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4
Sep

Immobilier et paradis fiscaux – la France cible Jersey, les Bermudes et les îles Vierges britanniques

 

La France vient de mettre à jour la liste des États et Territoires Non Coopératifs (ETNC). Les Bermudes, Jersey et les îles Vierges britanniques ont été ajoutés à la liste tandis les Philippines en ont été retirées. Cette liste est mise à jour tous les ans et inclut donc désormais : les Bermudes, le Botswana, Brunei, le Guatemala, Jersey, les îles Marshall, Montserrat, Nauru, Niue et les îles Vierges britanniques.

Pour les Philippines, les effets du retrait sont applicables rétroactivement dès le 1er janvier 2013.

En revanche, s’agissant des nouveaux-entrants, la mise à jour de la liste ne produira d’effet qu’au 1er janvier 2014. Par conséquent, les contribuables ont, en principe, jusqu’à la fin de l’année 2013 pour prendre les dispositions nécessaires concernant les éventuels revenus transitant par un résident fiscal localisé dans un ETNC.

En effet, les dispositifs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (notamment les dispositifs anti-abus défini à l’article 209 B du Code général des impôts) sont fortement renforcés vis-à-vis des ETNC. Par ailleurs, de nombreux avantages fiscaux sont restreints dès lors que des résidents de ces États sont concernés. Le Code Général des Impôts prévoit notamment :

  • un taux de retenue à la source de 75% sur les dividendes, intérêts et redevances lorsqu’ils sont payés à des bénéficiaires localisés dans un ETNC ;
  • un taux de retenue à la source de 75% sur les plus-values immobilières, i.e. les revenus tirés de la cession d’un immeuble ou des titres de sociétés à prépondérance immobilière, réalisées dans un ETNC ;
  • l’exclusion du régime dit des « sociétés mères et filiales » (exonération d’impôt sur les sociétés à hauteur de 95%) pour les dividendes reçus de filiales résidentes d’un ETNC ;
  • l’exclusion du régime du long terme des plus-values issues de la cession de titres détenus dans un ETNC.

Concernant plus précisément le dispositif anti-abus de la taxe de 3% sur les immeubles détenus en France par des entités étrangères, il n’est pas encore clairement déterminé si les entités localisées aux Bermudes, à Jersey ou dans les îles Vierges britanniques peuvent toujours prétendre aux cas d’exonération de la taxe de 3% prévus par l’article 990 E 3° du CGI. Ces cas d’exonération sont ouverts aux entités résidentes d’États ayant « conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales », ce qui demeure leur cas. Ainsi, sauf à ce que la France dénonce les conventions fiscales qui restent actuellement en vigueur avec ces États, la mise à jour de la liste des ETNC  ne devrait pas avoir d’effet direct sur la taxe de 3% au vu de la lettre du Code Général des Impôts. La « liste des États ou territoires hors Union européenne ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative pour l’application du 3° de l’article 990 E du Code général des impôts » fait d’ailleurs l’objet d’une publication spécifique par l’administration fiscale française, indépendamment de la liste des ETNC.

 Néanmoins, on voit mal comment des États qualifiés de « non-coopératifs » par manque de transparence pourraient en toute logique ne pas être également exclus du bénéfice des cas d’exonération de la taxe de 3% lorsque cette exonération est soumise à des conditions de résidence et d’échange d’informations fiscales. En pratique, le fait générateur de la taxe de 3% intervenant au 1er janvier de chaque année, l’administration aurait jusqu’au 1er janvier 2014 pour lever toute incertitude. Toutefois, en l’absence de clarification, le seul moyen permettant d’atténuer complètement le risque d’être imposable à la taxe 3% dans le cas où une entité localisée aux Bermudes, à Jersey ou dans les îles Vierges britanniques serait interposée dans une chaîne de participation d’un immeuble en France, serait de restructurer le schéma de participation avant la fin de l’année 2013.

Il est toutefois intéressant de noter que d’après un article du Financial Times, les pays nouvellement visés par l’administration fiscale pourraient modifier leur politique d’échange de renseignements rapidement, ce qui pousserait la France à revenir sur sa décision avant la fin de l’année. Par ailleurs, un retrait de la liste de l’un des nouveaux-entrants au cours de 2014  priverait de tout effet l’inclusion temporaire du pays concerné dans la liste des ETNC dans la mesure où ce retrait serait de fait rétroactif au 1er janvier 2014.

Sarvi Keyhani, avocat associé et Henry Billard, avocat, TAJ société d’avocats, membre de Deloitte Touche Tohmatsu limited