Livraison à soi-même – cas des immeubles neufs ou des travaux – le juge communautaire relance les débats (C-299/11)
Un arrêt récent de la cour de justice de l’union européenne vient relancer des débats techniques concernant les livraisons à soi-même.
À la lecture de cet arrêt, on peut en effet se poser les questions suivantes :
– l’Etat membre qui a choisi de taxer la livraison à soi-même d’un bien affecté aux besoins de l’entreprise, peut-il exiger cette taxation lorsque l’assujetti récupère intégralement la TVA, sous prétexte que le bien peut faire l’objet d’une régularisation ultérieure (cas des immobilisations) ? L’arrêt n’envisage que l’hypothèse d’une affectation à une activité économique non récupératrice de TVA. Le juge rappelle à cet égard que l’option offerte aux Etats membres, vise à éliminer toute inégalité entre les assujettis exonérés qui acquièrent un bien auprès d’un autre assujetti et ceux qui le font construire. La justification technique d’une régularisation potentielle future n’est envisagée à aucun moment.
– Un Etat membre qui n’a pas introduit la taxation des prestations à soi-même pour les besoins de l’entreprise et qui analyse les travaux immobiliers comme des prestations de services, peut-il soumettre ces travaux à une livraison à soi-même de biens, alors même que ces travaux ne conduisent pas à la production d’un immeuble neuf ? Pour mémoire, la France taxe la livraison à soi-même de certains travaux immobilisés lorsque l’assujetti est totalement ou partiellement soumis à la TVA. En revanche, les assujettis totalement non récupérateurs y échappent. Les biens en stock ne sont pas non plus concernés. En pratique, sont donc notamment visés les bailleurs d’immeubles qui comprennent des locaux d’habitation et des commerces. Ce cas est d’autant plus regrettable que la livraison à soi-même vient, en théorie, priver d’effet le taux réduit facturé par les entreprises de travaux. En effet, une telle livraison à soi-même ne bénéficie pas du taux réduit de la TVA, sous réserve des logements sociaux. Antérieurement à 1980, la France taxait expressément la livraison à soi-même des travaux immobiliers. Les règles à présent en vigueur mettent en doute cette taxation. En effet, lorsque les travaux immobiliers ne conduisent pas à la création d’un bien nouveau, ceux-ci s’intègrent donc au bien immeuble sur lequel ils portent et ne peuvent donc pas être taxés en tant que tels, sauf à introduire la taxation des prestations de services à soi-même. Envisager séparément ces travaux de l’immeuble sur lequel ils portent, reviendraient à contredire les règles qui régissent la livraison de ces immeubles.
L’arrêt apporte par ailleurs une précision très intéressante. Selon le juge communautaire, on ne peut pas inclure dans la base d’imposition de la livraison à soi-même la valeur d’un bien qui a déjà fait l’objet d’une taxation à un stade antérieur. Ainsi, lorsqu’un immeuble a été acquis en TVA ou lorsqu’il a déjà fait l’objet d’une livraison à soi-même, il ne serait plus possible de le prendre en compte pour une livraison à soi-même ultérieure s’il venait à être reconstruit. On se souvient que l’instruction 3 A-9-10 contenait une tolérance similaire lorsque l’immeuble reconstruit a déjà fait l’objet d’une livraison à soi-même antérieure (paragraphe 97 aujourd’hui repris au paragraphe 340 du BOI-TVA-IMM-10-20-10-20120912). L’arrêt semble aller plus loin puisqu’il viserait également le cas d’une acquisition soumise à la TVA.
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