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12 mai 2017

TVA – terrain à bâtir – cession par un agriculteur

 

La pratique montre que certains services vérificateurs entendent redresser les agriculteurs qui cèdent des terrains agricoles devenus constructibles à la suite d’un changement de plan local d’urbanisme. Selon ces services vérificateurs, la cession de ces terrains à bâtir devrait être soumise à la TVA.

La TVA est une taxe qui frappe les activités économiques. La TVA ne doit donc normalement atteindre que la valeur donnée au bien par l’intervention active d’un entrepreneur. La TVA ne peut donc pas constituer un impôt sur les plus-values (selon une jurisprudence constante, « le simple exercice du droit de propriété par son titulaire ne saurait, en lui-même, être considéré comme constituant une activité économique », peu importe l’ampleur et le nombre des ventes) .

Si on applique ces principes aux agriculteurs, il est nécessaire de retenir une analyse au cas par cas afin de distinguer les opérations qui relèvent de la gestion patrimoniale (et du domaine de la plus-value), de celles qui relèvent d’une activité économique similaire à celle d’un lotisseur ou d’un marchand de biens.

Autrement dit, s’agissant d’un vendeur qui est déjà assujetti à la TVA (l’activité agricole est une activité économique au sens de la TVA), pour que la cession d’un terrain à bâtir soit taxable à la TVA encore faut-il que le vendeur, assujetti à la TVA, agisse en tant que tel.

S’agissant des agriculteurs, la difficulté tient au fait que le terrain a été utilisé dans le cadre de l’activité – économique – agricole et qu’en principe, la cession d’une immobilisation par l’assujetti qui l’a utilisée dans le cadre de son activité économique, entre dans le champ d’application de la TVA (l’article 261, 3-1°-a du CGI soumet à la TVA ces ventes).

Pourquoi en irait-il autrement s’agissant d’un agriculteur ?

Ceci tient au fait que le terrain a une nature particulière. Il s’agit d’un bien qui ne se consomme pas et qui perdure à l’activité agricole. Le caractère constructible du terrain ne résulte pas non plus de l’activité agricole. Le prix du terrain, s’il n’a pas été aménagé, ne résulte que des lois de l’offre et de la demande. Ainsi, si l’agriculteur n’a pas aménagé le terrain, la cession du terrain à bâtir déclenchera une plus-value et non pas une « valeur ajoutée » dans le cadre d’une activité économique. La TVA ne doit donc pas être appliquée.

Cette analyse est retranscrite dans les commentaires de l’administration fiscale (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10-20120912 § 80 & s.)

Une lettre envoyée par la DLF le 30 août à la FNSEA (RESCRIT_FNSEA_TAB) est également éclairante.

Selon cette lettre, les cessions de terrains réalisées par un assujetti dans le cadre de sa gestion patrimoniale ne sont pas soumises à la TVA.

Ainsi, la cession par un agriculteur d’un terrain de l’exploitation devenu constructible par modification du plan local d’urbanisme, est considérée comme réalisée dans le cadre de sa gestion patrimoniale. Cette opération n’est donc pas soumise à la TVA.

En revanche, la cession de terrains à bâtir sur lesquels l’agriculteur a développé une activité économique taxée à la TVA est reconnue dans les deux hypothèses suivantes :
– hypothèse n° 1 : l’agriculteur a réalisé des travaux de viabilisation conséquents et a mis en place des moyens de commercialisation avérés (il s’agit de conditions cumulatives) ;
– hypothèse n° 2 : l’agriculteur a acquis des terrains à bâtir en vue de leur revente.

On pourrait considérer que ce régime n’est pas satisfaisant dans la mesure où la cession de terrains à bâtir obéit à des régimes différents selon l’identité du vendeur. On aurait pu, au en effet, imaginer un système dans lequel, la cession d’un TAB aurait été systématiquement taxée, peu importe l’identité du vendeur (ou au contraire, jamais taxée à la TVA, compte tenu du caractère non consomptible du terrain, ce qui montre la difficulté d’envisager le régime applicable à la cession d’un tel bien).

Cela étant, ce n’est pas le système qui a été retenu par la directive TVA, et par la France, par voie de conséquence. Ainsi que la jurisprudence européenne le rappelle (CJUE 15 septembre 2011, C-180/10 et C-181/10, Slaby et Kuc), il est nécessaire que la vente du terrain intervienne dans le cadre d’une activité économique pour qu’elle soit soumise à la TVA, y compris lorsque l’Etat membre a choisi de taxer les activités économiques « occasionnelles », ce qui n’est plus le cas de la France.

A noter enfin que le juge communautaire retient s’agissant de la cession de TAB par des agriculteurs, des critères similaires à ceux de l’instruction pour départager ce qui relève d’une activité économique (soumise à la TVA) et ce qui appartient à la gestion patrimoniale (en dehors du champ de la TVA).

Article rédigé avec la collaboration de Gildas Aubril, fiscaliste FNSEA

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