tort, c’est un problème ; même si le destinataire de la facture est en principe 100% récupérateur de TVA.

En pratique, les situations dans lesquelles la TVA peut être facturée à tort, sont nombreuses :
– Facturer de la TVA (ou encore l’indiquer dans l’acte transactionnel) s’agissant d’une indemnité en réalité non soumise à la taxe (il est souvent bien difficile de savoir de manière certaine si une indemnité est ou non soumise à la taxe) ;
– Indiquer dans un acte notarié de vente d’immeuble de la TVA alors que l’opération relève de la dispense prévue à l’article 257 bis du CGI ;
– Facturer de la TVA sur une opération exonérée pour laquelle le fournisseur ou le prestataire a oublié d’opter (e.g. les ventes d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans ou les baux de locaux professionnels nus ou tous types de prestations de services exonérées et taxables uniquement sur option) ;
– Appliquer la TVA à un taux supérieur à celui normalement applicable.

Une TVA facturée à tort déclenche l’application de trois règles visant à prévenir une perte de recette fiscale.

1. La TVA facturée à tort est due par celui qui l’a facturée.
2. La TVA facturée à tort n’est pas déductible par celui qui reçoit la facture même si celui-ci est récupérateur de taxe.
3. La TVA facturée à tort ne transforme pas une opération exonérée en opération taxée (ni pour la TVA ni pour la taxe sur les salaires).

La TVA qui est facturée à tort soulève donc à la fois des problèmes chez le client (le destinataire de la facture) et chez le fournisseur ou le prestataire (son émetteur).

En effet, nous l’avons vu à l’instant. Le destinataire de la facture, même récupérateur de taxe, ne peut pas déduire la TVA facturée à tort.

Il peut se voir refuser la déduction de la TVA lors du dépôt d’une demande de remboursement de crédit de TVA ou l’occasion d’un contrôle (même si la TVA a, dans un premier temps, fait l’objet d’un remboursement).

S’agissant de l’émetteur de la facture, celui-ci peut avoir des difficultés avec son client lorsque celui-ci se voit contester la déduction de la TVA ainsi facturée par l’administration fiscale.

L’administration fiscale peut également le redresser sur sa propre TVA déductible si elle considère que l’opération était en réalité exonérée et que, par conséquent, cette opération n’autorisait aucun droit à déduction. En effet, la TVA facturée à tort ne transforme pas une opération exonérée en opération taxable. De la même manière, des conséquences négatives peuvent également en découler en matière de taxe sur les salaires.

Au quotidien, nous sommes fréquemment confrontés à cette difficulté, a posteriori, à l’occasion d’un redressement ou, en amont, parce qu’il y a un doute sur le régime de TVA applicable à l’opération.

Dans ce dernier cas, si une demande de rescrit n’a pas pu être déposée ou obtenue, les parties doivent se préparer à gérer cette situation…

En pratique, si le risque a été décelé en amont, cela revient à décider, dans les cas les plus simples, si les parties préfèrent (i) ne pas facturer de la TVA et attendre un éventuellement redressement chez l’émetteur de la facture (en recourant le cas échéant au mécanisme de la mention expresse pour informer l’administration et éviter les intérêts de retard si la bonne foi de l’émetteur est reconnue) ou (ii) facturer de la TVA et attendre un redressement chez le destinataire de la facture.

A l’opposé, les réglages peuvent devenir beaucoup plus complexes lorsqu’il s’agit de définir un nouveau prix si l’opération est finalement exonérée.

Bien évidemment, à l’occasion de cette réflexion, les parties prendront en considération les garanties nécessaires à la régularisation de la situation initiale et la prise en charge des éventuelles pénalités et leur impact sur une éventuelle transmission au procureur de la république.

Ceci étant dit, si nous revenons à la base, il faut garder à l’esprit que celui qui a facturé à tort de la TVA peut, sous certaines conditions, régulariser la situation et en demander la restitution à l’administration fiscale si une difficulté survient. Rien n’est donc, en principe, définitivement figé.

Jusqu’à présent, la TVA facturée à tort soulevait une difficulté pratique lorsque le problème apparaissait au cours de la troisième année qui suivait celle de son versement à l’administration fiscale par l’émetteur de la facture

L’absence de commentaire de l’administration fiscale laissait à penser que la régularisation par l’émetteur de la facture n’était plus possible, même si le principe de neutralité de la TVA constamment rappelé par la jurisprudence permettait de croire que tout n’était pas perdu. Des rescrits non publiés confirmant la possibilité d’une telle régularisation pouvaient également circuler.

Bonne nouvelle.

L’administration fiscale vient d’apporter des précisions utiles pour gérer cette situation.

Celle-ci vient en effet d’indiquer que l’émetteur de la facture dispose d’un nouveau délai à compter du redressement du destinataire de la facture pour lancer la procédure de régularisation.

L’administration profite également de cette clarification pour préciser le régime applicable.

En ce qui concerne l’émetteur de la facture : l’administration rappelle que la régularisation de la TVA auprès de l’administration fiscale suppose l’émission préalable d’une facture rectificative adressée au destinataire de la facture, afin d’éliminer le risque de perte de recettes fiscales que peut engendrer le droit à déduction de la TVA.

Ainsi, en pratique, celui qui prévoirait la régularisation d’un acte rectificatif une fois que le vendeur d’un immeuble aurait obtenu la restitution de la TVA facturée à tort s’exposerait donc nécessairement à une fin de non-recevoir de l’administration fiscale.

Dans les nouveaux commentaires, la condition de bonne foi, qui était jusqu’à présent exigée dans tous les cas, n’est plus systématique. Celle-ci est dorénavant prévue uniquement dans le cas où le risque de perte fiscale n’est pas éliminé. L’administration se rallie ainsi à la jurisprudence (voir notamment CJUE 19-9-2000 aff. 454/98 plén., Schmeink & Cofreth AG & Co. KG et Manfred Strobel )

Les plus attentifs remarqueront que la procédure de régularisation est dorénavant prévue de manière générale et non plus seulement lorsque la taxe est facturée à tort au titre d’une opération non imposable, ou à un taux supérieur au taux légalement applicable.

Toujours en ce qui concerne l’émetteur de la facture, l’administration indique dorénavant dans le BOFIP le délai pour effectuer la régularisation (i.e. émission de la facture rectificative et demande de restitution). En principe (i.e. lorsque la régularisation est effectuée de manière spontanée), il s’agit du 31 décembre de la deuxième année qui suit celle du versement de la TVA à l’administration fiscale. Par exception (i.e. en cas de redressement du destinataire de la facture), il s’agit du 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la remise en cause par l’administration fiscale de la déduction de TVA chez le destinataire de la facture. Et c’est ici, la principale nouveauté résultant de la modification du BOFIP.

Tout n’est pas cependant pas devenu évident. Ainsi, la régularisation spontanée n’est pas possible à partir de N+3. Par ailleurs, le cas d’un recours en répétition de l’indu exercé par la destinataire de la facture, sans redressement préalable, à partir de N+3 n’est pas non plus visé (e.g. Cass. , 3ème Civ. , 12 septembre 2024, n° 23-11.661 s’agissant d’un bail commercial pour lequel le bailleur n’avait pas valablement opté).

On relèvera que l’administration fiscale prévoit l’émission systématique d’une facture rectificative. Le cas du destinataire d’une « facture » personne physique non assujettie à la TVA (i.e. un « particulier ») ne constitue pas officiellement une exception.

En revanche, selon nos informations, la position émise dans la réponse ministérielle non reprise au BOFIP (Rép. Collin : Sén. 4-11-2010 p. 2900 n° 14632) demeure valable. L’émission d’une facture rectificative n’est pas exigée dans cette hypothèse, ce que confirme par ailleurs la jurisprudence (CJUE 8-12-2022 aff. 378/21).

L’exigence d’une facture rectificative continue cependant d’être exigée lorsque le destinataire de la facture a été redressé au titre de la déduction d’une TVA facturée alors que l’absence de facture rectificative a été validée par la jurisprudence (CJUE 11-4-2013 aff. 138/12, 5e ch., Rusedespred OOD et CE 16-5-2011 n° 330153, 3e et 8e s.-s., Crédit Coopératif)

Point important. L’administration fiscale a supprimé les commentaires relatifs au montant de la facture rectificative. Jusqu’à présent, reprenant un ancien arrêt du Conseil d’Etat (CE 16 décembre 1987, n° 55629), il était indiqué que ne constituait pas une facture rectificative une facture qui reprenait le total initial (TTC) sans mentionner la TVA et qu’il était nécessaire de minorer le montant TTC de la TVA initialement mentionnée, ce qui conduisait à une aberration lorsque l’opération devenait exonérée par l’émetteur de la facture, le privant ainsi de la TVA déductible sur ses propres dépenses et lui faisant supporter une taxe sur les salaires supplémentaire. Des rescrits non publiés pouvaient cependant heureusement retenir une solution contraire.

Selon nos informations, cette suppression conduit à redonner la priorité à la liberté contractuelle. Le montant de la facture rectificative serait donc libre.

A noter à cet égard que ni le code général des impôts ni le BOFIP ne reprennent la condition de l’enrichissement sans cause qui pourrait être prévue à la lecture de la jurisprudence de la CJUE. Selon nos informations, cette condition ne serait donc pas exigée.

En ce qui concerne la procédure applicable, seul le recours à la déclaration de TVA est prévu. Pour mémoire, il ressort de la jurisprudence que ceux qui déposeraient une réclamation pour obtenir une validation expresse de l’administration ainsi que des intérêts moratoires verraient leur réclamation rejetée si la déclaration de TVA de l’époque faisait apparaître un crédit de TVA (voir notamment CE 27-7-2009 n° 297474).

En ce qui concerne le destinataire de la facture : l’administration fiscale rappelle que pour obtenir la restitution de la TVA qui lui a été facturée à tort, celui-ci doit prioritairement s’adresser à l’émetteur de la facture qui lancera alors la procédure de régularisation.

A titre subsidiaire, il peut cependant s’adresser directement à l’administration fiscale si l’obtention de la restitution de la taxe auprès de celui qui l’a facturée est impossible ou excessivement difficile.

Cette action directe subsidiaire a déjà été confirmée à plusieurs reprises par la jurisprudence (CJUE 15-3-2007 aff. 35/05 et CE 29-11-2023 n° 469111, Établissement français du sang). Il est donc appréciable que l’administration fiscale l’ait reprise dans ses commentaires.

A noter que la jurisprudence rappelle que l’administration peut, avant d’accorder la restitution demandée, vérifier que le risque de perte de recettes fiscales a été préalablement éliminé, notamment du fait que l’auteur de la facture erronée a reversé au trésor public la taxe indûment facturée. Le renvoi par le nouveau BOFIP à cette jurisprudence conduit à exiger cette condition.

En pratique, lorsqu’il y a un doute sur le régime de TVA appliqué dans une vente d’immeuble et que les parties décident finalement d’indiquer la TVA dans l’acte de vente au lieu d’un régime de dispense, il peut être utile de demander au vendeur de fournir à l’acquéreur la preuve du paiement de la TVA à l’administration fiscale afin de se ménager la possibilité d’introduire, le cas échéant, une telle action.

Consulter le nouveau BOFIP

Nous profitons de cet article pour souhaiter une belle année 2025 à tous nos lecteurs !

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