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24 octobre 2012

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TVA et franchises de loyers

 

Une franchise de loyers devrait, en principe, être analysée comme une réduction de prix octroyée en fonction de l’importance de la transaction et des conditions de marché.

Des affaires particulières récentes ont montré que les services vérificateurs pouvaient contester cette analyse au motif que la franchise de loyers serait en fait la rémunération en nature d’un service qui serait rendu par le locataire au bailleur.

Si on suit une telle analyse le bailleur devrait collecter de la TVA dans les mêmes conditions que si le locataire lui avait versé un loyer (le loyer principal doit donc être soumis à la TVA de plein droit ou sur option). Le locataire devrait également émettre une facture comportant systématiquement de la TVA s’agissant du service qu’il est censé rendre au bailleur.

Le point de départ de ces dossiers est souvent le contrat de bail. Le service vérificateur tente alors de démontrer que les concessions réciproques qui sont reprises dans le contrat et que se sont consenties les parties dans le cadre de la négociation commerciale sont en fait de véritables échanges de services.

Il en est notamment ainsi lorsqu’une franchise de loyers est accordée à la condition que le locataire prenne l’engagement de louer pendant une durée ferme de 9 ans au lieu de 3 ans. Pour autant, une telle situation n’a rien d’étonnant. En effet, comme dans toute négociation commerciale, le prix est fonction de la quantité, qui, s’agissant d’un contrat tel qu’un bail, peut également s’exprimer dans la durée.

En droit français, cet engagement du locataire prendrait la forme d’une renonciation au droit qu’il détient de la loi, de demander au bailleur une résiliation triennale. Le locataire qui prend un tel engagement ferme de louer pour 9 ans et qui renonce à la possibilité de résilier tous les 3 ans, rend-il une prestation de services au bailleur ? Il est évident que le bailleur trouve un intérêt économique à cet engagement. Est-il pour autant le bénéficiaire d’un service au regard de la TVA ?

Ces différentes situations ont déjà donné lieu à des décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui rappellent, qu’au regard de la TVA, le locataire ne rend pas un service au bailleur en acceptant de devenir son locataire.

Partant, la franchise que consent le bailleur pour inciter le locataire à conclure le bail n’est donc pas, au regard de la TVA, la rémunération d’un service fourni par le locataire. Dès lors, pour quelles raisons le locataire qui prendrait un engagement de durée ferme, rendrait-il un service au bailleur ? Autrement, la majorité des franchises, et plus généralement, la majorité des réductions de prix dépendant d’un volume d’achat, devrait être taxée à la TVA, ce qui a déjà été réfuté par le Conseil d’Etat et ensuite par l’administration fiscale (CE 30 décembre 2002 n° 205131, 8e et 3e s.-s., min. c/ SA Rennesson :  RJF 3/03 n° 284 et instruction du 20 juillet 2006, 3 B-4-06).

Dès lors, le fait de prendre en location pendant une durée plus longue ne constitue pas une prestation de services qui serait rendue par le locataire au bailleur. La franchise consentie par le bailleur en contrepartie de cet engagement ferme n’est donc pas la rémunération d’un service qui lui serait rendu. La DLF a d’ailleurs déjà eu l’occasion de le rappeler, dans des affaires particulières impliquant des actifs de premier plan, après avoir vérifié au vu des conditions de marché que le montant du loyer ainsi réduit par la franchise ne traduisait pas une intention libérale.

Au final, la question se pose de savoir s’il existe une hypothèse dans laquelle la franchise consentie par le bailleur pourrait être analysée comme un flux croisé de prestations. En fait, il existe effectivement des situations spécifiques dans lesquelles on peut constater un échange de services au sens de la TVA. Ainsi, le cas de certains locataires locomotives ou prestigieux de centres commerciaux peut parfois donner lieu à de tels échanges.

En pratique, même s’il apparaît qu’une franchise de loyer ne devrait donner lieu à collecte de TVA que dans des circonstances exceptionnelles, la revue TVA des projets de contrats apparaît indispensable pour préserver la sécurité juridique des parties. Une telle analyse prendra également en considération les conditions de marché au moment de la conclusion du bail.

Nota : lorsque l’immeuble est vendu alors que la franchise de loyers est encore d’une durée significative, il conviendra également de revoir les conséquences comptables et fiscales de l’accord des parties quant à celle qui en supportera la charge définitive.

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